La pression fiscale supportée par le secteur automobile risque d'anéantir la demande interne. La hausse de la vignette prévue dans le cadre du PLF 2019 est la goutte qui fait déborder le vase. Analyse. Rien ne peut arrêter le fisc lorsqu'il trouve une niche fructueuse et c'est le moins que l'on puisse dire s'agissant du secteur automobile. Ces dernières années, à l'occasion de l'élaboration du Budget, pour joindre les deux bouts, le gouvernement introduit chaque fois une disposition fiscale en défaveur du secteur automobile. Le budget 2019 ne fait pas exception. A priori la situation semble paradoxale, d'un côté booster l'industrie automobile pour en faire un fleuron voire un écosystème complet et de l'autre des dispositions fiscales venant à l'encontre d'un autre pan du secteur automobile. Assurément, le Maroc peut se targuer aujourd'hui du volume des exportations automobiles qui boostent un tant soit peu la balance commerciale et qui en a fait la fierté de Moulay Hafid Elalamy à l'occasion de la première université d'été de la CGEM. D'après les dernières statistiques publiées par l'Office des changes, les exportations automobile ont atteint 43,66 Mds de DH à fin août 2018 contre 37,05 Mds de DH à fin août 2017, soit une hausse de 17,8%. Toutefois, il est à signaler que l'essor d'un secteur n'est pas tributaire uniquement du marché extérieur mais également de la demande interne. Or, bon an mal an, les entreprises sont confrontées à une forte pression fiscale qui risque de les dissuader à étoffer ou renouveler leur parc automobile. Les principales entorses fiscales La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les véhicules de transport de personnes n'ouvre pas droit à déduction. Elle n'est donc pas récupérable. Ce qui se traduit par un renchérissement du coût de l'investissement en véhicules. En matière d'amortissement, il est relevé que le taux d'amortissement du coût d'acquisition des véhicules de transport de personnes ne peut être inférieur à 20% par an et la valeur totale fiscalement déductible, répartie sur cinq ans à parts égales, ne peut être supérieure à 300.000 DH TTC par véhicule. Ce qui se traduit par un coût fiscal pour les entreprises et limite leur ambition d'investissements en voitures dépassant le fameux seuil de 300.000 DH TTC. La neutralité concurrentielle étend cette restriction également aux investissements en véhicules financés par crédit-bail ou exploités dans le cadre de contrat de location de longue durée. Ainsi, lorsque lesdits véhicules sont utilisés par les entreprises dans le cadre d'un contrat de crédit-bail ou de location, la part de la redevance ou du montant de la location supportée par l'utilisateur et correspondant à l'amortissement au taux de 20% par an sur la partie du prix du véhicule excédant trois cent mille (300.000) dirhams, n'est pas déductible pour la détermination du résultat fiscal de l'utilisateur. En outre, le coût d'acquisition des véhicules qualifiés de luxueux est majoré de droits d'enregistrement proportionnels aux montants. Le taux d'imposition oscille entre 5% et 20%. Ajoutons à toutes ces dispositions les dépenses afférentes à l'entretien et à la maintenance des voitures de tourisme qui ne jouissent pas de droits de déductions. Ce qui renchérit le coût d'exploitation pour les entreprises. A toutes ces charges, s'ajoute la taxe spéciale sur les véhicules communément appelée vignette. Cette charge récurrente s'applique aussi bien aux personnes physiques que morales et son montant varie selon la nature du carburant et la puissance fiscale dudit véhicule. Pour couronner le tout, le gouvernement a d'ailleurs prévu dans le projet de Loi de Finances 2019, l'augmentation du prix de la vignette, soit une hausse comprise entre 50 et 500 DH selon la nature du véhicule. Interrogé sur l'enjeu de cette hausse, une source proche du dossier explique : « Cette hausse ne va pas freiner le développement du parc automobile mais elle ne l'encourage pas non plus. Rappelons que le véhicule est un vecteur de développement économique et donc il faut prévoir des mesures incitatives pour favoriser le développement du parc automobile ». Et d'ajouter: « Je dirais même que l'heure des moteurs thermiques va bientôt sonner. Le Maroc se prépare ainsi à cette mue. Certes l'exonération des voitures hybrides de la vignette et de la taxe de luxe est un premier pas. Mais la voiture électrique au Maroc n'est pour demain ». [table id=2 /] Toutes ces dispositions montrent que la pression sur le secteur automobile est bien réelle, combien même dans la lettre de cadrage, l'achat des véhicules par les établissements publics est soumis à l'autorisation du Chef de gouvernement. Elles mettent en évidence l'absence de coordination entre le ministre de l'Industrie, Moulay Hafid Elalamy qui bataille pour propulser le secteur automobile et le ministre de l'Economie et des Finances, Mohamed Benchaâboun qui souhaite améliorer les recettes fiscales. Elles confirment l'idée même que le gouvernement cherche la facilité en taxant des dépenses obligatoires. Toutefois si le gouvernement souhaite, à travers toutes ces dispositions, encourager l'accès au transport alternatif, nous savons très bien que ledit transport souffre de plusieurs maux et défaillances.