Ecrit par Lamiae Boumahrou | Au moment où il a fallu infliger les sanctions prévues aux distributeurs des hydrocarbures pour ne pas avoir respecté la réglementation en vigueur relative au stock de sécurité et pour avoir exposé le Maroc à un risque d'approvisionnement, le gouvernement annonce une enveloppe de 3 Mds de DH pour accompagner les investissements du secteur privé. L'annonce du stock de sécurité du gasoil récemment par la ministre de tutelle a suscité de vives inquiétudes. Et pour cause, au 11 avril 2022, le stock de sécurité du gasoil et du gaz butane est de 26 jours soit respectivement un stock de produits pétroliers liquides de 789.000 tonnes et 191.100 tonnes pour le gaz butane. Nous sommes bien loin de la règlementation en vigueur qui impose un stock de 60 jours de consommation pour les produits raffinés chez les distributeurs. Une réglementation qui, faut-il admettre, n'a jamais été respectée par les distributeurs au vu et au su des autorités. En effet, le stock de sécurité du Maroc n'a jamais dépassé 30 voire même 32 jours de stocks. Interpellée à ce sujet, la ministre de la Transition énergétique et du développement durable, Leila Benali, s'est contentée de rappeler que les 60 jours de stocks n'ont jamais été atteints et que ce n'est pas aujourd'hui et dans le contexte actuel où le prix du baril dépasse les 100 dollars que cela va se faire. Une déclaration que beaucoup d'observateurs ont qualifiée d'irresponsable puisque la ministre s'est faite l'avocat du diable alors qu'elle est sensée taper sur ceux qui ne respectent pas la loi mettant en péril la sécurité énergétique de notre pays et non pas leur trouver des excuses. On se demande d'ailleurs qui fait la loi ? Cela dit, si le contexte actuel pourrait justifier un tel niveau de stock il n'est pas concevable que les distributeurs n'aient jamais dépassé 30 jours de stock même lorsque le prix du baril était à des prix raisonnables voire bas. La cour des comptes avait déjà soulevé cette problématique du stock de sécurité des produits pétroliers en 2016 dans un rapport sur les stocks de sécurité au Maroc. 6 ans plus tard nous sommes toujours dans la même situation si ce n'est pire. En effet, avec la libéralisation du marché des hydrocarbures en 2015, le marché national est approvisionné entièrement par l'importation de produits raffinés, ce qui accroît son exposition aux aléas du marché international, avait soulevé les magistrats de la Cour. Les questions qui s'imposent d'emblée : pourquoi les distributeurs ne respectent pas la règlementation en vigueur ? Et pourquoi l'Etat ferme-t-il l'œil sur cet état de fait qui menace notre économie ? Pourquoi les sanctions prévues par la loi n'ont jamais été appliquées ? Un laxisme redoutable dans les temps qui courent. Lire également : Stock de sécurité hydrocarbures : le gouvernement récolte les fruits de ses choix Rappelons que le dahir portant loi n°1-72-255 du 22 février 1973 précité, a fixé, par dérogation aux dispositions de la loi n°9-71 spécifique aux stocks de sécurité, les sanctions aux infractions à l'obligation de constitution de stocks de sécurité en hydrocarbures. Il prévoit ainsi, une amende de 5 DH/m3 de produit raffiné ou par tonne de pétrole brut pour le défaut de stockage constaté. Cette amende est à considérer par jour durant la période où l'insuffisance des stocks a persisté. Non seulement ces sanctions n'ont jamais été appliquées mais elles n'ont jamais été révisées depuis leur institution en 1973. Lors de sa rencontre avec les médias, Leila Benali a donc tenté de justifier l'injustifiable. Elle a tout de même annoncé que le gouvernement va accompagner la mise en œuvre des projets programmés par le secteur privé pour atteindre une capacité totale supplémentaire de stockage des produits pétroliers liquides s'élevant à plus de 550 milles tonnes. Pour cela, le gouvernement a prévu une enveloppe de 3 Mds de DH à l'horizon 2023 dont 2 Mds de DH pour les produits pétroliers liquides et 1 Md de DH pour le gaz butane pour les infrastructures de stockage. Cette enveloppe est-elle justifiée sachant que les distributeurs ont déjà profité de plusieurs mécanismes de financement mis en place pour les inciter à développer les capacités de stockage et à constituer les stocks réglementaires ? Ce qui est certain c'est que malgré des bénéficies très contestés encaissés depuis la libéralisation des produits des hydrocarbures, les distributeurs investissent très peu en infrastructures de stock. Et c'est l'Etat qui vient à nouveau mettre la main à la poche pour garantir le stock de sécurité du pays.