À la pompe, depuis un certain temps, les prix des carburants ne cessent d'augmenter. Aujourd'hui, le gasoil a dépassé l'essence dans la course à l'attaque de la poche du citoyen. La variable étant exogène et par manque de volonté et de vision politique et/ou de créativité, notre Gouvernement opte toujours pour les solutions les plus faciles : « Le Citoyen », en lui demandant soit de supporter la facture de la flambée des prix, soit de changer son comportement en cherchant des solutions alternatives d'économie d'énergie et de carburant. Mais qu'en est-il pour le gouvernement lui-même et son fer de lance l'administration publique avec toutes ses composantes ? Ne sont- ils pas les premiers concernés par serrer la ceinture, en période de crise, à l'instar de tout le monde ? Ne fallait- il pas donner l'exemple dans une telle conjoncture très particulière et difficile pour nous tous ? Avec sa flotte publique spectaculaire, l'Etat ne donne- t- il pas un mauvais exemple en cette période exceptionnelle ? Autant de questions que le citoyen marocain se pose quotidiennement. Nous essayerons, à travers ce qui suit, de donner des éléments de réponse à ces différentes interrogations à travers un éclairage sur un sujet négligé par les décideurs, malgré les rapports, les critiques et la quantité d'encre qu'il a fait couler . 1- Les véhicules de service : un avantage hors la loi Parmi les mesures phares du Gouvernement de l'alternance du feu Si Abderrahman El Youssoufi, la réduction du parc auto de l'Etat. Pour ce faire, il avait adopté le Décret n° 2-97-1052 du 4 chaoual 1418 (2 février 1998), instituant une indemnité forfaitaire en faveur de certains fonctionnaires et agents de l'Etat pour l'utilisation dans l'intérêt du service de leur voiture automobile personnelle. (B.O. n° 4558 du 5 février 1998). Dans son article premier, on lit : « Les directeurs d'administration centrale, les membres de cabinet des membres du gouvernement, les chargés d'études, les chefs de division, les chefs de service et les fonctionnaires exerçant des fonctions assimilées, bénéficient d'une indemnité forfaitaire pour l'utilisation dans l'intérêt du service de leur voiture automobile personnelle… ». Les taux mensuels de ladite indemnité sont fixés par l'article 3 du même décret et qui sont : Selon le décret, cette indemnité forfaitaire est destinée à couvrir les frais engagés dans l'exercice de la fonction ou de l'emploi et qui sont liés à l'utilisation de la voiture automobile personnelle ou aux frais de transport du fonctionnaire et agent intéressé. Aujourd'hui, et selon le dernier exposé, devant le parlement, du DG de la SNTL, société d'Etat chargée entre autres, de la gestion du parc auto de l'Etat, la flotte des véhicules de l'Etat mis à la disposition des administrations publique, des collectivités territoriales et des établissements publics jusqu'au 31/12/2019 comptait, 152.957 véhicules pour environ un million de fonctionnaires (Dépassant largement celui du Canada, du Japon et des USA qui ont plus de fonctionnaires) soit le triple de la flotte à l'époque de Si Abderrahmane El Youssefi. La part du lion est accaparée par les administrations publiques avec 91.927 véhicules (soit 60,10%) suivies par les collectivités territoriales avec 42.647 (soit 27,88%) et les établissements publics avec 18.382 (soit 12,02%). 2– Le Parc auto de l'Etat : Le mendiant mendie et sa femme en distribue* A l'exception de quelques organismes étatiques, très rares, tous les responsables, surtout les hauts fonctionnaires, ont une voiture de service (généralement luxueuse) et continuent à bénéficier de l'indemnité suscitée. En d'autres termes, et si on suppose qu'un fonctionnaire sur cinquante a un statut de responsable, soit 20.000 fonctionnaires, c'est-à-dire que le gouvernement verse en moyenne annuellement un montant d'indemnité illégale qu'on peut estimer à 48.000.000 DH minimum (20000*2000*12), si on y ajoute 100 Milliards de centimes par an de carburant (il faut parler aujourd'hui du double), sans compter les frais de maintenance, les primes d'assurance, les tickets de l'autoroute ainsi que des millions de dirhams destinés aux nouvelles acquisitions de voitures et à la maintenance. Ainsi, la flotte publique avait nécessité en 2019, quelques 2 Mds de DH de carburant et 960 MDH d'entretien. Ce qui est plutôt paradoxal, puisque le gouvernement a, dans le même temps, dépensé 560 MDH de frais de transport en dépit de l'existence d'un nombre important de véhicules. Il faut penser à un nouveau système plus pertinent, entre autres, des subventions ou des primes de transport, pour assurer la mobilité des agents de l'Etat. Ajoutons à cela, la nouvelle pratique de location de longue durée (LLD), utilisée par souci d'économie ou de camouflage (immatriculation particulier) avec des budgets colossaux qu'il fallait au moins remplacer par des crédits leasing surtout pour les établissement publics afin de rentabiliser les budgets en question. Par ailleurs, les ministères techniques et à leur tête, celui de l'équipement, utilisent une autre pratique qui passe inaperçue, celle d'ajouter une disposition dans les CPS des appels d'offres de travaux et d'infrastructure à savoir : « la mise à la disposition de l'administration un ou plusieurs véhicules pour que les agents de l'administration puissent assurer le suivi du chantier et des travaux !!!!! ». Bien évidemment l'offre de prix sera augmentée par le coût du véhicule (généralement neuf). Nous ne sommes pas devant une vrai hémorragie des fonds publics dans un contexte de rareté et par un gouvernement qui prétend gérer la chose publique avec une logique d'entreprise mais qui a oublié, que la gouvernance de cette dernière est fondée essentiellement sur la maîtrise et l'optimisation des coûts ? Ces pratiques et chiffres choquants interrogent nos responsables sur l'utilité d'avoir tant de véhicules dans un pays qui souffre de la rareté de ressources, de la sécheresse et de tant de maux accentués par la crise sanitaire et la conjoncture internationale. De quelle équité et efficacité parle-t-on quant un directeur central d'un établissement public ou d'une administration se déplace chaque jour avec une voiture de luxe et touche en même temps, illégalement, une indemnité mensuelle qui dépasse le revenu d'un campagnard en haut atlas, agriculteur au rif, une femme travailleuse dans les exploitations agricoles, un nomade au Sahara, un agent de sécurité, un marin pêcheur ou encore un soldat aux frontières ? Nul ne conteste le fait que l'Etat doit avoir son propre parc de véhicules pour qu'il puisse assurer pleinement ses fonctions surtout celles régaliennes. Toutefois, ce parc doit obligatoirement être conçu et géré avec un souci d'économie, d'équité, de probité et de la prise en considération des effets sur l'environnement. A cet effet, notre gouvernement et ses hauts responsables doivent en donner le bon exemple car comme disait le Philosophe Francis Bacon : « Celui qui donne un bon conseil, construit d'une main, celui conseille et donne l'exemple, à deux mains ; mais celui qui donne de bonnes leçons et un mauvais exemple construit d'une main et détruit de l'autre » !!.. *Proverbe marocain. Par Mohamed Oueld Lfadel EZZAHOU [email protected]