Fine et émaciée, cette jeune femme a déjà un CV des plus impressionnants. Après des études à l'ESSEC, Sofia Benchekroun a fait ses premières armes à Mc Kinsey Casablanca avant de se mettre à son compte. Si elle vient vers l'enseignement, c'est aussi que sa famille a une longue tradition de directrice d'école. Par Noréddine El Abbassi Il est des traditions familiales qui vous rattrapent à un moment ou un autre dans la vie, alors qu'on pensait les avoir oubliées. Sofia Benchekroun renouera avec l'une de ces «traditions» familiales, l'enseignement, après une brillante carrière dans le conseil. De parents, architecte et dentiste, elle ne se doutait point de l‘ existence d'un «autre monde», en dehors des professions libérales. C'est sur le tard qu'elle reviendra à l'entreprenariat, mais dans le domaine particulier, qu'est l'enseignement. Il est vrai que depuis deux générations, sa grand mère et ses tantes étaient elles mêmes directrices d'écoles. Ce monde, elle le découvre lors de sa scolarité, dans la même école primaire que dirigeait sa grand-mère: «je ne voulais pas être la petite fille de «Madame la Directrice», mais je passais beaucoup de temps au sein de l'administration de l'école. C'est ainsi que j'ai découvert le monde de l'enseignement», se remémore-t-elle. Sofia est émaciée, presque sèche. Un physique de marathonienne. Pourtant ce n'est pas cela son sport de prédilection, mais la zoumba, une danse africaine, sport qu'elle affectionne. Elle est l'ainée des quatre filles de la famille et voit le jour à Casablanca, en 1979. Elle est scolarisée à la Mission Française, après un passage dans le privé, dans le groupe Scolaire d'Anfa (autrement connu comme Ecole Bennis). Elle grandit dans un environnement protégé, où l'on forge des personnalités par le sport. La «discipline», elle l'apprend dans l'exercice du ballet, avant de se tourner vers des danses plus «modernes». Elle joue également au Badminton, et coule des jours heureux dans le Maroc où il faisait encore «bon vivre». We are the 80' Les années 80 et 90 sont une période particulière au Maroc. La musique Rock fait son grand retour, les paraboles permettant de suivre des films internationaux et d'apprendre les langues étrangères. Derb Ghallef propose les dernières sorties en matière de films à des prix modiques. C'était avant le streaming, avant le téléchargement, et les bibliothèques croulaient sous les livres et les disques importés. Sofia se rappelle bien de cette époque: «je consacrais beaucoup de temps à l'écoute de la musique. Mon père avait toujours peur que je ne «m'abime les oreilles». Il faut dire que cette génération ne comprenait pas la musique des jeunes», confie-t-elle. Le heavy metal, initié par le morceau Helter Skleter des groupes britanniques The Beatles, les Led Zepplin et Black Sabbath, avait évolué, pour inspirer des groupes, tels que Metallica et le grunge de Nirvana. Sofia décroche son Bac Scientifique en 1996, après avoir sauté une classe, bonne élève qu'elle était. Elle s'envole alors pour la France, préparer les concours des grandes écoles de commerce, prépa HEC, à Montpellier. Dans le prestigieux Lycée Joffre, elle découvre une ambiance familiale, rare dans un environnement hyper compétitif, et une communauté de marocains: «nous étions «appréciés». Nous n'étions pas nombreux et nos camarades français venaient pour la plupart des environs. Ils avaient donc le privilège de rejoindre régulièrement leurs familles pour les vacances,» explique-t-elle, visiblement émue par cette expérience «positive». Retour au Maroc Nous sommes en 1998 lorsque Sofia décroche l'école de commerce, l'ESSEC, qui compte parmi les «grandes parisiennes». Elle opte pour la Finance et le Droit. «Nous avions d'excellents professeurs. Aujourd'hui, ce sont des sommités dans leur domaine. Lorsque je vois leurs interventions dans les médias, je me dis que j'aurais pu apprendre plus à leur contact», pointe-t-elle. Sofia s'oriente alors vers la banque d'affaires et c'est chez BNP Paribas, où elle fait ses premières armes. De retour au Maroc, elle intègre Mc Kinsey Casablanca. Ce sont les débuts des consultations du cabinet américain pour le Gouvernement Marocain. Le conseil est un métier prenant, où l'on ne compte pas ses heures. Mais où, tout est mis en place pour faciliter le travail des consultants. «Pour moi, c'était réellement une école. Alors que souvent, ailleurs, on délaisse la formation des employés, chez Mc Kinsey, on «investit» dans les collaborateurs, que l'on forme au métier», développe-t-elle. Sofia se marie en 2003, et son premier enfant verra le jour, six années plus tard. En 2009, alors qu'elle quitte le conseil, Sofia planche sur un autre gros chantier, le Morocco Mall. Elle est nommée conseillère de la présidente, Salwa Akhannouch. L'activité est en pleine effervescence, et Sofia doit mener de front sa vie familiale et la stratégie à mettre en place, pour le plus «grand centre commercial d'Afrique». Là encore, Sofia ne semble pas effrayée par le travail et ne compte toujours pas ses heures. Débuts dans l'entreprenariat En 2012, Sofia accueille son second enfant et décide enfin de s'adonner à ses envies d'entreprendre. Elle est repérée par un cabinet de conseil, pour lequel elle multiplie les missions, comme «free lance», ce qui lui donne l'idée d'ouvrir son propre cabinet de conseil. Ce sera Ovatio, entité qui existe encore de nos jours. Au détour de ses recherches, elle commence à se passionner pour l'éducation. Elle réalise en effet, que la formation est un problème au Maroc. Elle s'attache donc à recenser les manques du marché, et par la même à situer les différentes niches, amenées à se développer dans l'avenir. C'est au hasard d'une mission, qu'elle tombe sur une chaîne d'enseignement de l'anglais aux enfants en bas âge: Kids and us. Très intéressée, elle multiplie les recherches dans le domaine avant de rencontrer la fondatrice Natalia Perarnau: «c'est réellement une source d'inspiration pour moi. Je me suis aussi bien reconnue dans le concept que dans sa vision de l'enseignement», analyse-t-elle. Durant tout son récit, Sofia est «ouverte», communicative et «positive». Un peu comme une boule de «passion», qui a relevé des challenges par son «optimisme». «Tout le monde me prenait pour une folle. J'ai commencé les négociations en 2016, pour ouvrir au mois de septembre de la même année,» avance-t-elle. Mais elle tient le Challenge, et convaincue elle conclut: «c'est bon pour mes enfants. Lorsqu'on veut enseigner une langue, après 6 ans c'est déjà tard. Plus tôt on s'y prend et mieux c'est». Et avec autant de passion, qui la contredirait? BIO EXPRESS 1979: naissance à Casablanca 1996: Bac S au Lycée Lyautey 2001: Diplôme de Finance de l'ESSEC (Paris) Débuts chez Mc Kinsey Casablanca 2009: Conseil en stratégie pour le Morocco Mall 2012: Fonde le cabinet de conseil Ovatio 2016: Lancement de Kids and us Casablanca