Le textile remonte miraculeusement la pente avec 41 % de hausse des exportations en avril dernier. Ce constat, avancé récemment par le ministre de l'Economie et des Finances Salah-Eddine Mezouar, et qui devait ramener le sourire chez les textiliens, étonne les opérateurs. Selon eux, ils sont toujours dans la crise. Et Mezouar, de surcroît ex-patron de l'AMITH, semble s'éloigner de la réalité du secteur. Normalement, les textiliens devraient retrouver le sourire, si l'on en croit les statistiques avancées par Salah Eddine Mezouar, qui présidait ce mardi 19 mai la 4e réunion du comité de veille stratégique. En effet, selon ce dernier, les exportations du secteur du textile-habillement ont enregistré, en avril, une hausse de 41 % par rapport à la même période de l'année 2008. « Il s'agit d'un indicateur positif qui montre que le secteur, qui commence à retrouver son dynamisme, entame un tournant décisif », analyse le ministre de l'Economie et des Finances. C'est dire qu'après une chute de 12 % des exportations de textile et de confection au premier trimestre 2009, à plus de 6 milliards de DH, le secteur remonte la pente. Pourtant, du côté de l'AMITH (Association Marocaine des Industries du Textile et de l'Habillement), on semble très surpris des chiffres avancés par Mezouar. «Nous n'avons pas encore les statistiques dont il faudra attendre la publication. Cependant, je peux vous dire que nous sommes loin de sortir de la crise, car nous sommes en plein dedans», souligne Mohamed Tamer, président de l'AMITH. Pour l'heure, les estimations des industriels du textile et de l'habillement restent alarmantes et pronostiquent un deuxième trimestre aussi difficile que le premier. Au bas mot, les professionnels avancent, en effet, que la reprise n'aura pas lieu avant juin prochain, date pendant laquelle les donneurs d'ordre devraient passer ou confirmer, pour certains d'entre eux, leurs commandes. Pour cette catégorie de professionnels qui ne pensent pas voir le bout du tunnel de sitôt, le volume des achats ne sera pas important, vu déjà le nombre des demandes d'échantillons. Selon eux, les donneurs d'ordre sont toujours incertains et n'ont pas encore planifié le placement de leurs commandes, constatant que seuls certains pays arrivent à tirer leur épingle du jeu. C'est le cas, disent-ils, de la Chine, qui a vu ses exportations d'habillement sur le marché de l'Union européenne, hors Allemagne, progresser de plus de 28%. Le Maroc n'est pas mieux loti… Désormais, l'usine du monde est à l'origine de près de la moitié des importations européennes d'habillement par le Vieux Continent. D'autres pays s'en sortent bien dans ce contexte de crise internationale. Il s'agit d'autres zones d'approvisionnement, qui se distinguent par les coûts les plus bas au monde, comme le Bangladesh (+10%) et dans une moindre mesure le Vietnam (+1,3%). Mais si des pays tirent profit des déboires de leurs concurrents, dans d'autres régions, les importations d'habillement de l'UE à partir de la zone Euromed s'effondrent. Ainsi, les exportations de la Turquie ont baissé de 23,5%. En Tunisie, elles ont reculé de 18,6%. Le Maroc n'est pas mieux loti. L'Egypte, réputée elle aussi pour ses faibles coûts de production, n'a pas trop pâti de la crise internationale puisque ses importations n'ont baissé que de 3,8 %. Comment alors interpréter la hausse de 41 % des exportations enregistrées en avril ? «Déjà, il ne faut pas perdre de vue que la hausse annoncée par le ministre découle de la comparaison avec le mois d'avril 2008, qui a été le pire des mois que notre secteur ait jamais connu. C'est pour vous dire que l'hirondelle ne fait pas le printemps», prévient le président de l'AMITH. Est-ce à dire que la situation du secteur ne s'est pas du tout améliorée ? Certains industriels n'hésitent pas déclarer avoir ressenti une légère reprise depuis le début du mois d'avril. Selon eux, plusieurs donneurs d'ordre, devenus plus prudents dans leurs approvisionnements, ont quitté l'Asie pour le Maroc où ils sont en train de réaliser progressivement leurs commandes en optant pour des petites quantités livrables rapidement. C'est d'ailleurs ce que prévoyait le CEDITH (Cercle Euro-Méditerranéen des Dirigeants du Textile, de l'Habillement et des Industries de la Mode) lorsque la crise a commencé à affecter le secteur au niveau mondial. Ce dernier dans son étude, estimait, en effet, que la seule note positive pour les pays méditerranéens est que les distributeurs et donneurs d'ordre européens seront désormais contraints de faire preuve d'une plus grande prudence dans leurs approvisionnements ce qui, selon l'organisme, se fera au détriment de l'Asie. Rompre avec l'attentisme Face à la baisse de la demande sur les articles vestimentaires et pour éviter de se retrouver avec des stocks importants d'invendus, «les distributeurs sont amenés à fractionner leurs commandes et à opter pour des commandes de petites quantités, livrables rapidement, et donc à se tourner forcément vers les fournisseurs de proximité, notamment méditerranéens, dont le Maroc». De l'avis de certains exportateurs, plus optimistes que d'habitude, les donneurs d'ordre sont en fait en train de rompre avec l'attentisme qui prévalait depuis le début de la crise. Ils ont été encouragés par les ventes lors des dernières soldes où nombre d'entre eux ont réussi à se rattraper. Ces donneurs d'ordre sont parvenus à écouler une grande partie de leurs importants stocks. La conséquence est que les commandes ont augmenté légèrement. Pour cet opérateur local très présent sur le marché britannique, les textiliens marocains ont commencé à regagner du terrain, contrairement au début de l'année, où une baisse notoire de la demande sur le prêt-à-porter du marché anglais avait été enregistrée. Sur ce marché particulièrement, plusieurs opérateurs ont négocié avec leurs clients la possibilité de se faire payer en euros. Ce qui leur permet de compenser la dépréciation de la livre sterling intervenue en 2008. Côté commandes, ils ont aussi négocié une augmentation des prix. Tout cela explique la reprise des exportations sur le marché anglais. Quid des mesures de soutien prévues par le gouvernement ? Les textiliens préviennent d'emblée : «ces mesures sont surtout destinées à maintenir l'emploi dans nos usines». Deux mois après la mise en œuvre de ce plan de soutien au textile, l'AMITH reste préoccupée par le fait que le volet logistique ait été à peine entamé. De plus, dit-elle, ses doléances relatives au relèvement de taux de financement de créances nées en devises n'ont pas été satisfaites par le gouvernement.