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BRAQUAGES : Nos banques sont mal protégées!
Publié dans Challenge le 31 - 01 - 2009

Le braquage d'une banque, dans l'esprit de beaucoup d'entre nous, ce sont des bandits qui chronomètrent à la seconde leurs opérations, qui étudient au centimètre près les plans des agences bancaires et des trajets à emprunter, qui utilisent l'artillerie lourde pour résister s'ils sont démasqués… Comme dans les films américains et dans les règles de l'art hollywoodien. Dans le contexte marocain, on est encore loin de ces clichés, fort heureusement. Des amateurs, des apprentis-braqueurs et des petits truands, dignes d'un polar de série B, commettent de «petites» opérations (parfois cagoulés, parfois portant des casquettes ou des lunettes de soleil en guise de déguisement) à l'arme blanche, coutelas, bombes lacrymogènes… Nous ne sommes pas dans la même dimension. Notre banditisme, à nous, est plutôt soft. Et c'est ce qui fait dire aux sécuritaires que les hold-ups des banques à la marocaine ne sont pas un phénomène de société en recrudescence. Mais ceci ne les empêche pas de les prendre très au sérieux, surtout ces deux dernières années. Le nombre des actes recensés est certes encore limité, mais son évolution dérange. Nos banquiers sont sur leurs gardes et le ministère de l'Intérieur surveille de près cette variation. Pas question de lésiner sur les moyens pour dissuader ceux qui veulent franchir le pas. L'Etat, d'ailleurs, dispose et débloque les moyens qui dépasseraient la consistance même du phénomène. Le but étant (et surtout) que l'argent volé ne serve pas à financer des actes terroristes. Une sacrée crainte! C'est donc pour contenir ces actes criminels que le département de l'Intérieur a pris des initiatives en mobilisant, avec lui, les banques pour mettre en place des dispositifs sécurisants qui protègent les agences. Des banques qui, jusque-là, n'accordaient que peu d'importance à la question. Aujourd'hui, elles constatent les défaillances de leur système. Nous avons pénétré cet univers secret. Certains ont joué le jeu (officieusement) tandis que d'autres se sont refusés à tout commentaire... Officiellement, personne ne se met en avant. Le sujet est, en effet, trop sensible pour que les gens s'expriment ouvertement. «C'est trop confidentiel, ce n'est pas la peine de chercher plus loin». Investigations faites, les résultats sont surprenants : des alarmes qui font juste du bruit à l'intérieur de l'agence, des caméras mal orientées ne couvrant pas la totalité de l'espace intérieur, des enregistrements écrasés trop rapidement… D'un autre côté, on découvre la présence de coffres-forts temporisés, de doubles codes protégeant l'ouverture des portes, d'alarmes sophistiquées branchées la nuit…
Enquête dans le monde - trop discret - de la protection physique bancaire.
Chakib Benmoussa, le ministre de l'Intérieur, a eu raison de taper du point sur la table et de prendre les choses en main. Tant que son ministère n'intervenait pas, les banques, disons certaines d'entre elles, n'accordaient que peu d'importance à l'aspect sécuritaire de leurs agences. Ce n'était pas une priorité. Elles n'investissaient donc pas autant qu'aujourd'hui dans la protection de certains de leurs sites. L'essentiel étant que l'argent dans les agences soit assuré. Au pire des cas, ce sont les assurances qui «remboursent» l'argent volé. Ce n'est que lorsque le volume de braquages a commencé à croître, même s'il reste encore limité, qu'elles ont dû changer leur vision des choses, et cela, grâce aux autorités qui prennent l'évolution de ce phénomène très au sérieux. L'une de leurs principales inquiétudes est que cet argent volé ne finance le terrorisme. Et c'est le cas, puisque depuis les attentats de mai 2003, plusieurs affaires liées au terrorisme, traitées et solutionnées par les autorités, ont démontré un lien direct avec les braquages de banque. Et c'est probablement pour cette raison que les banques commencent à changer de comportement. Elles y sont d'ailleurs quasiment obligées au vu de ces nouvelles contraintes sécuritaires. En effet, au mois de juin 2008, le ministère de l'Intérieur et le Groupement Professionnel des Banques Marocaines (GPBM) ont signé une convention définissant les moyens et mesures de sécurité minimales à mettre inévitablement en œuvre. Les banques s'étaient alors engagées à mettre à niveau leurs dispositifs de sécurité en coordination avec les services publics. Le 5 janvier 2009, les deux parties se sont regroupées une nouvelle fois dans les locaux de la Banque centrale (on ne sait d'ailleurs pas pourquoi, étant donné qu'elle n'intervient pas directement dans ce genre de dossier) pour décider d'accélérer le processus sur lequel elles s'étaient mises d'accord six mois auparavant. Dans une première étape, toutes les agences bancaires situées dans les grandes villes doivent placer des systèmes d'alarme et de vidéosurveillance adaptés et installer des vigiles devant chaque portail d'agence. «Ces mesures seront complétées au fur et à mesure par la mise en place de l'ensemble du dispositif prévu dans la convention du 12 juin 2008 », prévient le communiqué de presse publié à cet effet. Les banques établies dans les grandes villes du pays disposent d'un délai d'un mois pour s'y conformer avant de généraliser toutes les dispositions aux autres agences du réseau d'ici à juin 2009. Pour l'instant, aucune autre information n'a filtré à propos de la nature des autres mesures à prendre. Au GPBM ou à la Banque centrale, l'on se contente de répondre que toutes les informations publiables l'ont été dans ledit communiqué de presse. On n'en saura pas plus ! « Nous avons élaboré un document conjoint où nous avons donné l'essentiel des informations à transmettre. Nous ne pouvons pas en dire plus. D'abord, parce que nous sommes tenus de nous concerter avec nos partenaires avant d'informer qui que ce soit de quoi que ce soit. Ensuite, parce que le sujet est sensible et que nous ne pouvons pas nous étaler ». Même l'Union syndicale interbancaire (Usib) ne semble pas vouloir en dire plus. Pourtant, lors de la tenue de sa session ordinaire du 24 janvier dernier, l'aspect sécuritaire aurait occupé une place importante dans les débats. «Les participants ont déploré le manque de moyens humains et matériels (systèmes d'alarme, vidéosurveillance) ainsi que le manque de formation des agents en la matière», est-il indiqué dans le communiqué qui a suivi cette rencontre. Malgré cela, aucune revendication sur le sujet ne fait partie de celles que le bureau exécutif compte présenter au GPBM dans le cadre des prochaines négociations.
Les vigiles pistés
Il ne faut pas fouiner dans ce dossier sensible, on l'aura compris. Mais nous ne baissons pas les bras. Ce que nous découvrons grâce aux témoignages anonymes (aucune personne ne risquera son poste et nous ne prendrons pas non plus le risque de les mettre en mauvaise posture) est pour le moins étonnant. Ce directeur d'agence, excédé par les failles des systèmes de protection, déplore le manque d'intérêt des banques sur un sujet aussi sensible. Durant plusieurs années, il n'a eu de cesse de réclamer la présence d'un vigile. « Nous travaillons dans un quartier populaire, où les risques de braquages ne sont pas à négliger. Nous avons formulé des demandes pour qu'on nous affecte un agent de sécurité. Nos doléances sont restées lettres mortes. Ce n'est qu'au début de ce mois de janvier que le siège a exaucé notre souhait». Il ne pouvait qu'en être ainsi, dans la mesure où les banques et le ministère de l'Intérieur se sont engagés sur la présence d'un vigile dans chaque agence. Certaines s'y sont conformées. Par excès de zèle (ou non ?), des agents de sécurité se placent même à l'intérieur de l'agence et ferment la porte à clé derrière chaque client quittant l'endroit. D'autres sont en train de le faire. En attendant que l'administration centrale de la banque affecte un agent, des employés s'accommodent de la situation. Ils gèrent les entrées des clients. Le caissier par exemple décide ou non d'ouvrir la porte à distance. Un système bien contraignant. La présence des gardiens est donc devenue indispensable. Elle peut dévier un acte criminel. Toute la difficulté résidera par contre dans le bon choix de ces agents. Ce n'est pas le cas. Un exemple parmi tant d'autres : une banque avait été braquée grâce à l'aide d'un agent de sécurité. Après enquête, la police avait découvert que cette personne avait livré des informations stratégiques aux malfaiteurs. Sur quelles bases choisir les agents de sécurité? Selon Rachid Aktouf, le patron de Jamaïn Baco, une société de gardiennage et de sécurité, toute entreprise qui se respecte doit recruter des agents en fonction de ses aptitudes physiques, de sa moralité, de sa capacité à lire et écrire, et surtout à disposer d'une fiche anthropométrique vierge… Un ex-employé chez un convoyeur de fonds précise que les candidats doivent être des bacheliers dont l'âge ne doit pas être inférieur à 24 ans. Physiquement, ils ne doivent pas être petits, minces, ou porter des lunettes « fond de verre »… Etant donné la sensibilité de leurs postes, les autorités locales de certaines villes, qui souhaitent s'investir dans la lutte contre le braquage, auraient suggéré à des directeurs d'agences de leur fournir les noms et les numéros des cartes d'identité nationale des vigiles pour qu'ils soient mieux connus de leurs services. C'est aussi une manière rassurante pour eux de mieux les « pister ».
«Dévisagez seulement
le malfaiteur !»
Ces agents de sécurité encourent plusieurs risques. Et pourtant, ils ne sont pas formés pour gérer comme il se doit une situation de crise. « Un vigile touche entre 1.800 et 2.000 DH par mois. Il n'a ni arme, ni matraque ni rien du tout pour se défendre. Pourquoi voulez-vous qu'il risque sa vie dans un accrochage», lance, révolté, un agent de sécurité. De toutes les manières, les consignes sont claires à ce sujet. « L'agent de sécurité ne doit surtout pas risquer sa vie ou celle d'autrui. En cas d'agression, il doit garder son calme », précise Rachid El Mounacifi, président de l'association des agences de sécurité. En fait, la loi en vigueur ne précise pas vraiment les pouvoirs qui lui incombent. Et la DGSN est catégorique : les vigiles ne doivent pas être armés, leurs tenues également ne doivent en aucun cas ressembler à celle des policiers. De même, il est énoncé dans le règlement d'application de ladite loi que les agents privés ne détiennent pas de pouvoirs dévolus aux agents de la paix. Les pouvoirs des agents privés se limitent à ceux de chaque citoyen. Le personnel des agences, lui aussi, a des instructions très strictes : défense formelle d'intervenir en cas d'attaque. Les actes héroïques, les résistances… sont à bannir. La sécurité du personnel prime avant tout. Un employé en avait d'ailleurs fait les frais dans une ville proche de Casablanca. Il a essayé de se battre avec son agresseur. Ce dernier lui a porté un coup grave à la tête. Heureusement, il n'en est pas mort. C'est pour éviter ce genre de situation que le personnel de l'agence a « carte blanche » pour répondre aux desiderata des malfaiteurs. En substance, voilà le message qu'on lui confie: «faites tout ce que l'agresseur vous demande. N'intervenez pas. Essayez seulement de prendre le maximum d'informations sur lui, dévisagez-le (NDLR : pour dresser des portraits-robotS)». Oui mais que se passe-t-il si le criminel porte une cagoule ?
Les alarmes font
seulement du bruit…
La deuxième mesure « imposée » aux banques est la généralisation de la mise en place des systèmes d'alarme. La majorité des agences en disposent. Mais dans quel état sont-elles ? Elles ne fonctionnent pas toutes de la même manière. Une directrice d'agence révèle que la leur est particulière. Certes, elle se déclenche en cas de besoin, mais elle n'est ni connectée à un serveur de l'agence de sécurité ni à un poste de police. « Elle fait juste du bruit dans l'agence et à quelques mètres aux alentours». Surprenant.
Qu'en est-il du système de vidéosurveillance et de télésurveillance, troisième pilier de la politique relative à la protection physique des agences? Tout d'abord, il est important de faire la distinction entre les deux. Selon Rachid Aktouf, beaucoup de personnes font encore la confusion. La vidéosurveillance consiste à mettre en place des caméras qui captent des images qui sont ensuite transférées sur un moniteur au niveau de l'agence de sécurité. La télésurveillance est un système qui surveille les sites en question, mais à distance. Laquelle de ces deux méthodes est la plus efficace ? Laquelle est la plus utilisée? « C'est selon les besoins des banques. Certaines appliquent les systèmes vidéo ou audio, d'autres la télésurveillance ou les deux en même temps. Il n'y a pas de règle », indique le président de Jamaïn Baco. Quand bien même elles sont installées, parfois, elles ne servent pas à grand-chose. Un directeur d'agence raconte. «Déjà, officiellement, nous ignorons tout du fonctionnement de ces caméras : fonctionnent-elles jour et nuit ? Combien de temps les enregistrements sont-ils sauvegardés ? Un technicien m'a rapporté un jour que leur durée n'était que d'une semaine, au-delà, les données sont écrasées. Il m'a aussi appris que les images sont parfois floues et que certains espaces de l'agence ne sont pas filmés. Ils ne sont pas dans le champ des caméras ».
Des agents de sécurité font des rondes par secteur le soir Ceci n'est évidemment pas la règle. L'ex-employé du convoyeur de fonds assure, en tous les cas pour les clients avec qui il a travaillé, que les caméras sont branchées 24h/24h et que des lignes spécialisées entre les sociétés de sécurité et les banques sont mises en place pour transmettre les données en toute assurance. Et au cas où l'alarme est déclenchée, « il existe des procédures universelles qui doivent être appliquées et mises en place avec chaque banque », se contente de répondre Rachid Aktouf. L'ex-employé du convoyeur de fonds, lui, donne plus de précisions. Il faut d'abord savoir qu'une alarme se déclenche via des boutons ou des pédales qui se trouvent dans certains bureaux de l'agence. Parfois deux employés, voire plus, les ont à leur portée. L'alarme peut être volontaire ou pas. Dans le premier cas, elle peut être provoquée lors de l'ouverture de l'agence. Par exemple, lorsqu'un malfrat veut forcer un employé qui ouvre son agence, ce dernier a la possibilité (si le système est électronique et nécessite l'entrée d'un code) d'utiliser un deuxième numéro de code qui ouvre la porte mais qui déclenche automatiquement l'alarme. Involontairement, l'alarme peut aussi se mettre en marche si les employés ne respectent pas les heures de fermeture. « Les sociétés de sécurité concluent des contrats avec les banques. Si par exemple, la dernière personne à sortir d'une agence ferme la porte à une heure qui n'est pas celle qui est convenue, l'alarme peut se déclencher et automatiquement, la société de sécurité alerte un responsable de l'agence. Autre cas : si un employé désire se rendre à son agence en dehors des heures de travail, il peut déclencher l'alarme s'il ne prévient pas au préalable la société de sécurité», confie notre source.
Une convention avec
les convoyeurs de fonds ?
Dans les autres cas, lorsque l'alarme se met en marche, un signal est directement transmis sur un serveur central logé à l'agence de sécurité. Des « superviseurs », qui font régulièrement des rondes, chacun dans son secteur, sont avertis. Ils se rendent immédiatement sur place. « Parfois, le soir surtout, des alarmes détectent de la chaleur, qui peut provenir de petits animaux (cafards…). Dans d'autres cas, le bruit de la sirène d'une ambulance ou même la lumière de son spot peut la déclencher. Si c'est une fausse alerte, l'agent fait immédiatement un rapport qu'il transmet. S'il s'agit d'un braquage, il appelle la police. Mais sachez que les dispositifs mis en place sont dissuasifs. Il est difficile pour les bandits de réussir leur coup le soir. C'est pour cette raison que vous remarquerez que les braqueurs opèrent principalement dans la journée, durant les heures de travail, car ils profitent d'instants de non vigilance des personnes qui s'y trouvent». Tous ces systèmes permettent donc de prévenir, d'anticiper. Mais en cas de coupure d'électricité, tout tombe à l'eau. Des mesures alternatives sont prévues pour faire face à ce genre de situation. Dès qu'il y a une panne, des batteries ou des groupes électrogènes se mettent en marche pour faire fonctionner les systèmes pendant un bon moment. Les banques l'ont donc compris. Investir dans des systèmes de protection sophistiqués, même s'ils sont coûteux, devient une nécessité. Les banques en ont-elles les moyens ? Ont-elles l'intention d'allouer des budgets conséquents pour appliquer une politique de sécurité plus renforcée ? Silence radio. Contactées, plusieurs d'entre elles se sont refusées à tout commentaire sur le sujet. Hormis les banques, d'autres acteurs devraient être impliqués dans la mise à niveau du système de protection. Il s'agit des convoyeurs de fonds. Selon une source digne de foi, ils pourraient emboîter le pas aux banques et signer à leur tour une convention avec le ministère de l'Intérieur pour généraliser les procédures de sécurité. Nous avons tenté de prendre attache avec les principaux groupes, Group 4 Securicor et Brink's. Plusieurs de nos appels, et durant plusieurs jours, sont restés sans réponse. Les responsables respectifs de ces sociétés n'ont visiblement pas voulu s'exprimer sur le sujet. Nous nous contenterons alors de rapporter les témoignages d'employés de banques et d'ex-agents ayant travaillé dans des structures similaires. D'une de ces voitures blindées, qui peuvent transporter plus d'un million de dirhams, un banquier a été surpris d'apercevoir un jour ses deux passagers descendre du véhicule pour réparer un pneu crevé. Il raconte aussi que durant l'été, certains conducteurs circulent avec les vitres baissées. « Ce n'est pas la meilleure manière de se protéger contre une agression », confie un agent de sécurité. Un directeur d'agence reproche aussi à certains convoyeurs leur « laisser-aller ». Quelques-uns sont fatigués après plusieurs tournées. S'ils respectent les procédures au début, ce n'est plus le cas à la fin de leur mission. Au lieu de transporter l'argent dans ces fameuses valises lourdes, ils préfèrent être moins encombrés et transporter des sommes dans des sachets. « Ils n'ont pas conscience du risque que cela représente », déplore-t-il. Cette démarche peut coûter cher à tout le monde. Ces fameuses valises sont pourtant censées les protéger des risques de vols. Lorsqu'elles sont dérobées, que les malfaiteurs forcent leur serrure, une encre se déverse automatiquement sur les billets qui deviennent inutilisables. Les convoyeurs devraient aussi respecter certaines règles. Par exemple, leur véhicule ne doit pas s'éloigner de l'agence plus de quelques mètres. Auquel cas, une alarme est automatiquement déclenchée. Tout ceci ramène à un constat: la nécessité de renforcer les moyens de protection des banques. « Depuis une année, les établissements bancaires ont commencé à prendre au sérieux la menace des braquages. C'est devenu perceptible au niveau des investissements qu'ils font, des budgets qu'ils accordent à la formation… », souligne le directeur d'une banque de la place. Les structures qui ne bénéficient pas d'un très grand réseau ont moins de chance d'être affectées que les autres. C'est normal. Souvent, les agences braquées se situent dans des quartiers « chauds », dans les zones urbaines, où l'on ne trouve pas beaucoup de banques. Pour protéger les agences, les autorités locales ont donc trouvé une formule. Dans certaines régions, les autorités recommandent aux banques de leur fournir, avant toute nouvelle ouverture, le lieu exact de d'implantation de l'agence afin de cerner les éventuels dangers. «Chaque nouvelle agence devrait bénéficier d'une autorisation préalable de la Préfecture », confie-t-on. L'autorité locale se mobilise. D'ailleurs, le directeur d'agence d'un quartier populaire n'hésite pas à mentionner que, depuis quelque temps, des policiers et le caïd passent de temps à autre pour prendre des nouvelles et poser des questions pour savoir si quelque chose de « louche » s'est produit. Plus rien ne doit être laissé au hasard. Un responsable de banque ne manque pas d'évoquer cette nouvelle circulaire mentionnant la nécessité de laisser un espace de stationnement vide devant les locaux de l'agence, au cas où des actes se perpétraient contre elle. « Nous avons en effet reçu cette circulaire mais ses dispositions ne sont pas encore appliquées », confirme t-il. Cette implication du département de l'Intérieur montre que les choses sont vraiment prises au sérieux. Du côté des banques, l'intérêt porté à la protection commence à grandir aussi. Elles pourraient faire réinstaller le système qui prévalait il y a quelques années. Avant, les caissiers de certaines agences étaient protégés par des vitres blindées. Pour plus de proximité avec la clientèle, les établissements de crédit avaient décidé de les ôter. Le caissier, et l'argent qu'il gère, sont devenus alors très accessibles. Un bandit, d'un seul geste, peut se servir dans ce « simple » tiroir où l'argent est déposé. Mais ne vous méprenez pas. Ce simple tiroir n'en est pas vraiment un. C'est une caisse temporisée. En fait, c'est un coffre blindé conçu pour sécuriser les fonds. Placé sous le comptoir, il permet de déposer temporairement les fonds encaissés. Il est composé d'un tiroir supérieur et d'un coffre fort intérieur. Le caisson du tiroir permet une sortie maximale du caisson. Le corps du coffre est fabriqué en tôle d'acier de forte épaisseur. Il est lui aussi doté d'un caisson pour recevoir les fonds provenant du tiroir supérieur. Sa fermeture se fait par une serrure à combinaison électronique avec une temporisation programmable. Parfois, elle est de deux minutes seulement. Les malfaiteurs ont donc de moins en moins de chance d'assurer leur coup. Ils peuvent, dans le meilleur des cas, ne voler qu'une « petite » somme puisque les agences ont de moins en moins d'argent liquide dans leurs coffres difficilement « ouvrables ». Ils sont bien sûr blindés mais en plus, il faut disposer des combinaisons du code et d'une clé pour l'ouvrir. Et ce n'est pas une mince affaire. Dans une agence, une seule personne ne détient jamais toutes les ficelles. L'ouverture exige l'intervention de deux personnes: l'une possède une clé, et l'autre le code, ou les deux possèdent chacune une clé. Et quand bien même un «génie » arriverait à ouvrir ce coffre-fort, il n'en tirera pas une grosse somme d'argent. Des consignes sont données pour que trop d'argent ne reste pas dans ces meubles. Dans la conjoncture actuelle, les banques ont plutôt intérêt à investir leur argent (sur le marché interbancaire…) pour le faire fructifier grâce aux taux d'intérêt plutôt que de le laisser dormir dans un coffre. Et si un client venait à retirer une trop grosse somme, le personnel lui signifierait de revenir le lendemain ou bien une commande serait passée à la centrale pour faire venir l'argent. La masse de billets entreposée dans les agences n'est donc plus ce qu'elle était auparavant. A cela, il faut ajouter que de plus en plus, les opérations sont effectuées par transfert, virement… Ce qui limite les dégâts.
Tout le monde est finalement conscient de la gravité que peut causer le laisser-aller en la matière. Les banques n'ont d'autres choix que de mieux se prémunir. Et en plus, des sanctions sévères pourraient leur être appliquées. Si les mesures de protection sur lesquelles elles se sont engagées avec le département de l'Intérieur ne sont pas respectées, des agences pourront être fermées. Qui en donnera l'ordre ? Quelle sera la procédure à suivre ?... Des questions qui restent posées. Une étape est en tout les cas franchie, surtout en matière de sécurité physique. Dans une prochaine étape, il restera à s'attarder sur la sécurité électronique, un autre grand chantier qui mérite aussi qu'on s'y attarde. Ses défaillances peuvent être plus nuisibles et les pertes plus colossales.
Rachid El Mounacifi
Président de l'Association des Agences de Sécurité
Challenge Hebdo : pensez-vous que les banques marocaines, et plus particulièrement leurs agences, sont bien protégées ?
Rachid El Mounacifi : non. A mon avis, les agences sont des sortes de coffres fort assez ouverts, n´importe qui peut s´en servir. Il n´y n'a pas de sécurité. Il reste beaucoup à faire.
C. H. : pourquoi ?
R. E. : d'abord, la majorité des locaux ne sont pas agencés pour accueillir une activité comme celle d'une agence bancaire. Ils se trouvent parfois en bas d'immeubles résidentiels. Or, les promoteurs construisent ces locaux pour un usage plutôt commercial (boutique...) qui n'est pas destiné précisément à celui d'une banque. En prenant place dans ces sites, les établissements de crédit ne savent pas comment assurer la sécurité de leur personnel, leurs clients ou leurs agents. Par exemple, lorsque je me rends à ma banque, il n'existe pas de système de queue qui empêche les clients de se protéger les uns des autres. Je suis censé effectuer une opération personnelle et secrète, mais parce que tout le monde se met devant le caissier, les clients prennent connaissance de ce que je suis venu faire à ma banque: somme retirée ou déposée... C'est inconcevable. En ce qui concerne le caissier qui manipule l'argent, rien ne le protège des agressions. Il n'existe pas de vitres blindées le protégeant. Il n'y a pas non plus de caméras de surveillance, pas de vigiles formés... Ainsi donc, le mouvement de l'extérieur vers l'intérieur de la banque est assez fluide. D'autant qu'il est facilité si vous êtes bien habillé. Je m'explique. Je fais moi même des tests. Lorsque je m'habille en jean et t-shirt sale, on m'interpelle souvent pour me demander l'intention de ma visite. Le lendemain, je me rends à la même agence, habillé cette fois-ci BCBG, tout le monde me salue et l'accès est facilité. L'habit fait le moine. Or, un vigile ne doit pas en tenir compte dans son travail. Il doit savoir lire les mouvements du corps et lire dans les yeux des gens.
C. H. : quelles sont les failles, à votre avis, de leur système de protection ?
R. E. : d'une manière générale, les criminels opèrent à des heures précises de la journée, durant lesquelles ils ne rencontrent pas beaucoup de résistance. Il s'agit des heures d'ouverture ou de fermeture de l'agence, de l'heure de la prière du vendredi, de l'heure du déjeuner (parfois, une personne ou deux seulement restent dans l'agence)…
Les infrastructures ne sont pas adaptées à leur activité. Les locaux sont mal agencés, les vitres ne sont pas appropriées (quelques millimètres seulement d'épaisseur)… Le personnel manque aussi de formation en matière de sécurité. Aussi, certaines agences ne disposent pas de caméras de surveillance, pas de signaux d'alarme ou en mauvais état… Au vu de tout cela, qui intervient en cas d'incident et en combien de temps ?
C. H. : comment pourraient-elles alors améliorer leur protection?
R. E. : à mon sens, il est primordial qu'un établissement bancaire fasse d'abord une étude en bonne et due forme avant de choisir d'installer une agence dans tel ou tel endroit. Elles doivent faire appel à des experts pour leur construction, former le personnel, pratiquer des exercices de simulation au sein des agences en continu, protéger les caisses, installer des portes blindées, organiser la queue pour les clients…
C. H. : la présence d'un vigile et d'une caméra de surveillance vous paraissent-ils suffisants pour protéger les agences ?
R. E. : leur présence est indispensable mais je ne pense pas qu'elle soit suffisante. Les vigiles et le personnel aussi doivent absolument être formés. Il existe pour cela plusieurs techniques pour se protéger et minimiser les risques encourus afin de ne pas être choisi comme victime. Un trottoir élevé par exemple, des barrières ou une porte qui s'ouvre de l'intérieur sont autant d'éléments qui s'ajoutent et qui peuvent dissuader les malfaiteurs.


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