Sale temps pour les opérateurs du BTP et les promoteurs immobiliers, qui s'attendaient à une baisse du prix du ciment suite à la dégringolade des cours du pétrole. En l'espace de moins de 6 mois, les cimentiers ont procédé à deux hausses du prix du ciment. Depuis, les professionnels menacent de répercuter l'augmentation. L'un des premiers dossiers qui pourrait être déposé sur le bureau du nouveau président du Conseil de la concurrence, Abdelali Benamor, pourrait être celui du ciment. En tout cas, les opérateurs des secteurs du BTP et de l'immobilier n'excluent pas pour l'heure cette option. À l'origine de cette colère, la récente augmentation du prix du ciment, intervenue ce 16 décembre 2008. Ces professionnels se plaignent de la récurrence des hausses. «Que les cimentiers nous expliquent les raisons de cette nouvelle hausse, eux qui habituellement justifient les augmentations par la hausse des prix des produits pétroliers. Or, actuellement ces derniers sont dans une tendance baissière. Le prix du baril de pétrole est passé de 140 à 40 dollars», souligne Bouchaib Benhamida, président de la FNBTP (Fédération Nationale du Bâtiment et des Travaux Publics). Quid alors de l'argument du coût énergétique ? Interrogés, les cimentiers sont unanimes sur la pertinence de cette augmentation, qu'ils attribuent d'abord paradoxalement à la hausse des prix de l'énergie à cause de la flambée des cours de pétrole. «Le prix du combustible extrait du raffinage du pétrole « pet coke » que nous utilisons a connu une augmentation de 325 % entre 2006 et 2008. Étrangement, la chute des cours du pétrole a généré une faible consommation du pétrole, et par ricochet, le raffineur ne produisait plus beaucoup de ce combustible. Du coup, son prix a flambé», tente de justifier ce cimentier. Pour les cimentiers, qui ne semblent pas en panne d'arguments, l'inflation a conduit également à une augmentation du prix de cette matière première. « Nous n'avons répercuté que partiellement les charges que nous avons subies et qui ont un impact direct sur les prix de revient», assure un responsable d'une cimenterie. En tout cas, depuis, le prix à la tonne au départ de l'usine, qui se chiffrait à 1.090 DH TTC, est passé à 1.101 DH pour le CPJ 45 Vrac et 1.159 pour les 55 Vrac. Pour les opérateurs de BTP, c'est la énième hausse enregistrée en l'espace de quelques mois seulement. «La dernière en date remonte au 1er juin», disent-ils. Pour Youssef Benmansour, président de la FNPI (Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers), la profession est très étonnée par cette hausse tarifaire. «On a été surpris. On s'attendait plutôt à une baisse. D'ailleurs, avec cette psychose de la crise, le moment est mal choisi. Et lorsque cette hausse sera répercutée sur les coûts de revient du produit bâti, c'est le consommateur final qui sera touché. Car, pour le moment, ce sont les marges qui en prennent un coup. Mais, à terme, le secteur sera obligé de revoir ses calculs. Les cimentiers doivent revenir sur leur décision », dit-il. Quoi qu'il en soit, les cimentiers sont une nouvelle fois accusés d'entente sur les prix grâce à la politique de zoning adoptée par les quatre groupes cimentiers. Accusés d'entente… En décembre 2006 déjà, le Parlement, par le biais de la commission des infrastructures et de l'intérieur de la Chambre des conseillers, avait saisi l'autorité de la concurrence, à l'occasion de la discussion du budget du département des affaires économiques et générales par cette commission. Depuis lors, une enquête avait été lancée par l'Autorité de la concurrence. « Cette nouvelle hausse du prix du ciment intervient en plein chantier gouvernemental de dynamisation du logement bon marché. Si dans le pire des cas, les opérateurs répercutent cette augmentation, elle risque de compromettre la politique de l'Etat en matière de logement. Dire que ces cimentiers, dont la plupart sont cotés à la bourse, réalisent des marges de 30 % après déduction des impôts», martèle le patron de la FNBTP. Même son de cloche chez son homologue de la FNPI : «quand on voit les marges de ces cimentiers, l'on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la raison pour laquelle ils n'intègrent pas cette hausse pour épargner le consommateur final. Leur activité est l'une des plus rentables dans le pays». Pourtant, les cimentiers minimisent la hausse, estimant qu'elle ne pourra en aucun cas handicaper le programme d'habitat de l'Etat. Car, disent-ils, «le ciment ne représente que 5 à 6% du coût global de la construction d'un logement». Benmansour voit les choses sous un autre angle. «Le ciment est très présent dans les gros œuvres, qui représentent 40 % du prix final». Cimentiers ou opérateurs de BTP, les deux professions sont intimement liées. En effet, l'essentiel de la production du ciment est utilisé dans la construction de bâtiments à usage d'habitation, soit environ 85%. Le reste (soit 15%) est absorbé par les grands chantiers d'infrastructures.