Le département du Tourisme, en collaboration avec les professionnels, est déjà d'attaque avec un plan anti-crise baptisé «Cap 2009». Objectif : anticiper les évènements. Le tourisme national, qui jusque-là avec sa vision stratégique 2010, représentait le premier pourvoyeur de devises pour le Royaume devant les exportations de phosphates et les transferts des MRE, est malmené par la crise internationale. Il perd des parts jusque dans ses marchés traditionnels, les hôteliers se tournent les pouces, les opérateurs impliqués dans les grands projets (aménageurs développeurs, banques, institutionnels, opérateurs hôteliers…) perdent confiance, les investissements en cours sont remis aux calendes grecques… Détrompez-vous, car ce n'est que le pire des scenarii qui peut arriver au tourisme marocain en 2009 avec la conjoncture économique mondiale. Et c'est pour ne pas en arriver là que le Maroc a décidé de dérouler un Plan d'anticipation dont l'objectif est d'atténuer l'impact de la crise internationale sur le court terme. Nom de code du programme : «Cap 2009». Figurant parmi les rares membres du gouvernement qui affirment que le Maroc ne peut pas ne pas être touché par la crise, Mohamed Boussaid, ministre du Tourisme, a pris les devants en proposant aux professionnels du secteur la mise en place d'une «Task Force», en charge d'élaborer un Plan d'anticipation qui sera mis en exécution au cours de l'année 2009. En effet, quand les touristes en Europe, principal marché émetteur du tourisme marocain, ont mal au portefeuille, le Maroc a peur de trinquer. C'est la première fois depuis sa création que l'Union européenne monétaire est entrée en récession. Sur les 900 millions de touristes qui voyagent de par le monde, 46 % sont européens. Les dernières prévisions du FMI ne sont pas pour rassurer le secteur du tourisme fortement dépendant de ce marché : le PIB de cette zone Euro connaîtra une croissance négative de – 0,5 % en 2009. C'est dire combien ce ralentissement aura un impact sur le pouvoir d'achat, avec des répercussions sur les budgets de vacances, sur la durée des séjours et sur une sensibilité accrue au prix et à la proximité dans le choix des destinations. L'Organisation mondiale du tourisme (OMT) a déjà fait ses prévisions : le secteur touristique mondial subira un ralentissement pour atteindre seulement 2 % de croissance en 2008 par rapport à 2007 et prévoit une croissance de 0 % en 2009. Aujourd'hui, après un peu moins de trois mois de travail ponctué de réunions, ce groupe, composé du département de tutelle, de la Fédération nationale du tourisme (FNT), de l'Observatoire du tourisme et des Conseils régionaux du tourisme (CRT), a finalisé son plan d'anticipation. Le ministère de tutelle et les professionnels, qui ont fait bloc pour la circonstance, en ont décliné les grandes lignes devant la presse ce 23 décembre 2008. «Cap 2009 est un ensemble d'actions complémentaires tactiques pour répondre aux éventuelles conséquences de la conjoncture internationale. Avec ce programme, nous saurons mieux défendre nos parts dans les marchés traditionnels et en conquérir de nouveaux, comme les pays d'Europe de l'Est, le Moyen-Orient… Certes, l'industrie touristique mondiale sera affectée par la crise financière actuelle, mais notre tourisme saura faire preuve d'une grande capacité de résistance comme ça a été le cas par le passé», lance Mohamed Boussaid comme un cri de guerre. Des actions transversales Globalement, le plan comprend des actions transversales nationales ainsi que des actions spécifiques à décliner dans chacune des régions, en étroite collaboration avec les professionnels au niveau local. La mise en œuvre régionale sera ainsi placée sous la responsabilité des présidents de CRT. Ces actions tactiques régionales de proximité ont pour but de dynamiser l'activité touristique sur quatre régions prioritaires : Marrakech, Fès, Casablanca et Agadir. Cette dernière est d'ailleurs, à date d'aujourd'hui, la seule région à décliner son Cap régional 2009. La mesure phare est en faveur du tourisme intérieur pour lequel les professionnels de la première station balnéaire du Royaume s'engagent à faire une réduction de 50 % sur les tarifs de prestations hôtelières, prix public, pour la période du 20 décembre 2008 au 30 juin 2009. Cette mesure est reconduite pour toutes les ventes par Internet. Outre des actions spéciales en direction de leurs partenaires Tour opérateurs pendant des périodes de baisses, les opérateurs d'Agadir prévoient d'organiser des éductours pour 5.200 agents de voyages et médias (marchés traditionnels, pays de l'Est, pays arabes et Canada). Ils évaluent ainsi leurs contributions au plan Cap 2009 à 20 millions de dirhams. Les trois autres régions devront lui emboîter le pas dans les prochains jours. Pour les actions transversales nationales, Cap 2009 s'est fixé plusieurs objectifs, qui sont du reste autant de défis à relever l'année prochaine. Il s'agit d'abord de traverser 2009 avec la plus grande chance possible grâce au lancement d'actions transversales nationales afin de consolider les parts de marchés de la destination. Il est ainsi prévu que l'ONMT intensifie sa communication et les contacts de proximité auprès des TO, sites internet, médias… La présence du Maroc sera renforcée sur Internet. Les éductours seront multipliés et parallèlement, des road show à l'international (12 pays en 2009) en coordination avec le corps diplomatique, sont dans le pipe du Cap 2009. Deuxième objectif de taille : maintenir l'attractivité du tourisme marocain à travers le maintien de la confiance des opérateurs impliqués dans les grands projets mais aussi la conservation de la dynamique des investissements en cours. Il faut dire que tout report d'un méga projet d'un major pourrait nuire sous l'effet d'annonce. Cap 2009 compte mener des actions pour maintenir les niveaux de cash flow pour le financement des projets touristiques et immobiliers et le respect également des livraisons des investissements déjà engagés. Les banques marocaines et les fonds d'investissement seront mis à contribution pour maintenir leur engagement dans la dynamique d'investissement touristique. Pour l'heure, ce sont pas moins de 20.000 lits qui sont programmés pour être livrés en 2009 et porter ainsi la capacité hôtelière nationale à 175.000 lits. À ce niveau, Boussaid se veut rassurant : « Ils seront tous livrés comme prévu. Les stations de Saidia et de Mazagan seront bien au rendez-vous en 2009». Outre ces nouvelles capacités, le programme anti-crise compte œuvrer pour la poursuite des investissements de mise à niveau des établissements touristiques. Côté distribution, il prévoit de lutter contre la braderie tarifaire à travers le maintien de la programmation du Maroc avec des tarifs compétitifs et le respect du positionnement haut de gamme de la destination dans les négociations des tarifs avec les TO. En tout cas, le risque est énorme. Une tache peu aisée Le secteur du transport ne sera pas en reste. De nouvelles lignes prioritaires seront développées pour soutenir les nouvelles destinations et les nouvelles ouvertures. La tache ne sera pas aisée, car selon les dernières prévisions de l'Association du transport aérien international (IATA), des pertes de revenus de 2,5 milliards de dollars sont prévues pour 2009 avec un fléchissement du trafic passagers de 3 %. Il s'agit de la première baisse du trafic passagers depuis 2001. D'ores et déjà, Cap 2009 pourra compter sur l'ONDA. Présent dans l'assistance, son directeur général, Abdelhanine Benalou, a révélé la décision de l'Office de réduire à nouveau les redevances aéroportuaires pour les compagnies charters qui pourront bénéficier à ce titre des mêmes avantages que les compagnies low cost pour des tranches horaires allant de minuit à 6 heures du matin. « Ces mesures seront soumises à notre Conseil d'administration qui se réunira très prochainement », dit-il. Rappelons que depuis 2004, plus de 50 nouvelles compagnies aériennes desservent le Maroc. D'ores et déjà, le ministère de tutelle et les professionnels ne semblent pas lésiner sur les moyens pour limiter l'impact de la conjoncture financière et économique internationale sur le secteur du tourisme national. «Le budget alloué au Cap 2009 pourra atteindre les 100 millions de dirhams, cofinancés par le Département du tourisme et les professionnels », souligne Othman Chérif Alami, président de la FNT. C'est ainsi que la rallonge budgétaire de 50 millions de dirhams accordée à l'ONMT par la Loi de Finances 2009 alimentera le «Trésor de guerre». Quant aux opérateurs, leurs contributions financières pour ce programme se feront sur des échanges de marchandises comme la prise en charge de l'hébergement et la restauration d'agents de voyages et médias dans le cadre des éductours. Reste à savoir à quelle croissance le secteur touristique marocain doit s'attendre pour 2009 dans le pire des cas? À cette question de Challenge Hebdo, Boussaid a du mal à répondre. «Dans cet exercice, l'OMT s'en est sorti difficilement. Cette année, de janvier à avril, il avançait une croissance de 5,7 % pour le tourisme mondial avant de revoir cette prévision à la baisse (4 %) en mai et d'en faire autant ensuite en septembre en n'entrevoyant qu'une hausse de 2 %. Il est difficile de faire des prévisions dans le contexte actuel », dit-il. Mais le ministre est sûr d'une chose : « Nous allons faire beaucoup mieux que les pays concurrents. Nous n'allons pas baisser plus qu'eux. Ça ne sera pas facile mais nous allons défendre nos parts de marché dans les pays traditionnels et aller à la conquête de clients supplémentaires sur de nouveaux marchés», lance-t-il.
