Comment les Marocains ont-ils vécu les élections présidentielles ? Et comment certains patrons marocains voient l'élection du démocrate Obama sous l'angle de l'avenir des relations économiques entre les deux pays ? Une page de l'histoire est écrite. Barak Obama succèdera à George Walker Bush à la Maison Blanche, devenant ainsi le 44ème président des Etats-Unis et le 1er président noir. Quelques heures avant sa consécration, et au comble du suspense qui précédait la publication des résultats du vote, le consul général des Etats-Unis a accueilli à Casablanca dans l'un des hôtels de la place une palette de personnalités. Des journalistes aux politologues, en passant par des économistes, humoristes et artistes, sans oublier des Américains établis au Maroc. La soirée a commencé à 21 heures. A l'entrée de la salle, on distribuait des pinces. Il y avait à faire le choix entre le camp de Obama et celui de McCain. Dès le début, la balance penchait pour Obama. Une fois à l'intérieur, on prédisait la victoire du clan démocrate. Les discussions tournaient autour du succès d'Obama dans un petit patelin où les Républicains avaient coutume d'emporter la majorité des voix. En effet, les électeurs de Dixville Notch, un petit village du New Hampshire qui ouvre traditionnellement l'élection présidentielle américaine, ont voté Barack Obama. Quinze électeurs se sont prononcés pour le candidat démocrate, contre six pour son rival républicain John McCain. Barack Obama est le premier démocrate à s'imposer dans cette bourgade depuis Hubert Humphrey en 1968. Nouvelle configuration de l'économie mondiale Avoir un candidat à la présidence noir d'un côté et un vice-président femme de l'autre faisait, pour Elisabeth Millard, consul général des Etats-Unis, des élections présidentielles 2008 des élections historiques. Présent comme invité et intervenant, Youssef Bellal, professeur de relations internationales et analyste économiste, affirmait que la nouvelle présidence américaine aurait une tâche très difficile, car Obama a été élu en grande partie sur sa vison économique, alors que le candidat républicain paraissait très vague et n'avait pas avancé de propositions tangibles pour sortir de la crise financière. «Il doit relancer l'économie américaine en établissant de nouvelles règles au système financier et bancaire. Au niveau mondial, il est clair que les risques de la crise financière se propagent aux économies des autres pays du monde. Les Etats-Unis doivent désormais tenir compte des économies émergentes comme le Brésil, l'Inde et la Chine mais aussi de pays comme le Maroc. Les relations économiques entre le Maroc et le Etats-Unis vont s'inscrire dans la continuité et il n'y aura pas de grandes inflexions ». Car, poursuit Youssef Bellal, le Maroc représente un pôle de stabilité géostratégique dans la région pour les Américains. Une vision économique optimiste partagée par les deux patrons contactés par Challenge Hebdo. Hassan Debbarh Directeur général de Cartier Saada «Je pense que la question des relations économiques entre les deux pays n'est pas d'ordre politique. L'accord de libre échange est là. Mais le problème, c'est l'offre marocaine. On ne peut pas nier qu'on n'a rien à exporter. Concernant le textile, on n'est pas compétitif. Pour ce qui est de l'agroalimentaire, on n'a pas suffisamment d'offres. Quant aux autres secteurs, nous n'offrons pas de pointe technologique plus importante que celle des Américains. Aujourd'hui, l'avenir des relations économiques dépend plus de l'offre marocaine que d'une volonté politique. Mais il n'y aura pas de grands changements dans les relations économiques entre les deux pays». Abdelmalek Kettani Président du Conseil d'Affaires Maroc/Etats-Unis (CGEM) «Sous la présidence de George W. Bush, le Maroc et les Etats-Unis ont signé l'accord de libre-échange. Les accords dont le Maroc bénéficie ne dépendent pas des administrations. Mais cela n'empêche qu'il faut qu'il y ait une diplomatie économique plus offensive et plus dynamique pour promouvoir ces liens. Je pense que c'est à nous aujourd'hui d'impulser les relations économiques en donnant un coup de pouce à nos exportations. La CGEM a créé le conseil d'affaires maroco-américain pour servir d'interface et de plateforme d'entrée au Maroc pour les investisseurs américains. Nous sommes en train de tisser des accords de partenariat avec des institutionnels américains, notamment l'US Chamber Of commerce, pour dynamiser nos relations économiques et commerciales. Les Etas-Unis sont déterminés à faire de l'accord de libre-échange une réalité économique en investissant plusieurs millions de dollars à travers le NBO New Business Opportunity (qui cherche à repérer 40 entreprises performantes dans le secteur textile) pour le développement de certains secteurs où le Maroc est concurrentiel notamment le textile. Nous recevons des représentants des Etats-Unis qui expriment une volonté politique et économique de coopération. Il est vrai que tenant compte de la conjoncture actuelle, il ne peut pas y avoir de réalisations concrètes. Mais nous avons des success story, des investisseurs américains qui se sont installés au Maroc pour bénéficier de l'accord et réexporter vers l'Europe. Nous espérons que cette dynamique, cette volonté, se maintiendra sous la présidence Obama. Nous ferons de notre mieux pour que cela se passe dans les meilleures conditions possibles».