Cinq mois après sa nomination, Abdelhamid Addou, nouveau patron de l'Office national marocain du tourisme (ONMT), décrypte les dessous de la nouvelle campagne de communication du Maroc en direction des marchés émetteurs de touristes. Challenge Hebdo : la nouvelle campagne de communication que vous venez de lancer a été initiée par votre prédécesseur. Y a-t-il des choses à revoir ? Abdelhamid Addou : une campagne de communication d'une telle envergure se prépare pendant plusieurs mois, à l'instar de certaines études faites par des entreprises auprès de clients potentiels, des consommateurs, de manière à cerner au mieux leurs besoins. À travers cet exercice, nous nous sommes rendu compte qu'il existait des segments de touristes auxquels nous devons nous adresser. C'est ainsi que nous avons choisi 7 segments qui sont, entre autres, le voyageur fréquent, le voyageur qui cherche la détente, le voyageur qui cherche la découverte de nouvelles cultures, etc. Sur ces segments, nous avons cherché à obtenir des réponses très pertinentes à un certain nombre de questions relatives à leur comportement. Une fois que nous avons choisi le concept créatif de cette campagne, qui découle d'un positionnement en termes de marque Maroc, qui est l'authenticité et la culture vivante, elle-même provenant de l'étude de positionnement que nous avons menée, nous l'avons testé auprès de plusieurs panels se trouvant dans nos marchés cibles. Une fois que tout cela a été fait, nous avons tout simplement adapté les attentes de ces testeurs, de telle sorte que les messages que nous devions communiquer correspondent à leurs attentes. Cette démarche a abouti à la réalisation de la campagne. Si c'était à refaire, nous le referions de la même manière. C.H. : outre les 5 marchés prioritaires, Vous décidez aujourd'hui d'adopter une stratégie de diversification ciblant également de nouveaux pays. Ne craignez-vous pas de vous disperser ? A.A. : nous avons aujourd'hui certains marchés qui ont atteint une certaine maturité comme le marché français. Ce dernier peut encore évoluer et nous donner plus de touristes. Mais cela nécessitera plus d'investissement. Or, notre budget est limité. Il fallait donc voir comment générer plus de recettes touristiques et d'arrivées avec un budget qui évolue très peu, sachant également que certaines catégories socioprofessionnelles (CSP) auront plus de mal à voyager vu la crise mondiale actuelle. Plus votre part de marché est importante, plus vous touchez des CSP et plus vous avez des risques sur certaines parties de votre part de marché. En revanche, quand vous allez sur un marché où vous ne touchez aucune CSP parce que c'est un marché vierge, vous aurez plus de chance de toucher une catégorie A+ ou AB+, qui sera sensible à votre message et pourra par conséquent investir dans des voyages de qualité au Maroc. Autrement dit, il nous fallait trouver des relais de croissance dans des pays où un investissement modeste de positionnement de notre marque nous permettra de gagner de nouveaux clients rapidement. C'est une stratégie qui ne rompt pas avec celle adoptée jusqu'à présent. Il s'agit plutôt d'une complémentarité. Ceci ne veut pas dire que nous n'allons pas arrêter nos investissements dans les marchés traditionnels dans lesquels nous allons maintenir ce que nous y faisions déjà et essayer d'être plus efficaces pour dégager du budget et des ressources pour travailler sur des marchés émergents qui peuvent beaucoup nous rapporter. C.H. : avec la crise internationale et les nouvelles stations balnéaires de Saïdia et de Mazagan qui nécessiteront un grand effort de promotion, pensez-vous que le budget de 630 millions de DH de l'Office suffira ? A.A. : il faut démarrer avec les moyens que nous avons. Aujourd'hui, ils sont certes limités. Le gouvernement nous suit et nous aide année après année. Maintenant, le tourisme est l'affaire de tous. Les stations du Plan Azur qui sont construites par des professionnels, notamment Fadesa et Kerzner, ont tout intérêt à promouvoir leur station. La nouvelle démarche à adopter est de travailler main dans la main avec ces investisseurs pour élaborer un plan marketing agressif de promotion. Évidemment, nous ne pourrons pas investir comme nous le faisons actuellement à Marrakech ou encore à Agadir, mais nous allons démarrer petit à petit et ces aménageurs contribueront avec nous à la promotion de ces stations. Saïdia et Mazagan ouvriront l'année prochaine respectivement en milieu et fin d'année 2009. Au fur et à mesure que les stations arrivent, nous allons trouver les moyens pour en garantir une promotion efficace. C.H. : dans la loi de Finances 2009 en cours d'adoption, attendez-vous à une rallonge du budget de l'ONMT ? A.A. : oui. En effet, j'ai demandé une rallonge budgétaire qui aura pour objectif de nous aider à promouvoir les nouvelles stations balnéaires, à promouvoir davantage Marrakech et Agadir en temps de crise et à mettre un accent particulier sur la promotion du tourisme interne. C.H. : comment expliquez-vous votre démarche qui consiste à garder le budget de la campagne dans la confidentialité ? A.A. : lors de la conférence de presse, nous avons présenté un slide qui donnait le budget des 4 principaux pays concurrents. Celui-ci donnait la somme des budgets de ces destinations qui était de 884 millions d'euros, sachant que nous n'avons aucune idée de la répartition de ce budget. Si nous divulguions dans la presse les budgets que nous investissons sur les marchés français, espagnol, italien..., ce serait une information en or pour nos concurrents. Ce n'est pas de la rétention de l'information et j'aurais sincèrement voulu répondre à cette question. ◆