Face aux tensions commerciales croissantes entre le Canada et les Etats-Unis, un changement notable s'opère dans les étals des supermarchés canadiens. De plus en plus d'importateurs, contraints par un boycott croissant des produits américains, se tournent vers d'autres marchés, notamment le Maroc, pour garantir l'approvisionnement en fruits et légumes. Depuis plusieurs semaines, les consommateurs québécois examinent de plus près les étiquettes des produits frais, délaissant systématiquement ceux marqués « USA ». Résultat : les détaillants, comme les chaînes de supermarchés, multiplient les démarches pour diversifier leurs sources. « Les appels auprès de fournisseurs de l'Espagne, du Portugal, du Maroc et du Mexique, qui se faisaient déjà régulièrement, pourraient être plus nombreux », relève le journal canadien La Presse dans un article publié le 22 mars. Lire aussi | Pourquoi le Canada doit se rapprocher du Maroc Le Maroc, déjà bien implanté sur le marché canadien grâce à ses agrumes et ses poivrons, pourrait ainsi bénéficier d'une nouvelle fenêtre d'opportunité. Comme le souligne Guy Milette, vice-président exécutif de Courchesne Larose, « Courchesne a introduit au Québec la clémentine du Maroc en 1971. On est un peu un pionnier dans l'importation internationale ». L'entreprise travaille aujourd'hui avec plus de 45 pays, dont le Maroc, qui jouit d'un réseau logistique bien établi avec le Canada. Dans un contexte où les consommateurs expriment de plus en plus leur volonté de « consommer local » ou, à défaut, de se détourner du marché américain, les détaillants s'adaptent rapidement. Michael Medline, président et chef de la direction du groupe Empire (qui possède notamment IGA), confiait récemment que « ce chiffre de 12 % [de produits américains] a diminué au cours de la dernière année et continuera de diminuer à mesure que nous adaptons notre offre ». Les motivations sont multiples : rejet politique, hausse des tarifs douaniers, et volonté d'indépendance économique. Mais ce repositionnement stratégique n'est pas sans conséquence. Si les agrumes d'Espagne ou les poivrons marocains offrent des prix compétitifs, d'autres produits comme le brocoli ou la laitue, très dépendants du climat californien, sont plus difficiles à remplacer sans compromis sur la qualité ou le coût. Lire aussi | Canada: Mark Carney élu pour remplacer le Premier ministre Justin Trudeau « Il va falloir que les gens qui veulent faire un boycott soient conscients que tout vient avec un prix », prévient M. Milette dans La Presse. Importer du brocoli d'Espagne ou du Mexique coûte plus cher, et la fraîcheur peut s'en ressentir. Certaines denrées, comme les melons ou les laitues, pourraient se raréfier temporairement ou arriver abîmées. Pour autant, les grossistes gardent une approche pragmatique. Pas question de rompre définitivement avec les producteurs américains. « On ne brûle jamais nos ponts », résume M. Milette. Ce réalignement reste, pour l'instant, une réponse temporaire à une situation exceptionnelle. À moyen terme, ce rééquilibrage pourrait ouvrir de nouvelles perspectives commerciales pour les producteurs marocains. Déjà reconnus pour leur savoir-faire agricole et la compétitivité de leurs produits, ils pourraient s'ancrer davantage dans les habitudes de consommation nord-américaines, au-delà même du contexte politique actuel.