La filiale du groupe CDG Développement, spécialisée notamment dans le logement social et économique, va se focaliser sur les logements dont les prix varient entre 200.000 et 400.000 DH. A l'international, elle cherche à se faire une place dans des pays comme la Libye, le Sénégal ou l'Egypte. Abdellatif Fazouane, directeur général, revient dans cette interview sur cette expérience. Challenge Hebdo : pourquoi un groupe comme la CDG se consacre-t-il au logement social? Est-ce un métier rentable pour lui? Pourrions-nous avoir des chiffres dans ce sens? Abdellatif Fazouane : le Groupe CDG à travers sa Holding CDG Développement comprenant, entres autres, les filiales immobilières (Dyar Al Mansour, CGI, MedZ, etc) et les bureaux d'études d'ingénierie (Scet-Scom, Ingema) englobe actuellement tous les produits de la promotion immobilière allant du social bidonvillois, social libre, économique, moyen et haut standing, tertiaire, aménagement, tourisme, etc. Une des 4 valeurs de notre groupe est la citoyenneté. Le groupe CDG, et notamment la Holding CDG Développement à travers sa filiale Dyar Al Mansour, a été sollicité pour lancer et réussir le programme Al kora en plein centre urbain (douar al kora a presque un siècle d'existence), je pense que l'opération al kora est devenue une référence nationale et internationale en matière d'architecture, d'urbanisme, d'accompagnement social, de mixité sociale, de création d'activités. L'opération Annasr à Témara ( la plus importante opération de relogement au Maroc en nombre de logements sur un même site) avec le guichet unique a permis d'enregistrer des performances exceptionnelles : reloger 1400 familles en 2 mois, atteignant parfois 66 ménages par jour. Tous ces programmes sont équilibrés sur la base de business plan approprié avec des études techniques détaillées pour optimiser le coût de revient. Ceci doit être couplé à un plan de financement adéquat et à un travail d'accompagnement permanent pour l'encaissement des recettes bidonvilloises, notamment par le biais du crédit à travers la garantie Fogarim. Le résultat net de 2007 de Dyar Al Mansour est de 15 MDH, alors que le chiffre d'affaires est de 320 MDH pour un capital de 106 MDH. Pour l'année 2008, le chiffre d'affaires envisagé va dépasser les 420 MDH. C. H. : au bout de cinq années d'exercice, quel bilan dressez-vous alors de Dyar Al Mansour ? A. F. : le bilan est très positif. Nous avons développé une expertise d'ingénierie sociale. Nous avons relogé plus de 3.500 familles. Quant à nos performances, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 320 millions de DH au cours de l'année 2007. Pour répondre aux préoccupations de nos clients, nous avons aussi mis en place une organisation adéquate pour le développement de notre métier avec des directions opérationnelles (techniques, ingénierie sociale, commercial…) et des directions fonctionnelles (finance, comptabilité, contrôle de gestion, ressources humaines…) avec l'élaboration de manuels de procédures et gestion des risques ainsi que le développement d'un système d'information intégré englobant les différents intervenants. C. H. : quelles sont les contraintes que vous avez rencontrées dans le cadre de votre activité? A. F. : les contraintes dans un programme social peuvent être multiples si on n'étudie pas les différents risques au départ et à tous les niveaux : recensement, risque d'augmentation de coût de revient de logement pouvant déséquilibrer les business plan, type logement en adéquation avec la demande des familles, procédures compliquées administratives et commerciales (autorisations, éclatement des titres fonciers, crédit bancaire, assainissement foncier…), adhésion des familles souhaitant un habitat individuel et non pas collectif, etc. C. H. : comment arrivez-vous alors à les surmonter ? A. F. : toutes ces contraintes doivent être bien analysées après un diagnostic détaillé de l'existant. Les clés de réussite pour éviter toutes ces contraintes sont récapitulées dans les points suivants : une péréquation étudiée avec le promotionnel pour baisser avec l'aide des contributions du Fonds Hassan II et du FSH la quote-part acquéreur bidonvillois tout en équilibrant nos montages, un accompagnement social adéquat pour assurer l'adhésion des familles à travers des experts sociaux, un développement d'un logement social répondant à toutes les normes dans un cadre de vie agréable en mixité sociale, une facilité des procédures pour les clients par la mise en place d'un guichet unique englobant tous les intervenants de la chaîne immobilière : «Conservation, Cadastre, autorité locale, équipe commerciale, commune, banque (CIH), CCG, Redal, Notaires», une gestion de la cité après relogement en attendant la mise en place des syndics pour sensibiliser les familles au nettoyage, maintenance espace vert, garder l'architecture des façades, gardiennage des équipements d'intérêt général, etc. C. H. : au vu de tous ces chantiers, quelle place lorgnez-vous finalement sur le marché national? A. F. : nous souhaitons rester un des acteurs de référence pour les opérations d'habitat social avec toute l'expertise développée en développant également le segment du logement économique entre 200.000 DH et 400.000 DH pour la catégorie moyenne. La demande est très importante notamment dans les grandes villes, le client choisira en fonction de la qualité, du prix, du cadre de vie avec les équipements de proximité offerts, de la densité de logements à l'hectare (autour de 150 logements/ha). Nous souhaitons aussi développer les opérations de maîtrise d'ouvrage déléguée pour les clients institutionnels, nous avons d'ailleurs signé une convention de maîtrise d'ouvrage déléguée avec l'Association des œuvres sociales du ministère des Finances pour la réalisation de logements économiques au profit de ses fonctionnaires, une première opération sera déclenchée à Témara. C. H. : concrètement, que prévoyez-vous de faire dans les années à venir? A. F. : le plan d'action des 5 prochaines années repose sur le développement du logement économique à travers différentes villes telles que Casablanca, Marrakech, Témara, Tanger et Fès, tout en continuant à réaliser des opérations d'habitat social tels que Aïn Harrouda pour le relogement de presque 4.000 familles dans le cadre de la nouvelle ville de Zénata ainsi que les bidonvilles restants à Rabat Douars Graa-Kouara-Rjafellah. D'autres programmes de requalification de centres urbains sont en cours d'étude. Nous espérons à l'horizon 2011 atteindre la réalisation annuelle de 10.000 unités. Par ailleurs, Dyar Al Mansour vient d'adopter une nouvelle identité visuelle, qui traduit mieux son ambition de participer activement au développement du Maroc, à travers ses projets de logement social et économique et de renouvellement urbain. C. H. : et sur le plan international ? Où en êtes-vous ? A. F. : dans l'objectif de développer nos activités sur le plan international, un processus de prospection large pour la recherche de niches d'intervention dans différents pays a été déclenché par la Holding CDG Développement avec la collaboration de notre société Dyar Al Mansour. Nous avons également reçu la visite de délégations de plusieurs pays africains. Ces pays sont très intéressés par le modèle développé pour les opérations de relogement de bidonvillois, le logement économique, les montages financiers, l'expertise sociale, les outils d'accompagnement social, la maîtrise d'ouvrage déléguée et par les produits marocains ayant accéléré le processus d'éradication de l'habitat insalubre au Maroc : FSH, Fogarim, exonérations fiscales, etc. Différentes pistes sont en cours d'étude pour arrêter les meilleurs schémas de partenariat notamment avec des pays comme la Mauritanie, le Sénégal, la Libye et l'Egypte. Dyar Al Mansour Dyar Al Mansour est une filiale de CDG Développement, spécialisée dans l'habitat social, économique et le renouvellement urbain. En 2002, elle était chargée de reloger les habitants du plus grand bidonville de Rabat, Douar Al Kora: 2.200 ménages et 665 commerces, «une opération tiroir complexe». Dès 2004, les pouvoirs publics décident de lui confier d'autres programmes d'habitat social : le programme Mers El Kheir à Témara pour le relogement de 1.432 ménages dépendant des douars Ouled Dlim et Ouled Mtaa limitrophes de la rocade urbaine de Hay Ryad et le programme Annasr pour le relogement de 3.700 familles des bidonvilles du Centre de Témara dont douar Sahraoua. La société de développement de Témara a alors changé de nom. Dyar Al Mansour pouvait alors intervenir dans toutes les villes. Tous les chantiers sont exécutés dans le cadre de conventions avec différents partenaires : ministères de l'Intérieur, de l'Economie et des Finances, de l'Habitat et de l'Urbanisme, Fonds Hassan II pour le Développement Economique et Social, Wilaya de Rabat, Préfecture de Témara, Commune urbaine de Rabat, Commune urbaine de Témara. En plus du fait que le groupe soit signataire de la convention Rabat, Ville sans bidonvilles, il réalise des équipements sociaux d'intérêt général : bibliothèque, centre de santé, foyer féminin, équipement sportif, école, garderie, centre d'alphabétisation, etc.