Pour leur mise initiale de quelques millions de DH, les propriétaires empocheront plusieurs dizaines de millions de DH. Ainsi est la réalité du marché boursier. A Casablanca, tout est cher, trop cher. A 1.095 DH par action, les actionnaires de M2M Group empocheront 141 millions de DH en ne cédant que 20% du capital d'une entreprise qui a réalisé un chiffre d'affaires de 72 millions de DH en 2006. Une question se pose. Comment une entreprise qui réalise un bénéfice de 22 millions de DH par an peut-elle espérer valoir 705 millions de DH, c'est-à-dire la capitalisation après la décote de 14,9% offerte en cadeau aux acquéreurs de l'action ? Ce prix a pourtant été déterminé au terme d'une méthode d'évaluation on ne peut plus rigoureuse. Il se pose néanmoins le problème de la valorisation. Pour la détermination du prix, deux méthodes ont été retenues. La première se base sur les comparables boursiers, alors que la seconde s'appuie sur les cash-flows futurs susceptibles d'être générés par M2M. Concernant les comparables boursiers, la cherté des actions du secteur de l'informatique sur la bourse de Casablanca donne des résultats dopés. Au total cinq sociétés figurent dans l'échantillon. Il s'agit d'abord de deux entreprises exclusivement dédiées à la distribution de matériel informatique, et dont l'activité, bien que proche, ne correspond pas tout à fait à celle de M2M. Ce sont en l'occurrence Distrisoft et Matel PC Market qui commercialisent du matériel. C'est pourquoi les évaluateurs n'ont retenu qu'une pondération de 5% pour chacune de ces sociétés. Ensuite, il y a IB Maroc et Involys, qui pèsent pour 10% chacune dans cette méthode d'évaluation. Ces deux entreprises ont une activité qui s'approche davantage de celle de M2M Group que les deux précédentes. Enfin, les 70% restants du panier servant de base de comparaison sont attribués à HPS, qui a exactement la même activité que l'entreprise qui s'apprête à s'introduire à la cote. Cette méthode est donc appliquée dans un souci d'objectivité. Sauf que c'est la bourse de Casablanca elle-même qui vient fausser la donne. En effet, la place est jugée chère et ces prix élevés impactent forcément le prix qui ressort de la méthode. Le multiple des bénéfices nets ou encore Price to Equity ratio (P/E), qui est le critère retenu, ressort à une moyenne pondérée de 43,7X pour l'année 2006. Au final, le prix de l'action se dégageant de cette méthode s'établit à 1348 DH. Or, à l'international, ce ratio ressort à des niveaux nettement inférieurs que pour les entreprises marocaines. Pour en avoir le cœur net, il suffit de jeter un œil sur la dernière introduction d'une société à l'activité comparable à M2M à la bourse de Paris. Il s'agit en l'occurrence de DL Software, introduite le 27 avril dernier. L'entreprise édite des logiciels métiers destinés aux PME et ce n'est pas le seul point de similitude avec M2M. Le chiffre d'affaires de DL Software n'est que de 23 millions d'euros, ce qui correspond bien à une entreprise de petite taille en France. La méthode des comparables boursiers utilisée avait permis de dégager un P/E moyen de 26,47X pour l'année 2006 à partir d'un échantillon de 5 entreprises similaires. C'est dire que dans les conditions du marché français, l'évaluation de M2M Group par les comparables boursiers aurait donné une valeur 40% moins élevée que les 1.348 DH. En somme, le prix de la valeur finale s'en dégageant aurait été de 816 DH par action. Certes, la croissance française est en moyenne inférieure à celle du Maroc, mais cet écart de 40% serait difficilement explicable. D'autant que cette différence est prise en compte par une autre méthode d'évaluation. En effet, les «discounted cash-flows» (DCF) ou flux de trésorerie de M2M aboutissent à une valeur de 1.287 DH par action. Cette méthode consiste à ramener financièrement les gains futurs de la société à leur valeur actuelle. Elle renvoie une meilleure image de la valeur de l'entreprise prise isolément. En effet, une action ne vaut aujourd'hui que ce qu'elle est susceptible de rapporter demain. Il serait donc logique qu'elle soit pondérée à hauteur de 60% dans la moyenne finale. Finalement, la valeur de l'action aurait été de 934 DH, en appliquant la décote de 14,9% annoncée dans la note d'information. En réalité, les 1.095 DH correspondent à la valeur de l'action si elle avait été évaluée suivant des comparables de sociétés cotées en France, avec une différence de taille. La décote de 14,9% n'a pas lieu d'être annoncée, puisqu'en réalité elle n'existe pas. Le fait est que la réalité du marché marocain est largement différente de celle de l'Europe. En effet, le secteur de l'informatique n'est pas le seul à être surévalué à la Bourse de Casablanca. Pas plus tard qu'il y a un mois, Attijari Intermédiation avait estimé que les banques marocaines étaient surévaluées par rapport à l'international. Certaines devaient même valoir moitié moins que leur cours actuel. Pourtant depuis, les sceptiques attendent vainement une correction. L'évolution future de l'action à la Bourse de Casablanca sera le meilleur indicateur de la valeur réelle de M2M Group. Et selon toute vraisemblance, le titre est appelé à connaître une bonne performance. L'historique des récentes introductions montre en effet que toutes les entreprises dont le montant global de l'opération dépasse 100 millions de DH ont connu un vif succès. En effet, avec de tels montants, les investisseurs institutionnels sont attirés, ce qui crée une certaine animation dans le marché secondaire. On a pu voir pour des raisons similaires que HPS et Fenié Brossette ont effectivement progressé très fortement doublant leur cours d'introduction en seulement quelques séances. Le contexte a changé depuis. Pour le moment, la bourse de Casablanca est dans une période marquée par un certain attentisme. La croissance est très limitée et Addoha qui avait servi de locomotive est loin derrière. Mais M2M Group pourrait connaître une croissance très appréciable, parce que le papier frais est toujours bon à prendre.