Jibel, c'est le nom de la nouvelle marque de produits laitiers qui grignote des parts de marché aux mastodontes du secteur. Mais même si les quantités produites restent pour l'instant faibles, la pénétration du marché risque de relever du parcours du combattant, et plus particulièrement dans la grande distribution… Peu de marocains connaissent «Jibel». Et pour cause, même si la marque est née depuis bientôt deux ans (mai 2006), elle n'est distribuée pour l'instant que dans la région de Beni Mellal, et dans la périphérie de Casablanca, à savoir Hay Hassani, Hay Moulay Rachid…Et ce n'est que dernièrement qu'elle a commencé à faire surface dans les petites épiceries des quartiers Beauséjour et Maârif à Casablanca. Pourquoi? «Et bien tout simplement parce qu'aujourd'hui, nous ne produisons que 50.000 litres par jour, ce qui n'équivaut même pas à la production de la plus petite coopérative marocaine», explique Omar Kettani, président de Safilait, la société produisant la marque «Jibel». Et pourtant, l'unité de production située à Fqih Bensaleh, et dotée de 2500 vaches laitières sur un cheptel de 5000 têtes, le tout sur une surface de 2000 hectares, commence déjà à inquiéter la concurrence. «Vous savez, aujourd'hui, ils ont une démarche assez agressive auprès des épiceries, qui à noter au passage est le circuit de distribution le plus rentable puisqu'elles paient cash. Car ils ne vendent le lait frais que si l'épicerie achète également les produits dérivés de la marque. Et vu que parfois, la concurrence a des quotas de lait frais par région, étant donné qu'elle ne peut pas satisfaire toute la demande, vu la rareté de la matière première, et notamment du lait en poudre, ils en profitent pour placer toute leur gamme de produits», indique un professionnel du secteur. En effet, si la marque est plutôt jeune dans le secteur, il n'en reste pas moins que la gamme des produits dérivés est elle très riche: lait, yaourt ferme, yaourt à boire, yaourt brassé, Lben, jus de fruit…Elle n'a presque rien à envier à celle des mastodontes du secteur. Et ce n'est pas prêt de s'arrêter: «dans une quinzaine de jours, nous allons lancer notre première campagne d'affichage dans les zones concernées, car non seulement certains de nos produits auront un nouvel emballage, mais il y aura également de nouveaux produits. Aussi, nous comptons d'ici fin 2009 doubler notre cheptel, et passer ainsi à 5000 vaches laitières», indique Omar Kettani. Un développement somme toute assez naturel lorsqu'on sait que l'usine de Safilait, qui représente un investissement avoisinant au total les 160 millions de DH, a une capacité de production de 100.000 litres, qui n'est utilisée qu'à 50%. Une augmentation de la production qui ne manquera de s'accompagner à terme de nouveautés, tels que le fromage frais, les petits suisses ou encore les veloutés, ainsi que les «crème chease». La distribution, le nerf de la guerre Si Jibel n'est distribué que dans certains points du Royaume, il n'en reste pas moins que même dans ces zones, elle reste absente de la GMS (grande et moyenne surface). «Nous n'avons pas franchement cherché à y aller, car on vous demande de faire de la publicité, d'avoir des animateurs sur place…, ce qui engendre un certain nombre de coûts. Sans compter que le paiement se fait généralement à 60 jours, et que la GMS, même chez les grands du secteur, ne pèse que pour 5% dans la distribution totale», affirme le président de Safilait. Et puis surtout, la société de produits laitiers pêche par la logistique, car elle ne dispose pour l'instant que d'une flotte de 30 camions, et c'est cela qui empêcherait Jibel de pénétrer la grande distribution. Seulement, si le management assure que la marque ne va pas plus loin pour des raisons de capacité de production et de logistique, des rumeurs font état de blocages au niveau des mastodontes de la grande distribution du pays, qui ne sont autres que Marjane et Acima. «Cette réaction est plutôt attendue. D'ailleurs, il est à noter que les produits Jaouda de la Copag ont pu se faire une place au soleil lorsque les Français étaient là, et qu'ils tenaient à avoir une certaine diversité dans les produits. Aujourd'hui, la donne a changé», remarque un spécialiste du secteur. Cependant, Omar Kettani assure que Jibel ira crescendo vers la grande distribution, dès que le doublement de la flotte sera effectif. «Nous attendons une trentaine de camions supplémentaires très prochainement», assure-t-il. Une volonté de maîtriser l'amont et l'aval Cela dit, d'ores et déjà, l'on peut trouver Jibel chez Metro, et les négociations seraient en cours avec l'enseigne Label'Vie. Une extension du réseau de distribution qui promet d'assurer une croissance continue du chiffre d'affaires, comme cela a été le cas depuis le début, à savoir mai 2006. Si en 2006 le chiffre d'affaires s'est établi à 13,5 millions de DH, soit 80.000 DH par jour, en 2007, il a atteint les 45 millions de DH, soit une moyenne de 150.000 DH par jour. Et les performances de ce début d'année sont encore plus encourageantes: 7,5 millions de DH pour le mois de janvier, 9 millions de DH pour février, soit cette fois-ci une moyenne de 300.000 DH de chiffre d'affaires par jour. «Nous comptons également être présents sur l'axe Kénitra/ El Jadida d'ici la fin de l'année», ajoute Omar Kettani. En revanche, il faut savoir que Safilait n'est pas directement née suite à une réflexion sur l'opportunité qu'offre le marché des produits laitiers. «Nous sommes présents à Fqih Bensaleh depuis 1987 sur une superficie de 2000 ha, qui est en réalité une location des collectivités publiques. A l'époque, nous avions joué le rôle de cobaye pour dynamiser cette région, et nous y avons investi depuis plus de 400 millions de DH, hors usine», raconte Omar Kettani. Au départ, il s'agissait essentiellement de céréaliculture. Mais en raison d'insuffisances en eau, il y a eu reconversion de l'exploitation depuis une douzaine d'années vers l'élevage d'ovins, mais surtout de bovins. «Cela dit, nous dépendions d'un seul client, car nous ne pouvions pas vendre à plusieurs producteurs. Nous avons décidé alors de procéder à une intégration verticale, et de nous lancer dans la production de lait pour contrôler aussi bien l'amont que l'aval. En somme, pour contrôler notre développement», insiste Omar Kettani. Concernant justement les perspectives de développement de Safilait, son président assure que pour l'instant, il n'y a pas d'ambition nationale, et que le principal objectif reste le développement de l'élevage. En revanche, pour ce qui est du long terme, sa réponse se prête à toutes les interprétations possibles et imaginables: «vous savez, on ne prévoit ses perspectives de développement qu'à un horizon de 2 à 3 ans, au-delà , on ne sait pas ce qui peut se passer», conclut-il.