Le COVID-19 sévit en Europe, la situation est d'autant plus inquiétante dans des pays comme la Russie, l'Allemagne, la Turquie et l'Ukraine qui représentent plus de 50% des nouveaux cas de contaminations hebdomadaires. Selon les prévisions du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, le nombre de cas et de décès devrait augmenter d'environ 50% au cours des deux prochaines semaines. L'OMS alerte quant à la situation sanitaire en Europe et parle de 500 000 morts en Europe cet hiver. Quelles conséquences pour le Maroc. Eclairage de Dr Karim Mediouni (1), médecin réanimateur à la clinique Avicenne. Dr Karim Mediouni, s'adresse à tous les marocains pour les inciter à la vigilance, et rappelle aux concitoyens l'importance de maintenir les barrières sanitaires, parce que cela va permettre de sauver des vies, et surtout celles de leurs proches. Challenge: Suite à la situation pandémique actuelle en Europe, l'OMS annonce une prévision alarmante d'un demi-million de morts cet hiver, est-ce que le scénario d'une quatrième vague menace également la situation sanitaire nationale ? Dr Karim Mediouni: Depuis décembre 2019, nous avons recensé plus de 5 200 000 décès, un chiffre qui est extrêmement élevé. Si l'on veut parler de ce qu'il se passe actuellement, on fait face à une quatrième vague COVID qui commence en Asie centrale et en Europe, notamment en Allemagne. Le nombre de cas est en hausse continue depuis plus de 7 semaines en Europe, avec environ 250 000 cas de nouvelles contaminations par jour et 3600 décès. En Allemagne, on recense près de 50 000 nouveaux cas de contaminations par jour. Selon ces chiffres et les prévisions actuelles, on pourrait bien atteindre un demi-million de morts à l'horizon de février 2022. L'Europe est le nouvel épicentre de la pandémie. Si la situation continue à évoluer ainsi, elle va atteindre le reste de l'Europe et donc le Maroc. Challenge: Le nouveau variant sévit en Europe, est-ce que la campagne de vaccination nationale peut-elle prévenir un scénario de contaminations tel que le scénario Européen actuel ? Dr Karim Mediouni: En Europe, le variant qu'on retrouve le plus est le variant Delta, et c'est celui qu'on recense le plus au Maroc également. Près de 99% des tests en France affichent un résultat avec le variant Delta. Ensuite, le 28 octobre dans un point épidémiologique de santé publique en France, on informe que le variant Delta représente la quasi-totalité du virus circulant. Sauf que quand on parle de nouveaux variants, indépendamment du niveau de viralité, il y a des sous-variants qui sont dûs à la mutation du virus. Quand on parle du variant Delta, il y a le sous-variant AY4.2 et qui représente 96% des variants Delta recensés. Il faut comprendre que ce sont ces mutations qui rendent le COVID-19 aussi viral et difficile à gérer. Pour ce qui est de la situation nationale et compte tenu de la campagne de vaccination, on recense un plus grand nombre de cas positifs au COVID non vacciné que ceux qui sont effectivement vaccinés. Donc oui, on peut dire qu'avec la couverture vaccinale actuelle on peut faire face à cette pandémie qui est en train de reprendre de plus belle. On ne peut pas encore se prononcer et dire que la vaccination réduit le nombre d'infections, mais selon mon expérience personnelle, elle permet de diminuer la gravité des cas atteints et de ce fait diminue le taux d'hospitalisation. Dans mon service les patients COVID vaccinés se défendent mieux contre la maladie en comparaison avec les patients non vaccinés. La vaccination diminue le nombre d'hospitalisations dans les services de réanimation. Challenge: Le Maroc est-il prêt à faire face à une quatrième vague de contaminations ? Dr Karim Mediouni: Tout d'abord, il faut préciser que le Maroc pourrait être parmi les pays qui vont vivre une quatrième vague de contaminations vu que les vols internationaux sont ouverts, le taux de propagation sera donc élevé ce qui est tout à fait logique. Mais puisque la campagne vaccinale nationale est une campagne réussie, donc oui le Maroc est prêt à y faire face, d'autant plus qu'il y a eu un effet d'apprentissage entre la première et la deuxième vague. Si l'on revient à la troisième vague, qui s'est étendue entre mai et août 2021, on a très bien géré la situation même avec 2000 cas par jour tout en assurant un taux de décès relativement bas. Avec ses médecins, ses infirmiers et son expertise, le Maroc a les moyens nécessaires pour faire face à cette quatrième vague. Tout cela est le fruit des efforts du Ministère de la Santé qui a fourni des efforts louables quant à la campagne vaccinale. Quoique l'on puisse dire à propos des différentes mutations du virus, je crois que la vaccination a tout son intérêt pour développer une meilleure immunité contre ce COVID. Lire aussi | Covid-19 : deux traitements par anticorps approuvés par l'Agence européenne des médicaments Challenge: Selon vous, est-ce que l'allègement des mesures sanitaires au niveau national est une mesure saine à prendre, compte tenu de tout ce qu'il se passe en Europe ? Dr Karim Mediouni: Si l'on parvient à un taux d'utilisation de 95% des masques en Europe et en Asie centrale, nous pourrions sauver 188 000 cas sur les 500 000 de décès prévus par l'OMS. Il y a un grand relâchement dans le monde entier par rapport aux barrières sanitaires, tout le monde est fatigué de cette sensation d'étouffement avec le masque et en étant loin de ses proches ce qui est tout à fait logique et humain. Mais n'oublions pas que ce COVID peut être dangereux pour nos proches, notamment les personnes âgées, il est de notre devoir de les protéger en mettant son masque et en appliquant les barrières sanitaires que l'on a perdu au fil du temps. C'est à nous de nous protéger et de protéger autrui. La vaccination n'est pas une excuse de relâchement des barrières sanitaires, parce qu'il y a toujours des facteurs de risque comme l'hypertension artérielle et le diabète, qui diminuent en eux-même l'immunité. Il faut garder sa vigilance, d'autant plus que la mutation rend difficile la protection avec le vaccin. Docteur Karim Mediouni est lauréat de la faculté de médecine Hassan II,spécialisé en réanimation et anesthésie. Il figure parmi la liste de médecins affectés au front de réanimation COVID lors de la première vague au sein du CHU Ibnou Rochd. Il est médecin réanimateur à la clinique Avicenne.