C omme à chaque fois que les besoins du Trésor atteignent le seuil de l'intolérable et c'est le cas, l'idée d'une amnistie fiscale remonte à la surface. A l'occasion des Assises, d'aucuns y voient une opportunité pour assurer un habillage politiquement correct à l'amnistie. Le discours s'apparenterait à «puisque l'on adopte de nouvelles règles, effaçons l'ardoise». Cela permettrait à l'Etat de récupérer quelques milliards de dirhams. L'on sait que la Direction générale des impôts s'oppose à une telle mesure. Ses arguments sont partagés par nombre d'observateurs et d'opérateurs. Les amnisties fiscales apparaissent toujours comme un encouragement à la fraude et renvoient une mauvaise image sur la gouvernance du pays. Le mieux, c'est de pacifier et d'équilibrer les relations entre l'administration et le contribuable et de laisser le fisc faire son travail, la collecte des impôts dans un climat de rigueur, mais dans la sérénité. L a récession en Europe, la décélération de la croissance dans les pays émergents ont fini par entrainer les prix des matières premières à la baisse. Le pétrole flirte avec les 100 dollars le baril et pourrait se situer en dessous de ce seuil psychologique dans les semaines à venir. C'est une bonne nouvelle pour la Caisse de compensation. Cela ne change pas la nature du problème de cette caisse. L'attitude la plus dangereuse serait de s'appuyer sur ces baisses, conjoncturelles, pour privilégier l'inaction. C'est ce que choisissent pourtant nos gouvernants qui mettent entre parenthèses la réforme de la Compensation, suite aux désaccords politiques. On ne peut imaginer le maintien dans la loi de Finances à venir d'un système à la fois onéreux et inéquitable. L'attentisme, l'inaction, sont un poison mortel, surtout en période de crise. Il y a un moyen de dépassionner ce dossier et de contourner les clivages publics : en faire un vrai débat national et prendre l'opinion publique comme juge. D 'autres fausses pistes fleurissent. La « star » de ces fausses pistes pourrait s'appeler «Haro sur la dépense fiscale». Il est vrai que certaines niches n'ont plus lieu d'être et que la fiscalisation partielle de l'agriculture paraît découler du principe même de l'équité fiscale. Cependant, les tenants présentent un chiffre magique, celui de 36 milliards de dh. Ce chiffre recouvre des réalités très différentes, en particulier des exonérations incitatives qui sont décisives dans le maintien de secteurs d'activité importants. Toute variation fiscale pourrait amener à l'arrêt de ces activités aux marges très faibles, mais d'une utilité sociale certaine. L'attitude d'aller chercher l'argent là où il existe relève de la panique. Nous ne cesserons de le répéter, il faut sérier le conjoncturel et le structurel dans les mécanismes de la crise et y répondre par un plan global, si possible débattu et accepté par les acteurs sociaux. Cela ne peut être remplacé par des mesures isolées, surtout si l'ensemble est incohérent. ■