La Caisse de compensation devra encore une fois boucler l'année avec un lourd déficit de l'ordre de 9 milliards de DH, se répartissant entre 6 milliards pour le pétrole et 2,6 pour le sucre et la farine. Les pessimistes vont jusqu'à estimer que ce déficit atteindrait même la barre des 15 milliards de DH. Selon eux, vue la tendance actuelle des cours internationaux (pétrole, blé), il est très probable que la flambée de ceux-ci se poursuive. L'année dernière, le déficit de la caisse était de l'ordre de 7,4 milliards de DH. Ce qui a porté les dépenses au titre de la compensation à 19, 4 milliards. Mais pour l'année en cours, le budget de la caisse, arrêté à 13,6 milliards de DH au titre de la Loi de finances 2007, va tout simplement exploser pour atteindre 22 milliards de DH même si, pour l'heure, Najib Benamor, directeur général de la Caisse de compensation, se veut rassurant. «Jusque-là, les paiements se font normalement. Nous n'avons aucun arriéré et les 13,6 milliards de DH ne sont pas encore épuisés à l'heure où je vous parle», dit-il. A l'opposé de la réserve du patron de la Caisse de compensation, des sources proches du ministère des Finances n'hésitent pas à soutenir que la Caisse devrait clore l'année avec un lourd déficit. C'est dire que Salaheddine Mezouar, ministre des Finances et de l'Economie, aura de sérieuses difficultés à boucler le projet de budget pour 2008, en raison justement du dossier de la compensation. D'abord, où va-t-il trouver les 9 milliards de DH qui n'étaient pas budgétisés? Au-delà, arrivera-t-il à désamorcer cette bombe à retardement, d'autant que la refonte du système de la compensation figurait dans son programme électoral ? Jusque-là, en tout cas, aucun gouvernement n'est arrivé à réformer ce mécanisme qui bloque le développement et la modernisation de pans entiers de l'économie. Pourtant, des dossiers avec des scénarios de refonte ficelés étaient sur le bureau de l'ex-Premier ministre, Driss Jettou, depuis au moins trois années. Des programmes et des solutions à expérimenter En effet, le gouvernement sortant a préféré passer le témoin sans résoudre cette grande équation. Toujours est-il que ce n'est pas facile de toucher à un domaine dit «sensible» qui risque d'affecter le pouvoir d'achat de larges couches sociales. Les derniers événements de Sefrou et de Tanger, entre autres villes, qui ont connu des explosions sociales suite à l'augmentation du prix du pain, sont là pour le rappeler. Outre les scénarios de refonte du système de compensation que le gouvernement sortant a laissé dans les tiroirs, Abbas El Fassi pourra s'inspirer des programmes des différents partis de la majorité qui ont pratiquement tous une solution. On peut citer par exemple celle du PPS, qui propose de procéder immédiatement à une évaluation de la Caisse de compensation pour transformer le soutien des prix en aide directe à ceux qui en ont véritablement besoin. D'où la mise en place plutôt d'un revenu minimum de solidarité. Toutes les familles recensées comme étant pauvres et vivant avec moins de 10 DH par jour (soit un million de familles) recevront une aide directe de 6.000 DH/an. Le financement de cette mesure est à prélever sur les dotations de la Caisse de compensation. La première année, l'enveloppe nécessaire serait de l'ordre de 7,2 milliards de DH. Le reliquat des montants alloués à cette Caisse ira soutenir, à la base, les activités concernées (betteraviers, tournesols, etc). Quelle que soit l'approche qu'il fera du dossier, Abbas El Fassi sera appelé à faire des arbitrages entre la compensation et le budget de l'Etat. Le nouveau Premier ministre doit faire preuve de courage politique pour arrêter l'hémorragie. Les causes ayant produit cette situation sont toujours là et pour longtemps, si l'on en croit les analystes. La flambée des prix des produits subventionnés par le Royaume risque de ne pas s'estomper de sitôt. D'où l'urgence de revoir tout le système de compensation. C'est quand même plus que l'équivalent du budget d'investissement public d'une année. Alors le choix sera douloureux. Cependant, selon certaines sources, Nizar Baraka, ministre des Affaires générales et économiques, devra faire un exposé sur ce dossier dès la première réunion du Conseil de gouvernement. Déjà, l'alerte avait été donnée par le Premier ministre sortant, si l'on s'en tient à sa lettre de cadrage de fin juillet 2006 envoyée aux membres de son gouvernement dans la perspective de la loi de Finances 2007. «La flambée des prix du pétrole sur le marché international impose la révision du régime des subventions, en prenant en compte la nécessité de cibler les populations nécessiteuses et le maintien des équilibres macro-économiques concernant le tissu productif national et les finances publiques», notait-il sans plus de détail. C'est une loi de Finances 2008 difficile qui se profile à l'horizon. Elle se compliquera davantage par la flambée des prix du pétrole sur le marché international (plus de 80 dollars) et du blé, pour lequel la tension qui s'exerce sur ce marché est telle qu'une option d'achat émise aujourd'hui risque d'être dénoncée le lendemain, tellement les prix ne cessent de grimper. Le projet de budget pour 2008 ne peut pas lui consacrer moins de 20 milliards de DH. C'est toujours excessif ! C'est à se demander comment Mezouar, ministre des Finances, pourra défendre cette «folie budgétaire» ? Si ce n'est en revoyant le système de compensation ou en retombant dans les mauvaises habitudes qui consistent à ne pas rembourser les pétroliers et les embouteilleurs de butane. Déjà, au sujet de la question du déficit de 9 milliards de DH, on commence à regarder du côté des établissements publics qui devront encore mettre la main à la poche : Bank Al-Maghrib, l'OCP et la CDG, mais aussi Marsa Maroc.