Au lendemain du drame d'Imlil, les opérateurs du tourisme, particulièrement ceux de Marrakech, redoutaient des annulations massives de réservations et de séjours sur la destination Maroc. Hamid Bentaher, le président du CRT de la première destination touristique du Royaume, analyse la situation. Challenge : Quelle est la tendance aujourd'hui à la veille des vacances de fin d'année, quelques jours après le drame d'Imlil ? Hamid Bentahar : Pour le moment, le drame d'Imlil n'a pas d'impact négatif sur le secteur du tourisme à Marrakech et région. Il n'y a pas eu d'annulations de réservations ni de vols. Les avions et les touristes continuent à affluer et les hôtels se remplissent. Actuellement, la majorité des établissements hôteliers affiche pour les fêtes de fin d'année un taux d'occupation record par rapport au reste de l'année, même par rapport à la même période de l'année dernière. Cela dit, je tiens à préciser qu'aucun endroit aujourd'hui dans le monde n'est totalement à l'abri de ce type de drame. Et par rapport à ceci également, le Maroc et Marrakech restent des destinations sûres. En témoigne la rapidité avec laquelle nos agents de sécurité ont arrêté les suspects. Les populations d'Imlil sont pacifiques et sont particulièrement ouvertes au reste du monde. C'est pour vous dire que ce qui est arrivé là-bas est un acte isolé. Quid des touristes scandinaves ? Même du côté des marchés scandinaves, d'où sont originaires les victimes, les réservations sont maintenues. Aujourd'hui, outre les investisseurs dans la région, les nombreux étrangers qui vivent parmi nous dans les quatre coins de Marrakech que j'appelais les « Marocains de cœur » ont joué un rôle important en rassurant via les réseaux sociaux leurs amis et leurs relais. Ils sont tout simplement les ambassadeurs de l'hospitalité et de l'art de vivre marocain. Leur implication a beaucoup aidé. Comment avez-vous géré la situation au niveau du CRT de Marrakech et avec l'ONMT ? Il n'est jamais facile de faire face à ce type de situation. Il fallait d'abord gérer l'émotion qui était très forte. Le plus important aussi en pareille circonstance était de rendre hommage aux victimes, d'exprimer nos regrets, notre tristesse… Ensuite, nous nous sommes déplacés sur place au lendemain du drame, avec le Wali, le Maire, le Président de la région, le DG de l'ONMT, pour soutenir les populations locales. Cette forte mobilisation se poursuit pour suivre l'évolution de la situation aussi bien au niveau des établissements d'hébergement et des opérateurs, qu'au niveau des grandes plateformes de réservation pour les TO et les compagnies aériennes. Au-delà également, le soutien aux populations locales va se poursuivre. Nous allons bientôt mettre en place de nouvelles solutions et idées pour développer ce tourisme de montagne qui a du potentiel et qui maintient une grande partie des jeunes à rester dans cette région. Il faut souligner aussi que Marrakech doit beaucoup au mont Toubkal et à cette région. Si la destination est celle qu'elle est aujourd'hui, c'est grâce à la magie de cette montagne, le plus haut sommet de l'Afrique du Nord. Le village d'Imlil, à 70 km de Marrakech, est le point de départ pour toute ascension du Toubkal. Quelle est la stratégie du CRT de Marrakech pour développer ce tourisme de montagne, voire l'arrière pays, qui attire beaucoup de passionnés ? Permettez-moi d'abord de féliciter le Conseil Provincial du Tourisme (CPT) de cette région qui abat un travail remarquable. Ce CPT d'Al Haouz est très engagé dans la promotion de la région. Le rôle du CRT de Marrakech est de le soutenir. Nous avons réalisé des outils spécifiques depuis quelques années et nous ne considérons plus ce type de tourisme comme un petit segment, mais plutôt comme une offre clé de positionnement de Marrakech. Comme je l'ai dit tantôt, ce qui fait que Marrakech est devenue ce qu'elle est aujourd'hui, il y a certes son climat, son héritage, son histoire, son architecture mais à celà, il faut ajouter sa proximité avec le mont Toubkal, cette vue imprenable sur l'Atlas qui reste le premier élément de différenciation. C'est dire que nous devons le valoriser davantage. L'arrière pays de Marrakech s'impose comme un vaste espace, dont les potentialités en matière du tourisme en général, et de type «rural» et «de montagne» en particulier, se montrent multiples, diversifiées et des plus importantes à l'échelle nationale. Sa position géographique, son climat tempéré, la diversité de ses paysages naturels (vallées, rivières, cascades, lacs, sites historiques et archéologiques) et la simplicité et l'hospitalité de ses habitants n'ont pas tardé à faire connaître davantage cette région, au point d'en faire une étape importante et incontournable dans les différents circuits et excursions proposés aux touristes séjournant à Marrakech. Aujourd'hui, ce drame d'Imlil nous oblige à renforcer et diversifier ce positionnement. Sur la destination Marrakech, à fin octobre et comparés à la même période de l'année dernière, les nuitées et le taux d'occupation ont augmenté respectivement de 10% et de 6 points (passant de 53% à 59%). Comment expliquez-vous ces bons chiffres ? Si plusieurs facteurs expliquent ces bonnes performances, je tiens à préciser que c'est surtout la COP22 qui a été déterminante. Elle a offert à la destination la plus belle campagne de promotion de communication qu'on n'ait jamais connue dans l'histoire de Marrakech. Elle a donné à la destination, une visibilité exceptionnelle. Cela prouve une fois encore qu'avec les grands événements internationaux, Marrakech est capable de faire une croissance à deux chiffres pendant plusieurs mois consécutifs. D'où aujourd'hui, l'importance d'investir sur ce fameux projet que tout le monde attend, le palais des expositions et des festivals. Nul doute qu'un tel projet nous permettra d'attirer d'autres grands événements mondiaux dans l'avenir. Ce tourisme « MICE (Meetings, incentives, conferencing, exhibitions) » qui concerne l'organisation de réunions, conférences et expositions est un segment structurant pour Marrakech, d'autant plus qu'il permet de hisser le taux d'occupation pendant les jours de semaine. L'année prochaine par exemple, nous allons recevoir le plus grand salon mondial sur le tourisme golfique. L'autre élément qui a pesé sur les bons résultats de la destination, est l'aérien. En effet, grâce à l'open sky et aux nouvelles dessertes des compagnies aériennes, les touristes ont afflué de partout. Outre aussi les grands efforts de l'ONMT pour booster la promotion, les autorités de la ville ont apporté leurs pierres à l'édifice en améliorant la qualité du produit via les espaces verts, la restauration des monuments, l'aéroport… Par ailleurs, il faut noter que Marrakech est devenue une destination pour les célébrations et les célébrités. En effet, toutes ces grandes stars qui y viennent pour célébrer avec leurs amis leurs mariages, leurs anniversaires, ont contribué dans la promotion. Ils sont de véritables prescripteurs pour notre destination via les réseaux sociaux surtout. Idem pour les grandes enseignes marocaines et internationales comme La Mamounia, Royal Mansour, Fairmont, Sofitel, Four Seasons… qui gagnent de plus en plus des Awards et des reconnaissances à l'échelle mondiale. Et quand celles-ci communiquent sur leur clientèle, leur message devient plus rassurant. En témoigne le drame d'Imlil pour lequel, elles n'ont ménagé aucun effort pour rectifier une information ou une fake news. Quelles sont vos prévisions pour la destination en 2019 ? Dans la foulée de 2018, les prévisions sont bonnes pour l'année prochaine que nous allons démarrer dès janvier avec la formule E et le marathon de Marrakech, le premier de l'année 2019. En mars, pour continuer à développer ce segment Mice, nous organisons également le Meetings Morocco, une rencontre B2B unique au Maroc, qui permet de rentrer en contact avec les organisateurs d'événements locaux et internationaux. Je reste optimiste, même s'il y a beaucoup de travail. n