Si les armées occidentales excellent dans l'art de la destruction, peuvent-elles être mieux préparées à mener des actions de construction ? En relation directe avec l'Irak et l'Afghanistan, un nouveau débat concernant la forme future des forces armées des Etats-Unis se révèle très important pour l'ensemble du monde occidental. Avec tous ses engagements et ses alliances, les Etats-Unis veulent une capacité d'action à «large spectre», allant du conflit majeur à la simple action de maintien de l'ordre. Mais cette ambition pose un sérieux problème, celui du bon dosage entre les différentes ressources nécessaires à autant d'actions différentes. Pour pouvoir faire face aux menaces les plus sérieuses qui proviennent de puissances émergentes comme la Russie ou la Chine, l'Amérique et ses alliés vont avoir besoin d'investir dans des avions, des navires et des armes très sophistiquées. Malheureusement pour les contribuables, l'expérience américaine montre qu'une puissance moderne doit se préparer à affronter tous les types de conflit, même si les stratégies basées sur des armes technologiques et «intelligentes» dominent depuis quelques années. Il faut dire que l'image du guerrier futur ressemblant plus à un «cyborg» qu'à un humain est très séduisante, le combattant portant un casque et une combinaison truffés d'électronique, un ordinateur connecté à son viseur lui permettant d'être relié en temps réel à son environnement, à ses camarades et autres forces de soutien. Outre une batterie de capteurs ultra-sensibles donnant un maximum d'informations sur la santé du combattant, la combinaison du futur intègrera un système de climatisation permettant de faire face à toutes les températures possibles. Si l'utilisation des premiers prototypes contre les Talibans et contre Saddam Hussein a été globalement un succès, ce qui ressort principalement, c'est le chaos meurtrier en Irak et la violence croissante dans le sud de l'Aghanistan. L'Amérique aura donc montré sa capacité à détruire des cibles mais également son impuissance à reconstruire les pays touchés. L'usage des armes est peu efficace et souvent contre productif lorsque les ennemis se mêlent délibérément aux populations. Des armées puissantes ont souvent eu les pires difficultés à affronter des guérillas sur des territoires éloignés, il suffit de se rappeler les Français en Algérie, les Russes en Afghanistan ou encore les Etats-Unis au Vietnam. C'est exactement la vision du Général David Petraeus qui dirige actuellement les opérations en Irak. Dans un tout récent manuel dont il est co-auteur, le Général Petraeus va même jusqu'à assimiler la lutte anti-guérilla à un «travail social» utilisant les armes. Ce travail nécessiterait plus l'usage de l'intelligence et de la patience que celui de la force et de l'agressivité. Le soldat modèle serait «moins un Terminator de science fiction qu'un homme doté d'un intellect respectable», doté de capacités linguistiques ainsi que d'une sensibilité à l'Histoire et à l'anthropologie. Par ailleurs, avec la propagation de plus en plus importante de la culture des droits de l'homme et la vitesse rapide de circulation des informations, il est de plus en plus difficile pour les forces occupantes de gagner les conflits. Il serait donc plus judicieux de se retirer et de faire intervenir sur place des alliés locaux. Dans le cadre de la «Guerre contre la Terreur», la plupart des suspects les plus importants liés à al-Qaeda ont été livrés aux Américains par des alliés locaux. Renforcer ses alliances locales est donc la meilleure manière pour sécuriser l'Irak et l'Afghanistan. C'est également une solution qui pourrait permettre d'éviter de futures interventions. Si pour le moment, un conflit majeur avec la Russie ou la Chine est improbable, le risque de perdre en Irak et en Afghanistan est très élevé. De plus, les dépenses des occidentaux en matière d'armements sont loin d'être à la hauteur des besoins (4% du PIB américain contre 9% lors de la guerre du Vietnam et 14% pour le conflit en Corée). Le problème est encore plus important en Europe où la plupart des pays allies dépensent moins de 2% de leur PIB (seuil minimal prôné par l'OTAN) en armements. Si les pays occidentaux veulent construire des «armées intelligentes», ils devront au préalable passer à la caisse !