Foire d'empoigne dès ses débuts, le débat télévisé de l'entre deux-tours, mercredi 3 mai, ne s'est jamais vraiment apaisé. Sans jamais gagner en clarté, il a montré l'ampleur des clivages opposant les deux projets. Ces rendez-vous entre les finalistes de la présidentielle dans l'entre-deux tours restent une figure imposée depuis 1974. Avec des moments forts désormais ancrés dans les mémoires, leurs effets restent pourtant incertains : pas sûr qu'il y ait là pour les candidats grand-chose à gagner, mais peut-être beaucoup à perdre. Mercredi soir 3 mai pourtant, à la télévision, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont chacun joué gros. Avec le niveau d'abstention clé du second tour, et le nombre de Français encore indécis, ce débat prenait évidemment une importance particulière. L'invective était la règle C'est sans doute la raison pour laquelle Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont entamé dans une grande fébrilité leurs échanges, mercredi soir, devant des millions de téléspectateurs. La candidate du Front national a d'emblée renvoyé Emmanuel Macron au quinquennat sortant. « M. Macron est le candidat de la mondialisation sauvage, de l'ubérisation, de la précarisation, du communautarisme, de la guerre de tous contre tous », « tout cela piloté par M. Hollande à la manœuvre ». C'était le « gimmick » de Marine Le Pen, tout au long de la soirée. À LIRE : Présidentielle, revivez le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen « Vous n'êtes pas la candidate de l'esprit de finesse » ni « de la volonté d'un débat démocratique équilibré et ouvert », lui a alors répondu Emmanuel Macron opposant « l'esprit de conquête » à « l'esprit de défaite » de la présidente du FN qui serait « d'expliquer à nos concitoyens que c'est trop dur la mondialisation pour nous, c'est trop dur l'Europe, donc on va se replier, on va fermer les frontières, on va sortir de l'euro, de l'Europe parce que les autres y arrivent mais pas nous », accusant Marine Le Pen d'avoir « profité de la détresse des gens » – le gimmickd'Emmanuel Macron – et d'être « l'héritière d'un système, d'un parti, d'un nom ». « Face à cet esprit de défaite », Emmanuel Macrondéclare porter « l'esprit de conquête français, parce que la France a toujours réussi dans le monde » Nathalie Saint-Cricq (France 2) et Christophe Jakubyszyn (TF1) ont alors bien du mal à apaiser les échanges. L'invective était la règle. « Ne jouez pas avec moi à l'élève et au professeur », explique agacée Marine Le Pen à Emmanuel Macron qui l'accuse de « raconter n'importe quoi ». Toujours offensive, la candidate du FN a longuement expliqué que « dans (sa) vision tout n'est pas à vendre ou à acheter » en reprochant à Emmanuel Macron sa vision de la famille. « Je suis totalement contre la GPA », a répliqué le candidat d'En Marche !, tout en défendant l'inscription dans l'état civil français des enfants nés de GPA pratiquée à l'étranger. Dialogue de sourds Même propos indéchiffrables à propos de la lutte contre le terrorisme. Marine Le Pen reproche ainsi à Emmanuel Macron une « complaisance avec le fondamentalisme islamique », alors que son adversaire taxe « de poudre de perlimpinpin », la proposition de Marine Le Pen de fermer les frontières et dénonce son projet de « porter la guerre civile dans le pays ». Seul point de consensus, le renforcement des moyens donnés à la police et de la répression de la délinquance. Marine Le Pen harcèle sans cesse Emmanuel Macron et l'entraîne peu à peu sur le terrain sécuritaire. L'Europe étant le clivage le plus tranché entre les deux candidats, le dialogue de sourds devient la règle. Chacun campe sur des positions irréconciliables. Marine Le Pen risque un bon mot : « La France sera dirigée par une femme, ce sera moi ou Mme Merkel. » Les questions internationales sont alors passées au même hachoir polémique. Sans clarification des positions de l'une ou de l'autre. Le débat sur l'école s'étiole alors sous le poids des invectives à propos des affaires. Il est quasi impossible dans des échanges de plus de 2 heures 30, aussi clivés, de défendre des choix équilibrés face aux surenchères et aux assauts polémiques venant de la candidate d'extrême droite. Mais du moins Emmanuel Macron a tenté d'argumenter face aux charges de sa rivale, sans trop se départir de son calme. Après une si longue soirée, les téléspectateurs auront été sans doute déçus par le ton des échanges.