Le leader d'En Marche ! qui a créé la surprise de cette élection présidentielle est en bonne position pour l'emporter le 7 mai. Eliminé dès le premier tour, François Fillon a appelé à voter pour Emmanuel Macron pour faire barrage à l'extrême droite. La plupart des responsables des Républicains et du Parti socialiste, dont le candidat a subi une sévère déroute, ont fait de même. Encore totalement inconnu du grand public il y a un peu plus de deux ans, Emmanuel Macron a pris dimanche 23 avril soir une sérieuse option pour l'emporter le dimanche 7 mai et entrer à tout juste 39 ans à l'Elysée. Arrivé en tête du premier tour avec un score estimé par les instituts de sondage entre 23 et 24 %, le leader d'En Marche ! qui affrontera au second tour Marine Le Pen, qualifiée avec 21 à 23 % des voix, a immédiatement reçu le soutien de la plupart des responsables politiques des Républicains et du PS. De nombreux responsables de ces deux partis de gouvernement, qui ont enregistré une défaite historique et seront absents du second tour de l'élection présidentielle, ont appelé sans états d'âme à voter pour Emmanuel Macron afin de « faire barrage » à la candidate du Front national. Le président de la République, François Hollande, l'a appelé pour le féliciter dès 20 h 15 et a indiqué qu'il exprimerait « très clairement » son choix et « rapidement ». Le scrutin a fortement mobilisé les électeurs – le taux de participation était estimé hier soir entre 77 % et 80 %, soit presque équivalent à 2012. Il marque en tout cas un tournant dans la vie politique française et devrait conduire à des recompositions futures. Emmanuel Macron en rassembleur « de tous les progressistes » Le leader d'En Marche ! a bénéficié hier soir des appels à voter en sa faveur de la part de ses adversaires républicains, Benoît Hamon et François Fillon, ainsi que d'autres ténors politiques du PS et de LR. « Nous considérons qu'il est déterminant d'œuvrer à obtenir la majorité la plus large possible pour procéder au rassemblement de tous les progressistes », leur a répondu Emmanuel Macron. En se retrouvant en duel face à Marine Le Pen, l'ancien ministre de l'économie affronte celle contre laquelle il a mené toute sa campagne par une posture résolument pro-européenne. Il considère que sa victoire présidentielle ferait s'effondrer ensuite le parti d'extrême droite. Mais le plus grand défi d'Emmanuel Macron sera la bataille des élections législatives pour laquelle une majorité de centre-gauche et centre droit ne lui est pas acquise. « Notre logique est désormais celle du rassemblement que nous poursuivrons jusqu'aux élections législatives », a-t-il encouragé, se faisant le héraut du « désir de renouvellement » exprimé dimanche, selon lui, par les électeurs. Pour Marine Le Pen, le plus dur reste à venir Le Front national, comme l'a souligné Marine Le Pen, a enregistré hier soir un score « historique ». Mais comme en 2002, il voit se constituer contre lui un front républicain rendant plus délicate une victoire au second tour. Marine Le Pen a gagné son premier pari : se qualifier au second tour de l'élection présidentielle, même si elle n'est finalement pas en tête. Comme son père, Jean-Marie Le Pen, en 2002. Pour elle, le plus dur reste néanmoins à venir. « Je lance un appel à tous les patriotes, d'où qu'ils viennent », a lancé la candidate d'extrême droite après l'annonce des résultats. Insistant : « Le grand débat va enfin avoir lieu ! ». De fait, son projet anti-libéral et de rupture avec l'Union européenne est aux antipodes de celui d'Emmanuel Macron. Marine Le Pen devra toutefois décider si elle cherche avant tout à s'adresser aux électeurs libéraux-conservateurs de François Fillon, en jouant la droite contre la gauche, ou aux électeurs antilibéraux de Jean-Luc Mélenchon, en jouant cette fois « le peuple » contre « le système », représenté à ses yeux par un ancien ministre de François Hollande. Reste que, sur le papier, la candidate d'extrême droite dispose d'une faible réserve de voix. Candidat le plus proche sur la question européenne, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan a indiqué hier soir qu'il dévoilerait son choix pour le second tour « en début de semaine ». Il n'a toutefois obtenu qu'environ 5 % des suffrages exprimés et est gêné par les racines anti-gaullistes du FN. Eliminée, la droite devra conserver son unité La droite connaît pour la première fois le même sort que la gauche en 1969 et en 2002 : l'élimination d'une élection présidentielle dès le premier tour. La primaire organisée en novembre 2016 par Les Républicains avait pourtant semblé ouvrir un boulevard électoral jusqu'à l'Elysée à François Fillon. C'est donc une défaite personnelle pour le vainqueur de la primaire, qui a chuté dans les sondages après sa mise en examen (soupçons d'emplois fictifs de son épouse) et les révélations sur son rapport non distancié à l'argent. « J'assume mes responsabilités, a-t-il immédiatement réagi. Cette défaite et la mienne ». L'urgent pour sa famille politique est maintenant de conserver son unité. « Ne vous dispersez pas, rester unis, restez déterminés », a d'ailleurs insisté François Fillon en mettant le cap sur les législatives. Les deux candidats qualifiés au second tour, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, partagent en effet la même ambition de recomposer l'offre politique, avec pour conséquence un éclatement du PS et de la droite LR-UDI. Mais dans l'immédiat, comme beaucoup de ténors de son parti – comme Gérard Larcher (président du Sénat), Christian Estrosi ou François Baroin –, François Fillon a appelé à voter « en faveur d'Emmanuel Macron ». À travers Benoît Hamon, le lourd échec du PS Arrivé en cinquième position avec 6,1 % à 6,8 % des suffrages exprimés, selon les instituts de sondage, Benoît Hamon enregistre une lourde défaite personnelle, dont il a aussitôt assumé « pleinement la responsabilité ». Mais le résultat du candidat socialiste – en dessous de la barre des 10 % – est avant tout une cinglante déroute électorale pour le PS, au terme du quinquennat de François Hollande. Il s'agit du pire score recueilli par un candidat socialiste, après l'élimination de Lionel Jospin de la présidentielle de 2002. Sans se défausser sur « les circonstances du quinquennat ni les trahisons », Benoît Hamon a admis une « sanction historique, légitime » à l'égard du PS. Sans surprise, le député des Yvelines a appelé à « battre le plus fortement et le plus puissamment possible le Front national en votant pour Emmanuel Macron, même si celui-ci n'appartient pas à la gauche et n'a pas vocation à la représenter demain ». De fait, Benoît Hamon n'a jamais tiré profit de la dynamique créée par son élection à la primaire à gauche, face à Manuel Valls. Issu des rangs de l'aile gauche et des frondeurs, minoritaires au PS, il s'est trouvé concurrencé par l'expérience de Jean-Luc Mélenchon sur le terrain de l'autre gauche. Jean-Luc Mélenchon échoue à imposer une autre gauche Jean-Luc Mélenchon ne voulait pas valider hier soir son score sur « la base des sondages » tant que les résultats des grandes villes n'étaient pas connus. Cependant, une chose était acquise : le candidat de La France insoumise ne figurera pas au second tour de l'élection présidentielle. Crédité de 19 % à 20 % des suffrages exprimés selon les estimations, il était au coude-à-coude avec François Fillon. Jean-Luc Mélenchon a perdu son pari d'imposer une gauche alternative, de réaliser en France une sorte de mariage entre Syriza et Podemos, ces formations grecque et espagnole contre l'austérité européenne. Pourtant, il pensait pouvoir créer la surprise au terme d'une campagne aussi ébouriffante que méticuleuse. Sa percée était en germe depuis sa première campagne présidentielle en 2012, où il avait obtenu 11,1 % des voix, en quatrième position derrière Marine Le Pen. Depuis cette époque, il poursuit l'ambition de modifier le centre de gravité de la gauche qu'il a toujours jugé trop social-démocrate ou social-libéral. Sans réussite jusqu'alors. Plus de 50 % des suffrages exprimés sont nécessaires pour remporter l'élection.