Les nominations opérées après une difficile restructuration de l'exécutif témoignent de l'influence prépondérante d'Aziz Akhannouch sur l'équipe gouvernementale. Une réorganisation qui oscille entre fidélité partisane, intérêts économiques et compétences réelles. Alors que des proches du chef du gouvernement ont accédé à des postes clés, la question de l'équilibre entre mérite et proximité personnelle soulève des interrogations majeures quant à l'avenir de l'action de l'appareil ministériel. Les récentes nominations au sein du gouvernement marocain, consécutives à une restructuration très difficile pointe l'emprise marquée d'Aziz Akhannouch, patron du Rassemblement national des indépendants (RNI, majorité). Les débats interrogent les qualifications de certains ministres et leur capacité à répondre aux défis des départements qu'ils ont pris en charge. Le cas de Saâd Berrada, à la tête du ministère de l'éducation nationale, est emblématique. Issu du secteur privé, et plus précisément d'Afrique Gaz, filiale du groupe Akwa détenu par Akhannouch, Berrada n'a, a priori, pas d'expérience dans le domaine qu'il chapeaute désormais. Or, les défis actuels – incluant la réforme des programmes, la lutte contre l'abandon scolaire et l'amélioration de la qualité de l'enseignement – nécessitent une expertise spécifique. Aziz Akhannouch est accusé par l'opposition de privilégier des nominations issues de son cercle personnel et professionnel, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la gestion des affaires publiques particulièrement dans les secteurs complexes. Outre la compétence, la question de la loyauté partisane et des intérêts économiques est également centrale dans les nominations du 23 octobre. Amine Tahraoui, nommé ministre de la santé, illustre bien cette logique de proximité. Ancien directeur dans des entreprises liées au groupe Akwa et proche conseiller d'Akhannouch au ministère de l'agriculture, Tahraoui se retrouve dans une fonction particulièrement stratégique en pleine réforme du système de santé, dans un contexte post-pandémique. Les acteurs du secteur redoutent que des intérêts économiques peuvent interférer avec les décisions politiques, en particulier dans des dossiers cruciaux comme la protection médicale généralisée ou la régulation des industries pharmaceutiques. «L'absence d'un véritable débat sur les conflits d'intérêts potentiels soulève des questions sur la transparence et la responsabilité dans le processus de nomination. Le recours systématique à des proches du cercle économique d'Akhannouch pour occuper des positions gouvernementales clés pourrait à terme affaiblir les mécanismes de contre-pouvoir démocratique, où les compétences et l'indépendance politique devraient primer», confie à Barlamane.com un pilier de l'opposition. La représentativité féminine toujours insuffisante La représentation des femmes dans le gouvernement remanié ne dépasse pas 20 %, cela reflète une problématique plus vaste liée à la représentation des femmes dans les postes décisionnels au Maroc. Trois nouvelles femmes seulement ont rejoint l'équipe gouvernementale, bien que le Maroc soit signataire de plusieurs conventions internationales sur la parité. Cela démontre que les hautes sphères politiques ne parviennent toujours pas à atteindre une proportion significative de femmes dans des rôles pionniers. «Cette sous-représentation pourrait s'expliquer par le manque de volonté au sein des partis dominants comme le RNI ou le PAM pour renforcer la place des femmes où les équilibres internes des partis et les intérêts étroits demeurent prioritaires», nous confie la même source. Pour elle, «le fait qu'Akhannouch ait réussi à placer plusieurs de ses proches à des postes stratégiques suscite des inquiétudes quant à la dilution des contre-pouvoirs et à la montée en puissance d'une certaine forme d'oligarchie», notant que «l'absence d'indépendance des ministres peut compromettre la capacité de l'exécutif à prendre des décisions au nom de l'intérêt général», une critique toujours récurrente. Par ailleurs, en renforçant son emprise sur des secteurs-clés, Akhannouch pourrait également encourager des tendances «clientélistes», où les nominations sont plus fondées «sur la fidélité que sur la compétence. Ce modèle risque à terme de miner la confiance du public dans les institutions politiques en renforçant l'idée que le gouvernement sert avant tout les intérêts d'une élite restreinte», conclut la même source.