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Lahcen Mahraoui, ambassadeur du Maroc en Irlande : « ma mission est d'établir des liens d'amitié avec la population et créer des ponts entre les deux pays »
Martin Brennan de Twilight Community Group a rencontré l'Ambassadeur du Maroc en Irlande, M. Lahcen Mahraoui, il y a quelques jours pour un entretien sur son travail ainsi que sur le poste d'ambassadeur de façon générale. D'emblée M. Brennan s'intéresse au titre d'ambassadeur et à la responsabilité qui lui incombe ainsi qu'à la personne qui est derrière cette fonction, sa perception personnelle des choses, son style et son éducation qui impactent sa manière de travailler. Martin Brennan note tout d'abord que la communauté marocaine grandit en Irlande et interroge M. Lahcen Mahraoui sur l'éducation au Maroc. L'ambassadeur a tout d'abord précisé que dans la diaspora marocaine, issue d'un Etat qui a une existence de 12 siècles, chaque Marocain est ambassadeur de son pays, car il partage avec les habitants du pays d'accueil sa civilisation ancestrale. Quant à l'éducation, M. Lahcen Mahraoui a souligné qu'elle dépend de la zone géographique, en commentant qu'il vient du Sahara, une région désertique au Sud du Maroc : « Ainsi dans les villes du Sud, comme Laayoune et Dakhla, l'éducation est différente de Tanger, située à 14 km de l'Espagne. Mais nous sommes tous Marocains, nous partageons les mêmes sentiments et la même éducation, fiers de nos origines et de notre pays. Le Maroc est une passerelle et un carrefour de civilisations entre l'Europe et l'Afrique. Le fait d'être à quelques encablures de l'Europe, tout en étant situé en Afrique et ancré dans le monde arabe, confère au Maroc un cachet spécial, avec un mélange de cultures, de religions (Islam, Christianisme, Judaisme), où notre roi est le commandeur de tous les croyants, ce qui se traduit par une égalité des religions ». Tourisme, échanges entre chambres de commerce et de l'industrie Irlande-Maroc, établissement de la compagnie irlandaise Ryanair au Maroc, sont ensuite les sujets auxquels s'est intéressé Martin Brennan. Tout en évoquant la toute dernière desserte Agadir-Dublin de Ryanair, après Marrakech-Dublin, l'ambassadeur a relevé les points qui rapprochent Irlandais et Marocains dont l'amour de la gastronomie marocaine, du climat clément, de l'humour ainsi que la curiosité de la culture de l'autre. Concernant le Maroc, M. Lahcen Mahraoui recommande le circuit touristique des villes impériales pour apprendre à le connaître. Certain de l'intérêt que les Irlandais y porteront car les deux pays étant connus pour la diversité de leurs paysages, leurs habitants ont une inclinaison particulière pour découvrir différents types de tourisme et d'activités. Chose qui est aisée puisque seulement trois heures de vol séparent les deux pays. « Etant ici depuis 5 ans, je sais que les Irlandais se sentiront comme à la maison au Maroc », assure l'ambassadeur. Martin Brennan a, en outre, mis en exergue la mise en contact des deux villes Kilkenny et Tiznit à travers un groupe d'amitié, en 2016-2017, appuyant le fait que rassembler les communautés était une action chère à l'ambassadeur. Ce que l'ambassadeur a commenté en affirmant que sa mission consistait à établir des amitiés avec la population et à créer des ponts, à Kilkenny certes, mais aussi avec toute l'Irlande. S'agissant des ponts, M. Lahcen Mahraoui a évoqué ceux qui se rapportent à l'éducation à travers les universités des deux pays, et à la culture entre villes, tout en rappelant que Tiznit et Kilkenny sont des villes de même taille et se trouvent à une heure du chef-lieu de leur circonscription, soit Agadir et Dublin. M. Lahcen Mahraoui a, par ailleurs, souligné que « la pierre angulaire de ces échanges entre villes, c'est l'établissement de ponts de commerce dans toute la région de Kilkenney et toute la région de Tiznit, pour que chacun puisse trouver l'activité qui l'intéresse dans divers secteurs comme le tourisme, la culture, le sports et toute sortes de commerces. En y réussissant nos équipes auront parachevé leur mission de créer ces ponts et d'approfondir ces relations. Car en réfléchissant de manière locale et en travaillant de manière locale, on agit de manière globale». Continuant sur une note plus personnelle, Martin Brennan a questionné l'ambassadeur sur le chemin à prendre pour devenir diplomate. Ce à quoi, M. Lahcen Mahraoui a répondu : « Je pense qu'on nait tous diplomates. Pour ma part, je suis né dans une famille qui m'a inculqué des idéaux et des principes. Mon parcours scolaire, du Sahara à l'université à Paris, m'a beaucoup appris, m'a permis de me mettre en relation avec des gens de différentes cultures qui m'ont construit. Après ma thèse de doctorat, j'ai eu envie de servir mon pays dans ce que je savais faire le mieux : dans la recherche et le développement. J'étais également impliqué dans des ONG. Être au service de gens dans le besoin a donné un sens à ma vie et m'a aidé. Le Maroc offre la possibilité des gens de l'extérieur du circuit diplomatique, comme moi, d'intégrer la diplomatie. Cela donne une autre dimension, vision à la diplomatie. Pour ma part, je réfléchis en dehors des sentiers battus. En fait, tout ce que je fais c'est de penser aux manières de laisser une empreinte de manière durable entre les deux pays, au bénéfice des deux pays. L'un des achèvements réalisés, c'est l'établissement d'une nouvelle ambassade d'Irlande au Maroc. Mon collègue irlandais a présenté ses lettres de doléance au ministre des Affaires étrangères marocain, il y a quelques jours [NDLR : le 13 octobre] et il est ravi. Au cours de ces cinq ans passés en Irlande, j'ai appris qu'on a besoin de deux mains pour applaudir. Le fait qu'il y ait deux ambassades de part et d'autre, est prometteur pour nos deux pays ». Dans ce contexte, Martin Brennan a demandé à l'ambassadeur si le fait d'être recruté hors du circuit diplomatique ou politique prévalant, est particulier au Maroc. « Non. Mais me concernant, je réfléchis de manière particulière et ce qui importe à mon roi c'est le renforcement des relations entre nos deux pays. J'ai dans ce sens, la liberté de le faire comme je le sens ». Ainsi M. Lahcen Mahraoui explique qu'en arrivant en Irlande, il a d'abord observé comment fonctionne le pays, quels sont les centres d'intérêts des gens pour comprendre ce qui retiendrait leur attention à propos du Maroc : « A partir de là j'ai commencé à élaborer des stratégies. L'une des choses les plus importantes pour un ambassadeur c'est d'être en contact avec les gens pour apprendre à les connaître. Les Irlandais sont de gens brillants, curieux de la vie et des autres cultures, qui se plaignent du climat [sourires]. Ça m'a facilité la tâche ». La vie d'un ambassadeur, continue M. Lahcen Mahraoui, est en quelque sorte nomade. « Donc rien d'étranger à ma culture puisque je suis originaire du Sahara. Mes parents étaient nomades. Nous devions nous déplacer d'un endroit de sècheresse vers un autre point où il pleuvait. Le fait de me déplacer pour les besoins de ma scolarité du Sahara vers le nord du pays, puis de là vers la France, c'est aussi une sorte de nomadisme. Ensuite, le mélange dans ma famille avec des enfants nés d'un mon mariage mixte, mi-africains mi-européens, cela construit une personnalité sur une large éventail d'aspects culturels. Ce nomadisme hérité de mon enfance continue avec mon travail car la fonction même d'ambassadeur est de rester quelques années en poste pour repartir ailleurs. Ce qui importe, c'est ce que les ambassadeurs laissent derrière eux ». Avant de clore l'entretien, Martin Brennan a demandé à Lahcen Mahraoui de citer une seule réalisation qu'il serait heureux d'évoquer le jour où il aura à quitter l'Irlande pour un autre pays. Ce à quoi l'ambassadeur a répondu : « la diplomatie des gens pour les gens. Quand vous prenez du plaisir à rencontrer la population issue d'un autre pays, quand vous prenez du plaisir à aller de Kikenney à Tiznit, et de Tiznit à Kikenney, quand les équipes continuent à faire pour d'autres villes et régions ce qui a été fait pour les relations Tiznit-Kikenney, c'est cela le legs que vous laissez ».