Tombouctou est symbolique à plus d'un titre : Elle est symbole de l'islamisation de cette partie de l'Afrique, symbole de la vie culturelle et cultuelle de l'Afrique noire qui a tissé de belles relations avec sa consœur, Fès. Symbole aussi de la spiritualité et de la foi musulmane telle qu'elle est parvenue au Mali par le biais du Maroc, au fil des siècles. Un voyage culturel au cœur de Tombouctou offre l'occasion de s'enquérir de cette présence marocaine et d'évoquer les destins des hommes et femmes qui ont joué un rôle, minime, soit-il, dans l'épanouissement de cette Ville ouverte, ville musulmane au rayonnement spirituel, culturel, scientifique et commercial. Le voyage doit évoquer également l'intérêt mêlé de curiosité que portait le Mali à l'apprentissage de la langue arabe et aux débats d'idées qui se sont instaurés entre les penseurs et écrivains marocains et leurs homologues maliens. Dès le 12ème siècle, avec la fondation de la première université, elle occupera une place de choix parmi les villes qui ont compté dans l'histoire de l'humanité. Investie par des groupes extrémistes en avril 2012, Tombouctou a été saccagée, violentée, détruite en partie. Des sacrilèges ont été commis : manuscrits précieux brûlés, tombeaux profanés et détruits. Et pour parler chiffres, ce sont plus de 200.000 livres et manuscrits précieux qui sont partis en fumée au mois de janvier 2020. Cette immense catastrophe est l'œuvre de meurtriers, des meurtriers de la religion, des meurtriers de la culture, des meurtriers de la mémoire collective des Africains et des musulmans. Ce sont des meurtriers des enfants descendants des oulémas, des prédicateurs, des théologiens et d'intellectuels de Tombouctou qui ont légué aux musulmans d'Afrique et d'ailleurs d'incommensurables manuscrits. La ville a offert sa généreuse hospitalité aux savants, généralement malékites d'origine marocaine, nourris par un islam extrêmement ouvert, éclairé et apaisé. Un islam dont profitaient tous les intellectuels de l'époque qui venaient de Tunisie, du Caire, mais aussi du Ghana et du Niger. Ils ont été plus de 25.000 à étudier dans les principales mosquées de Tombouctou. Pour les étrangers, Tombouctou était devenue légendaire car on n'avait jamais compris pourquoi c'est la seule ville en Afrique qui a permis de phosphorer cette effervescence. Artistiquement, intellectuellement et commercialement aussi, parce qu'elle était également un Centre où florissait le commerce du sel et de l'or. Tombouctou n'as pas seulement produit des oulémas de renom, mais aussi de centaines de milliers de documents de mathématiques, d'astronomie et d'autres sciences qui ont défini de manière incontestable le savoir africain. Ceux qui projettent, planifient et commettent aujourd'hui des attentats contre la cité des 333 saints au nom de l'islam, sont en conflit avec l'islam. Leur obstination à vouloir détruire tout ce qui va à l'encontre de leur vision religieuse est horrible. Car rien dans l'islam ne justifie ni ne commande cette barbarie. L'islam que Tombouctou essaie de vivre est fait d'amour et de fraternité. Un islam de tolérance où les non-musulmans ont aussi leur place. Un islam rayonnant aussi bien dans les domaines de la littérature et des arts que dans celui de la science et de la médecine. Et c'est fort de cela que la mobilisation pour la reconstruction de Tombouctou la mystérieuse, Tombouctou la martyre, Tombouctou la musulmane classée patrimoine mondial de l'UNESCO en 1988, s'impose. La ville doit retrouver ses traces de spiritualité et de stabilité. Car ce qui s'est effondré au Mali aussi, c'est cette expérience démocratique née avec les années 1990.