Le programme du gouvernement pour la période 2021-2026 repose sur 10 engagements à forte teneur sociale. Parmi ces engagements, on compte la création d'au moins un million de postes d'emploi nets au cours des 5 prochaines années, l'augmentation du taux d'activité des femmes à plus de 30% au lieu des 20% actuelles ainsi que la réduction des disparités sociales et territoriales à moins de 39% au lieu de 46,4% selon l'indice de Gini ( mesure statistique permettant de rendre compte de la répartition d'une variable au sein d'une population). Devant les membres des deux chambres du parlement, le chef du gouvernement a expliqué que les montants des investissements alloués à ce programme seront détaillés dans le projet de loi de finances 2022, dont la présentation est prévue pour cette semaine. A en croire le programme électoral du RNI, le coût additionnel des réformes s'élève à 270 milliards de dirhams sur 5 ans, et se traduit par une moyenne de 54 milliards par an. Ce qui pousse à se demander comment ce programme pourra-t-il être financé, sachant que le nouveau gouvernement table sur un maintien des équilibres macroéconomiques, avec un objectif affiché d'atteindre le déficit budgétaire entre 3,5 et 3,8% à l'horizon 2026, contre plus de 6% actuellement. L'enseignant-chercheur directeur du groupe de recherche géopolitique et géo-économique de l'ESCA, Nabil Adel, juge cela paradoxal et estime que la conséquence de ce programme budgétivore se résoudrait à accepter les déficits pendant un certain temps. Il ajoute que « si on se dit que la croissance de l'économie nationale va financer ces investissements, il faut étaler ces dépenses dans le temps », rapporte Telquel. Selon l'économiste Najib Akesbi, « si on retient la thèse, par ailleurs discutable, que s'il y'a de la croissance, la recette fiscale s'élargit et donc les ressources fiscales s'améliorent, le taux de croissance du PIB fixé par le gouvernement à 4% reste insuffisant pour atteindre cet objectif ». La même source estime que contrairement aux prévisions du nouveau modèle de développement qui tablaient sur une croissance moyenne annuelle de 6%, le gouvernement lui, reste plus modeste et mise sur un objectif de taux moyen de 4%, alors même que la banque centrale prévoit un accroissement du PIB de 6,2% en 2021 et 3% en 2022. Pour leur défense, les députés de Akhannouch ont déclaré qu' «on pouvait très bien annoncer 7%, puis finir notre mandat avec 2%. Mais nous avons décidé d'être transparents avec nos concitoyens. Nous sommes dans une zone de risque, carte la pandémie est toujours présente. C'est pour cela qu'il faut rester prudent ». L'objectif de croissance demeure insuffisant pour assurer le financement des chantiers sociaux voulus par le nouveau gouvernement s'il ne s'accompagne pas d'une réforme fiscale à même d'assurer des ressources supplémentaires à l'état. Ceci dit, le volet fiscal n'est pas abordé dans le programme gouvernemental, et le chef du gouvernement s'est contenté d'affirmer devant le parlement qu' « on va augmenter les recette et que les gens doivent comprendre qu'ils doivent d'acquitter de leurs impîts, et plus particulièrement les entrepreneurs et les commerçants ». En juillet dernier, la loi-cadre n°69-19 a été adoptée. Elle constituera le référentiel encadrant la politique de l'état en matière de réforme fiscale. Quant au NMD, il recommande de « mobiliser le plein potentiel fiscal pour être en mesure de financer les politiques publiques et les investissements de long terme tout en préservant les équilibres macroéconomiques et en tenant compte les contraintes de compétitivité fiscale ». Selon la même source, cela passera par l'élargissement de l'assiette fiscale en augmentant la taille de la population fiscale et en soumettant tous les assujettis à l'impôt à l'acquittement de leurs obligations, en intégrant les activités à faible revenu et le petit informel, en luttant contre les pratiques d'évasion et de fraude fiscales, en mobilisant davantage la fiscalité au service de la solidarité sociale, et allouer une partie des recettes fiscales de la TVA au financement de la protection sociale. Pour ce qui est de la croissance économique, le programme gouvernemental ambitionne de créer au moins un million de postes d'emploi nets au cours des 5 prochaines années, à cela s'ajoutent 250 000 contrats à durée déterminée à mobiliser pour des petits et grands chantiers au niveau des collectivités territoriales, à partir de 2022 et sur une période de 2 ans. A noter qu'entre 2015 et 2019, l'économie marocaine a créé une moyenne de 23 000 emplois par point du PIB. Selon cette logique, 4% de croissance du PIB devrait créer 92 000 emplois projetés. « Cette corrélation n'est pas correcte », tranche Akhannouch. Il donne pour exemple l'année 2016 « où on a réalisé 1,1% de croissance et malgré cela perdu 37 000 emplois, alors qu'en 2019, le PIB a connu un taux de 2,5% et créé 265 000 emplois ». Ce qui prouve, selon le chef du gouvernement, que « c'est la qualité de l'investissement qui détermine la création d'emplois ». « Lorsqu'on calcule une moyenne de création d'emplois sur 5 ans, c'est qu'on restitue ces investissements qui ont produit ces emplois. Si le chef du gouvernement veut nous dire que les investissements de ces dernières années ont été non générateurs d'emplois, qu'il annonce clairement qu'il va changer de stratégie d'investissement dans son programme », laisse entendre Akesbi. Pour l'économiste abil Adel « Pour passer d'une de 20 000 à 200 000 emplois, c'est une révolution économique qu'il faut faire dans les institutions, dans le logiciel économique du Royaume, ce qu'on ne voit pas dans la déclaration gouvernementale ». Ce denrier souligne que « cela suppose des réformes radicales : aujourd'hui on a l'automobile et l'aéronautique comme métiers phares, demain il faut avoir 15 nouveaux métiers du genre qui démarrent en même temps pour atteindre cet objectif ». Avec le PLF 2022, les prochaines semaines révéleront les véritables stratégies de l'Exécutif, pour coller à la fois au NMD et aux orientations des 3 parties composant la majorité.