Plus de 20 000 cas quotidiens, dix fois plus qu'il y a un mois : les contaminations à la Covid-19 explosent en France à cause du variant Delta. Reste à savoir dans quelles proportions cela se répercutera sur l'hôpital et les réanimations. «L'impact sur le système de soins est la vraie question, la seule question», a assuré le président du Conseil scientifique qui guide le gouvernement, Jean-François Delfraissy, jeudi au Sénat lors de l'examen de la loi sur l'extension du passeport sanitaire. Jugé 60 % plus transmissible que le variant Alpha, son prédécesseur, le variant Delta cause actuellement une explosion des cas, à tel point que le gouvernement parle désormais de quatrième vague. Sur les sept derniers jours, on a enregistré en moyenne près de 12 000 nouveaux cas quotidiens (dont 21 000 mercredi), contre moins de 2000 fin juin. «Nous avons une augmentation de la circulation du virus de l'ordre de 150 % sur une semaine : nous n'avons jamais connu cela» depuis le début de la pandémie, s'est alarmé mardi le ministre de la santé, Olivier Véran. Pour l'instant, les chiffres d'hospitalisation pour Covid-19 sont toujours en baisse (moins de 7 000, dont moins de 900 en services de réanimation). C'est logique, puisqu'il y a un délai entre la détection d'un cas et l'éventuelle hospitalisation du patient. Mais cela pourrait changer bientôt, craignent les autorités. «Courbe de montée» «La baisse s'est ralentie, et dans cinq régions – notamment celles du sud –, on voit qu'il commence à y avoir une augmentation du nombre de patients en réa», a souligné M. Véran jeudi devant les sénateurs. Sur les sept derniers jours, 1550 malades de la Covid-19 ont été hospitalisés, dont près de 300 dans les services de réa (contre respectivement 750 et 150 deux semaines auparavant). Or, c'est pour éviter que l'hôpital et les réas soient débordés que des mesures de restriction avaient été imposées lors des autres vagues, à commencer par le confinement historique de mars 2020. Un facteur a changé la donne : la vaccination. Elle réduit le risque d'infection, même avec le variant Delta, et, plus encore, celui de faire une forme grave de la maladie. Les vaccins garantissent donc qu'un certain nombre de contaminations ne se transformeront pas en hospitalisations. Mais Delta est si contagieux que cela pourrait ne pas suffire, soulignent les scientifiques. «Imaginons qu'il y ait cinq fois moins d'hospitalisations (parmi les contaminés par rapport aux variants précédents, NDLR) : rien n'exclut qu'avec ce variant très contagieux, nous ayons cinq fois plus de contaminations qu'avec les virus précédents. Auquel cas, nous pourrions avoir une vague équivalente», a redouté Olivier Véran. Les autorités craignent une répétition du scénario de l'été 2020 : des contaminations qui commencent par les jeunes (ce qui est en train de se produire) puis se propagent aux plus âgés et fragiles, avec à la clé une hausse des hospitalisations, en particulier chez les non-vaccinés. Craintes pour fin août La France surveille donc ce qui se passe dans les pays où Delta a quelques semaines d'avance. «En Angleterre, on voit une augmentation du nombre d'hospitalisations, qui ne sont pas pour l'instant des hospitalisations en réanimation parce que les vaccins protègent contre la survenue de formes graves», a indiqué le Pr Delfraissy. Selon lui, le Royaume-Uni devrait atteindre «1 500 hospitalisations par jour à partir du milieu de la semaine prochaine». Toutefois, les Britanniques (et en particulier les plus âgés) sont plus vaccinés que les Français : plus des deux tiers de la population adulte le sont complètement au Royaume-Uni, contre moins de la moitié en France. D'où le tour de vis annoncé le 12 juillet par Emmanuel Macron, avec l'extension du passeport sanitaire. Par ailleurs, «en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas, pour l'instant, la charge de soins n'augmente pas beaucoup, même si elle augmente», selon M. Véran. En tenant compte de tous ces paramètres, le Pr Delfraissy appréhende «une situation complexe, très complexe» dans les hôpitaux français pour la deuxième quinzaine du mois d'août. Un timing estival qui serait doublement problématique, a prévenu le ministre : «C'est le mois le plus difficile pour organiser les hôpitaux, ce qui rajoute de la complexité à la complexité».