Le président américain Joe Biden n'a pas encore pris position sur le dossier du Sahara. Mais pour Ilan Berman, la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur ce territoire ne doit en aucun cas être remise en cause, tant les enjeux géopolitiques et les incursions étrangères sont immenses. La déclaration publiée le 10 décembre 2020, où les Etats-Unis «reconnaissent la souveraineté marocaine sur l'ensemble du territoire du Sahara», tout en estimant «qu'un Etat sahraoui indépendant n'est pas une option réaliste pour résoudre le conflit» ne saurait être dissociée des énormes enjeux géopolitiques liés à l'évolution de la configuration régionale, au moment où la question du Sahara est placée au centre des luttes d'influence. Les accusations à l'encontre de l'Iran, soupçonné par Rabat d'avoir facilité une livraison d'armes aux séparatistes du Polisario par l'intermédiaire du mouvement chiite libanais Hezbollah, et avec la complicité de l'Algérie voisine, refont surface. «Alors que l'administration Biden se concentre sur une diplomatie nucléaire renouvelée avec l'Iran, elle court le risque de rater des signes clairs que le régime iranien intensifie son activisme dans un théâtre stratégique crucial: l'Afrique du Nord» a affirmé Ilan Berman, vice-président du très influent American Foreign Policy Council, groupe de réflexion américain sur la politique étrangère à Washington, DC, dans une tribune publiée sur le site National Interest. Les «ingérences» iraniennes dans les affaires des pays d'Afrique du Nord et son ambition de répandre le «terrorisme» en soutenant des groupes extrémistes doivent pousser Washington à soutenir et à appuyer l'intégrité territoriale marocaine, avance M. Berman. «Avec un examen des Etats-Unis la politique à l'égard de la nation nord-africaine est en cours, avec les troubles en cours dans la Libye voisine et l'instabilité croissante dans la région adjacente du Sahel, le programme stratégique marocain est déjà assez chargé. Les décideurs politiques à Rabat surveillent de près sur ce qu'ils considèrent comme une offensive stratégique iranienne sur le continent» écrit M. Berman dans une tribune publié dans le site National Interest. «Il n'est plus exact de parler simplement de l'Iran en Afrique de l'ouest», rapporte la même source citant un haut fonctionnaire marocain. Le Maroc, qui entretient d'étroites relations avec les Etats-Unis, a annoncé en mai 2018 rompre ses relations diplomatiques avec Téhéran, le ministre des affaires étrangères, Nasser Bourita, accusant l'Iran de livrer des armes aux séparatistes. Le régime iranien, détaille M. Berman, «est en train de construire une présence régionale soutenue via la création de centres culturels et de contacts informels à travers le continent, tirant parti de la diaspora libanaise significative – et sympathique – qui disséminée dans divers pays africains». Selon lui, «il existe également des preuves crédibles que l'Iran trempe avec des groupes régionaux radicaux. Des délégations se sont rendues au Liban pour suivre des formations, ont déclaré des experts en sécurité. De même, l'Iran a désormais une présence significative en Mauritanie et en Tunisie». Qu'est-ce qui motive le nouvel activisme iranien? «Les responsables marocains soulignent un certain nombre de facteurs. Le premier est l'opportunisme stratégique, alors que le continent africain prend une importance économique et politique mondiale. Le second est un effort du régime pour alléger le poids des sanctions américaines contre lui. Troisièmement, et peut-être le plus inquiétant dans un contexte local, c'est que l'Iran s'est beaucoup plus intéressé à l'Afrique depuis le meurtre du commandant de la Force Qods du CGRI, Qassim Suleimani, en janvier 2020 – augmentant les craintes parmi les responsables locaux que Téhéran pourrait éventuellement exiger des représailles en ciblant les Etats-Unis intérêts ou alliés sur le continent» détaille M. Berman. Le Maroc avait déjà rompu ses relations avec l'Iran, début 2009, en dénonçant notamment un «activisme» religieux de Téhéran dans le royaume, avant de les rétablir en 2014 pour les suspendre encore une fois quatre ans après. «Rabat a intensifié ses efforts pour surveiller les activités de l'Iran et celles de son principal mandataire, le Hezbollah. L'objectif souhaité par la République islamique, les responsables marocains en sont convaincus, est double: consolider le contrôle sur les musulmans chiites du continent et utiliser cette cohorte comme un levier politique pour façonner la politique régionale et créer une capacité opérationnelle latente à travers laquelle elle peut exercer des représailles contre les Etats-Unis» précise la même source. Pour l'administration Biden, l'avertissement sur les activités malveillantes de l'Iran est sérieux. Le régime radical de l'Iran «prépare une présence africaine capable de menacer l'Amérique et ses partenaires locaux» conclut M. Berman.