Ammar Belhimer, le ministre algérien de la communication, a invité le diplomate à s'abstenir de rencontrer des opposants hostiles au régime en place. À Paris, les voix s'élèvent en faveur des Algériens qui occupent les rues de toutes les villes du pays pour réclamer le départ de la caste en place depuis l'indépendance. La France a déploré, lundi 12 avril, les critiques et menaces du gouvernement algérien à l'encontre de son ambassadeur, qui ne reflètent pas, selon elle, la «qualité» des relations bilatérales. Mais à Paris, la conscience que les manifestants antirégime se sont affirmés en puissance de proposition pour instituer un rapport de force dans la durée avec le commandement militaire et politique algérien augmente. Interrogé par le journal en ligne Arabic Post sur le fait que l'ambassadeur de France en Algérie, François Gouyette, rencontrait fréquemment des chefs de partis politiques, le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement algérien, Ammar Belhimer, a invité à mots couverts le diplomate à s'abstenir de rencontrer des opposants favorables à une transition démocratique, comme le préconise depuis deux ans le mouvement de protestation populaire du Hirak. «Je crois que l'ambassadeur de France ne ratera pas ces précieuses opportunités grâce à sa grande expérience et sa connaissance des limites et des règles de la pratique diplomatique, notamment en Algérie, qui, le cas échéant, n'hésitera pas à prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation», a averti M. Belhimer, selon le site arabophone. M. Belhimer, un ex-journaliste de 65 ans, diplômé en droit d'une université française, est coutumier des déclarations critiques à l'encontre de la France. «Nous déplorons ces différentes déclarations, qui ne reflètent ni la qualité de nos relations bilatérales, ni la dynamique de leur renforcement, soutenue au plus haut niveau par les autorités de nos deux pays», a répliqué la porte-parole du ministère français des affaires étrangères. Elle n'a toutefois pas précisé si le ministère avait protesté officiellement auprès des autorités algériennes. Ces propos du porte-parole gouvernemental sont intervenus juste après le report d'un déplacement du premier ministre français, Jean Castex, prévu dimanche dernier à Alger, les autorités algériennes ayant jugé le format de la délégation française trop réduit par rapport aux enjeux de cette visite. Un comité LRM au Sahara C'est dans ce contexte que le nouvel ambassadeur d'Algérie en France, Mohamed-Antar Daoud, a remis lundi ses lettres de créance au président Emmanuel Macron, dans une atmosphère qualifiée de positive par les deux parties. «Il faut apaiser tout cela», avait déjà insisté dimanche le secrétaire d'Etat français aux affaires européennes, Clément Beaune, après qu'un ministre algérien eut qualifié la France, ex-puissance coloniale, d'«ennemi éternel». L'ouverture d'un comité du parti présidentiel La République en marche (LRM) à Dakhla, au Sahara marocain, a par ailleurs suscité des interrogations en Algérie, qui soutient les séparatistes du Polisario. Interrogé sur ce point, le ministère français des affaires étrangères a botté en touche. «La France soutient les efforts du secrétaire général des Nations unies en faveur d'une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies», a rappelé sa porte-parole. De son coté, la direction de la LRM a laissé entendre qu'elle ne reviendrait pas sur cette décision qui relève, selon elle, d'une «initiative locale». «Le comité local de Dakhla a été créé sur une initiative locale pour les Français résidents dans cette ville», a-t-on fait remarquer au siège du parti à Paris. «Il n'y a pas de changement, à ma connaissance», a souligné un des signataires du communiqué à l'origine de cette création, Jaoued Boussakouran, rappelant que le comité avait été instauré après un vote «unanime» du bureau politique de LRM au Maghreb et en Afrique de l'Ouest, avec «bien sûr» l'aval du bureau politique de LRM à Paris.