Cette femme de 30 ans originaire d'Edaga Hamus, dans son lit d'hôpital à Mekele, le 27 février 2021, qui a été soignée après avoir été violée trois fois par des groupes de soldats érythréens et éthiopiens. Les cas de viols collectifs font partie des violences servant à terroriser les populations et forcer des déplacements. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a dénoncé mercredi pour la première fois des «actes de nettoyage ethnique» au Tigré, région d'Ethiopie où Addis Abeba a lancé une opération militaire contre le pouvoir régional. Lors d'une audition parlementaire, il a estimé que les forces sur place devaient «s'abstenir de violer les droits humains des habitants du Tigré ou de commettre des actes de nettoyage ethnique comme nous en avons constatés dans le Tigré occidental». Le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix 2019, a lancé début novembre une opération militaire pour renverser les autorités du parti au pouvoir dans la région, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qu'il accusait d'avoir attaqué des bases de l'armée fédérale. Il s'est appuyé sur les forces régionales venues d'Amhara, une région qui borde le Sud du Tigré, pour sécuriser de vastes zones après le retrait du TPLF. Les troupes de l'Erythrée voisine, autre ennemi juré du TPLF, ont visiblement aussi eu un rôle prépondérant dans les combats et elles sont accusées d'avoir perpétré des massacres de civils. «Cela doit cesser» «Je comprends tout à fait les inquiétudes que le premier ministre avait au sujet du TPLF et de ses actes, mais la situation au Tigré est aujourd'hui inacceptable et doit changer», a déclaré Antony Blinken. Il a évoqué deux «défis» en matière de sécurité : la présence de forces venues d'Erythrée et d'Amhara, qui «doivent partir», et les violations des droits humains par les forces déployées au Tigré. «Cela doit cesser», a-t-il martelé, réclamant à nouveau une «enquête indépendante» et un «processus de réconciliation». Il avait déjà demandé au premier ministre éthiopien la semaine dernière d'autoriser une enquête internationale, évoquant à ce moment-là des «informations crédibles faisant état d'atrocités». Fin février, le quotidien New York Times avait affirmé qu'un rapport interne du gouvernement américain avait qualifié de «nettoyage ethnique» les violences dans l'ouest du Tigré. La haute-commissaire de l'ONU aux droits humains, Michelle Bachelet, a accusé la semaine dernière l'armée érythréenne d'atrocités au Tigré et a demandé une «enquête objective et indépendante», après avoir «corroboré de graves violations» susceptibles de constituer des «crimes de guerre et des crimes contre l'humanité». Des organisations indépendantes de défense des droits humains ont fait état d'accusations similaires. Addis Abeba et Asmara, qui se sont affrontés dans un sanglant conflit entre 1998 et 2000 avant de se rapprocher à l'initiative d'Abiy Ahmed, ont rejeté les accusations d'atrocités. Le secrétaire d'Etat a également réclamé mercredi un accès humanitaire sans entrave dans la région. «Le premier ministre Abiy était un dirigeant qui suscitait l'enthousiasme et qui a gagné le prix Nobel de la paix. Maintenant il doit réagir et faire en sorte que son propre peuple, au Tigré, reçoive la protection dont il a besoin et qu'il mérite», a-t-il insisté. Il a évoqué la nomination «dans les prochaines semaines» d'un émissaire américain pour la région de la Corne de l'Afrique, qui aura comme priorité la crise éthiopienne, mais aussi la dispute entre l'Ethiopie, le Soudan et l'Egypte au sujet du mégabarrage sur le Nil construit par Addis Abeba.