Jared Kushner, le conseiller principal du président américain a dirigé une délégation américano-israélienne le 22 décembre au Maroc afin de donner corps aux récentes décisions annoncées par le président Trump et le roi Mohammed VI. La symbiose Maroc-US, toutefois, ne date pas d'hier. Les relations avec Israël non plus. Retour sur l'aboutissement d'un long processus mené patiemment de main de maître. Le conseiller principal de la Maison Blanche, Jared Kushner, s'est déplacé mardi à Rabat à la tête d'une délégation américano-israélienne comprenant notamment Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale d'Israël, et ce pour des discussions sur l'accord de normalisation annoncé le 10 décembre relatif à la reconnaissance par Washington la marocanité du Sahara et à la normalisation des relations entre le Maroc et l'Etat d'Israël. La décision américaine, qui met le Maroc et les Etats-Unis sur la voie d'une réelle alliance, laquelle incarne «la réflexion de la force de conviction profonde et l'aboutissement d'intenses concertations entre les deux chefs d'État depuis plusieurs années», confessent des sources autorisées qui indiquent que les deux pays «déploient leur coopération stratégique dans le sens de la consolidation de l'interopérabilité entre les forces armées des deux pays. Cette interopérabilité s'est particulièrement renforcée, ces dernières années, à travers des manœuvres militaires conjointes adossées à une coopération militaire exemplaire.» La proclamation du président des États-Unis s'inscrit dans le cadre d'une décision souveraine, avec une force juridique et institutionnel inébranlables – quelle que soit d'ailleurs la tendance politique de l'occupant de la Maison Blanche – dont le premier acte fondateur fut la reconnaissance par le Sultan Mohammed III des États-Unis d'Amérique en 1777» détaillent nos sources. «Les deux nations se sont toujours retrouvées du même côté de l'histoire lorsqu'il s'agissait de barrer la route au nazisme lors de la seconde guerre mondiale, de faire face aux vicissitudes adverses de la guerre froide, ou tout récemment pour lutter de concert contre le fléau du terrorisme et de l'extrémisme violent», précisent nos sources, ajoutant qu'«en 2004, le Maroc à été désigné allié stratégique des Etats Unis hors Otan et se distingue comme étant l'unique pays africain à avoir conclu un accord de libre-échange avec les États Unis.» La proclamation présidentielle du 10 décembre «vient cimenter, affermir et donne un sens à toutes les expressions (lettres, communications, déclarations) faites par les plus hauts responsables américains durant les deux dernières décennies (en privé et en public)», rappellent nos sources. Plusieurs occurrences reflètent les profondeurs des liens US-Maroc, dont l'«Action Memorandum» ayant entériné le souhait de l'administration Clinton de poursuivre une solution politique négociée, fondé sur le compromis et se basant sur un plan d'autonomie large qui respecte la continuité de la souveraineté du Maroc. Alors qu'entre 2000 et 2003, «James Baker s'était engagé à suivre cette voie». En 2004, le président George W. Bush avait adressé une lettre au Roi Mohammed VI dans laquelle il avait salué et exprimé le «plein soutien des États-Unis à la proposition d'autonomie avancée par le Maroc.» En 2007, et à la suite de la présentation en avril de cette même année auprès de l'ONU du plan d'autonomie, les Etats-Unis ont multiplié les déclarations officielles de soutien. En juin 2008, le président W. Bush avait adressé une nouvelle lettre au souverain pour souligner que les Etats-Unis estiment «qu'un état indépendant n'est pas une option envisageable et réaliste» pour le différend sur le Sahara, affirmant par la même occasion que le plan d'autonomie «est sérieux et crédible». En décembre 2008, le président Bush a adressé sa dernière lettre officielle au roi Mohammed VI dans laquelle il rappelle «que l'indépendance est une option irréaliste» et réitère «le plein soutien des États-Unis au plan d'autonomie marocain comme seule solution». En novembre 2009, l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton, avait déclaré le soutien de l'administration Obama au plan d'autonomie marocain en le qualifiant de «sérieux, crédible et réaliste». Quatre années plus tard, en novembre 2013, et à l'occasion de la visite royale et de l'entretien dans le avec l'ancien président Barack Obama, un communiqué conjoint a entériné la position américaine de l'Administration Obama réitérant que «la position des États-Unis reste inchangée» soulignant le «soutien des États-Unis au processus politique» et confirmant «le soutien des États-Unis au plan d'autonomie marocain» en le qualifiant de «sérieux, réaliste et crédible». En avril 2015, l'ancien secrétaire d'État John Kerry avait déclaré que «les Etats-Unis sont engagés en faveur une solution politique pacifique, viable et mutuellement acceptable» et avait clairement réitéré le soutien américain au plan d'autonomie marocain le qualifiant de «sérieux, crédible et réaliste». Le Congrès, pour sa part, a toujours soutenu la souveraineté du Royaume et le plan d'autonomie marocain, à travers plusieurs lettres entre janvier 2006 et 2015. «Contrairement à ce qu'avance une infime poignée d'intellectuels (connus pour leurs positions (incompréhensibles de soutien à un mouvement séparatiste marxiste), l'écrasante majorité des faiseurs et preneurs de décisions américains soutiennent le Royaume du Maroc et son intégrité territoriale en tant que ligne rouge» La coopération maroco-américaine s'est récemment vue renforcée avec la signature d'un MoU portant sur la mise en œuvre d'une feuille de route décimale visant à renforcer la coopération militaro-sécuritaire et à appuyer l'industrie militaire nationale. Dans ce sens, l'administration Trump a également annoncé des ventes d'armes d'un montant estimé à 1 milliard de dollars, composées de drones et d'armes à guidage de précision, tout en envoyant un avis au Congrès sur les accords potentiels, selon des sources proches. Les produits vendus comprennent quatre drones MQ-9B SeaGuardian fabriqués par la société privée General Atomics, et des munitions à guidage de précision Hellfire, Paveway et JDAM fabriquées par Lockheed Martin, Raytheon et Boeing, selon les sources. L'administration américaine a procédé à toutes les rectifications nécessaires pour donner corps à sa décision, par l'abolition du terme « Sahara occidental », la révision des accords conformément à la nouvelle position annoncée. Il s'agissait aussi de notifier au Congrès officiellement la nouvelle position et de ne plus séparer, dans les rapports émanant des différents départements américains, le Maroc de son Sahara. Quant à la présence d'Israéliens au sein de la délégation, «elle s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des décisions qui avaient été annoncées lors de l'entretien téléphonique entre le Roi Mohammed VI et le président Donald Trump, notamment pour ce qui est du volet relatif au processus de paix israélo-palestinien ». Compte tenu du rôle historique que le Maroc a toujours joué dans le rapprochement des peuples de la région et dans la promotion de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient, et eu égard aux liens spéciaux qui unissent la communauté juive d'origine marocaine, y compris en Israël, à la personne du roi Mohammed VI, le souverain a informé le président américain que le Maroc entend accorder les autorisations de vols directs pour le transport des membres de la communauté juive marocaine et des touristes israéliens en provenance et à destination du Maroc, reprendre les contacts officiels avec les vis-à-vis et les relations diplomatiques dans les meilleurs délais, mais aussi de promouvoir des relations innovantes dans les domaines économique et technologique dont, à cet effet, œuvrer à la réouverture des bureaux de liaison dans les deux pays, comme cela fut le cas antérieurement et pendant plusieurs années jusqu'en 2002. La position en faveur d'une solution fondée sur deux Etats implique implicitement une reconnaissance des deux Etats et ce, dans le cadre d'une vision cohérente qui ne date pas d'aujourd'hui, mais trouve déjà sa première articulation dans les années 1990 avec l'ouverture d'un bureau de liaison israélien à Rabat et un autre marocain à Tel-Aviv. Les outils qu'offrent notamment les bureaux de liaison, ainsi que la diaspora marocaine vivant en Israël et ailleurs ont été mises à contribution par le Maroc depuis les années 1970 au service de la paix dans la région du Proche-Orient. Ce sont là des marques distinctives de l'approche marocaine qui ont permis au Maroc d'avoir l'apanage de canaux de communication entre les parties israélienne et palestinienne. Cette spécificité marocaine trouve son expression dans la constitution marocaine qui puise sa force de la Commanderie des croyants et illustre les riches facettes de l'universalité du modèle marocain, consacrée par la Loi fondamentale qui stipule que l'identité nationale est une et indivisible, et en insistant que cette "unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen". Les liens indéfectibles et distinguées unissant la diaspora marocaine en Israël à la personne du roi Mohammed VI est ancrée dans une histoire spécifique propre au modèle marocain dans tout ce qu'il a d'inclusif et d'universel. Le Maroc se spécifie par le traitement réservé aux citoyens de confession juive, une citoyenneté à part entière, en étant électeurs et éligibles. Le Royaume a établi un espace juridique conforme aux préceptes du judaïsme et la spécificité marocaine n'est identifiable à aucune autre expérience dans toute la région d'Afrique du nord et du Moyen-Orient. Tous ces éléments prouvent que les plus grandes étapes qu'a connues la question palestinienne ont eu lieu sur le sol marocain, justement parce que le Maroc offre toujours des canaux de communication à disposition pour toutes les parties, nulle part ailleurs trouvés, concluent nos sources.