C'est théoriquement une formalité. Mais cette année, le vote des grands électeurs américains qui doivent formaliser lundi la victoire de Joe Biden à la présidentielle de novembre revêt une importance particulière, face au refus obstiné de Donald Trump de reconnaître sa défaite. Le président désigné a prévu de prononcer un discours lundi soir depuis sa ville de Wilmington, dans le Delaware, pour célébrer cette nouvelle confirmation de sa victoire «et la force et la résilience» de la démocratie américaine. Les résultats du scrutin du 3 novembre ont déjà été certifiés légalement par chacun des 50 États américains : le démocrate a remporté le nombre record de 81,28 millions de voix, soit 51,3 %, contre 74,22 millions et 46,8 % au président républicain sortant. Mais aux États-Unis, le locataire de la Maison-Blanche est choisi au suffrage universel indirect, chaque État attribuant en général ses grands électeurs, dont le nombre dépend essentiellement de sa population, au candidat arrivé en tête localement. Là aussi, les résultats certifiés confirment l'avance confortable de Joe Biden, annoncée dès le 7 novembre par les grands médias américains, avec 306 grands électeurs contre 232 à Donald Trump. C'est ce «collège électoral» qui se réunit lundi pour formaliser ce vote. En réalité, les grands électeurs vont se réunir séparément État par État, tout au long de la journée. Les 538 grands électeurs sont des responsables politiques locaux, des figures de la société civile, ou des proches d'un candidat. La plupart sont inconnus du grand public, mais il arrive que des personnalités nationales fassent partie du collège électoral – c'est le cas cette année de la candidate malheureuse de 2016 à la présidentielle, Hillary Clinton, qui votera pour Joe Biden et sa future vice-présidente Kamala Harris dans l'État de New York. Trump poursuit le «combat» Bien qu'il soit arrivé par le passé qu'une toute petite poignée d'entre eux dérogent à la règle qui veut qu'ils donnent leur voix au candidat arrivé en tête dans leur État, cela n'a jamais changé l'issue de l'élection. Lundi, la victoire de Joe Biden sera donc encore plus officielle. Mais depuis la Maison-Blanche, Donald Trump continue de dénoncer sans preuve «l'élection la plus truquée de l'histoire américaine», comme il l'a encore tweeté dimanche. «Comment des États et des responsables politiques peuvent-ils confirmer une élection où la fraude et les irrégularités ont été démontrées ?», a-t-il même demandé. Or justement, son camp n'a pas été en mesure d'apporter le moindre élément probant pour étayer ses accusations, et ses recours en justice ont quasiment tous été rejetés. Humiliation ultime, la Cour suprême, pourtant profondément remaniée par Donald Trump qui a nommé trois juges et conforté ainsi la majorité conservatrice désormais forte de six membres sur neuf, a rejeté la semaine dernière deux recours républicains sans même s'en saisir sur le fond. Une fois l'étape solennelle de lundi franchie, il est possible qu'un plus grand nombre d'élus républicains acceptent de reconnaître la victoire de Joe Biden. Mais il est peu probable que Donald Trump rentre, lui, dans le rang, d'autant que selon les sondages, une large majorité de ses électeurs ne considèrent pas le démocrate comme un vainqueur légitime. Ce week-end, lorsque la chaîne Fox News lui a demandé s'il assisterait à la prestation de serment du président élu démocrate le 20 janvier, comme le veulent la tradition et le protocole, l'ex-magnat de l'immobilier a encore esquivé : «Je ne veux pas parler de ça», a-t-il seulement lâché, boudeur. Il pourrait tenter de profiter de la complexité d'un processus institutionnel qui s'étire en longueur pour un dernier baroud d'honneur : certains élus proches de lui envisagent de contester les résultats lorsque le Congrès sera appelé à apporter une dernière validation le 6 janvier. La démarche n'a pratiquement aucune chance d'aboutir, mais devrait laisser au futur président Biden un pays, et une classe politique, plus divisés que jamais.