La question de l'abandon scolaire constitue une défaillance considérable du système actuel de l'éducation avec de grandes répercussions économiques et sociales. Les récentes statistiques publiées par le Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) démontrent la gravité de l'abandon scolaire et son enracinement dans l'école marocaine, selon le diagnostic social annuel du CESE. En exploitant les données individuelles des élèves de la base de données MASSAR, l'étude relève que le phénomène de déperdition scolaire n'est pas en cours de résorption. Au contraire, les chiffres, repris par l'étude du CESE, ont même augmenté entre 2016 et 2018, passant de 407 674 élèves quittant les bancs de l'école en 2016 à 431 876 en 2018. « Un autre point qui aggrave la situation est la forte incidence du phénomène au niveau de l'enseignement primaire, qui constitue 29,2% des cas d'abandon scolaire. Dans ces cas particulièrement, les élèves quittent l'école sans aucun certificat et se confrontent aux risques importants de retomber dans l'illettrisme et à l'impossibilité de rejoindre les rangs de la formation professionnelle où un certificat d'études primaires reste le niveau d'admission minimal demandé pour rejoindre les rangs des apprentis », souligne le document. Malgré les campagnes menées depuis deux décennies pour la scolarisation des filles rurales et la lutte contre l'abandon scolaire chez cette catégorie, les chiffres de l'étude du CSEFRS démontrent qu'elles continuent à être particulièrement concernées par l'abandon scolaire, notamment dans les années dites « charnières » de leur parcours, comme l'est la 6e année du primaire. Ainsi, si le taux d'abandon scolaire dans le milieu rural est légèrement supérieur chez les garçons que chez les filles (7,7% vs 7,3%), ces proportions sont différentes lors de la 6e année du primaire où le taux d'abandon chez les filles atteint 23,4% alors qu'il est de 13,6% chez les garçons. A cette réalité s'ajoute la faiblesse du dispositif éducatif public pour la réinsertion des élèves en situation de déperdition scolaire dans les rangs de l'école. Le programme dit « école de deuxième chance » se décline sous forme de partenariat avec les associations recevant des subventions par le ministère de l'éducation nationale et concerne les élèves âgés entre 9 ans à 16 ans n'ayant jamais été scolarisés ou ayant abandonné l'école. Le programme « école de deuxième chance » lancé en 2014 ambitionne la création de 80 centres à l'horizon 2021, dont 30 qui ont ouvert lors de l'année scolaire 2019-2020. Selon les statistiques du ministère chargé de l'Education nationale pour l'année 2018-2019, le nombres d'élèves bénéficiaires du programme « école de deuxième chance » s'établit à 28 486 élèves, tandis que, parallèlement, la moyenne des élèves ayant quitté l'école primaire et secondaire collégial entre 2016 et 2018 avoisine les 320 000 par année. Le CESE note que l'approche avec laquelle est gérée cette question, notamment avec les associations comme acteurs de sa mise en œuvre, interroge sur le sort qui est réservé aux élèves en situation d'abandon scolaire. Les dispositifs d'éducation non formelle actuellement en vigueur intègrent certes le volet préventif et d'accompagnement éducatif des élèves en situation spécifique, néanmoins, la poursuite du phénomène de la déperdition scolaire et le faible impact des programmes d'appui social (tayssir, un million de cartables, cantines scolaires, etc) pour réduire ce fléau devraient inciter à évaluer ces initiatives prises et repenser la stratégie déployée pour réduire l'abandon scolaire et comprendre ces origines et motivations.