Le coup d'envoi de la campagne de vaccination contre la grippe sera prochainement donné. Dans le contexte actuel de la crise sanitaire, cette opération est essentielle pour protéger les personnes à risque de développer des formes graves de la grippe. Contactée par Barlamane.com, Pr Wafaa Farhat Agoumi, professeure en sciences pharmaceutiques et directrice générale et fondatrice de l'Ecole supérieure d'ingénierie de la santé et de management de projet, souligne que la stratégie vaccinale doit consister à viser en priorité les populations à risque. Le vaccin contre la grippe doit être délivré d'abord aux personnes à risque « Concrètement, il s'agit des personnes âgées de 65 ans et plus, des personnes malades porteuses de maladies de civilisation, c'est-à-dire des personnes hyper tendues, diabétiques et à risque de complications. La grippe peut également être grave, en particulier chez les personnes vulnérables qui peuvent développer des pneumonies ou voir s'aggraver une maladie chronique déjà existante (...) Si les personnes fragiles contractent les deux maladies en même temps (NDLR : la grippe et la covid-19), cela pourrait aggraver leur état de santé », explique-t-elle. Rappelons à ce titre que le ministère de la Santé avait adressé, le 15 septembre dernier, une circulaire aux directeurs régionaux portant sur le lancement de la campagne nationale de vaccination contre la grippe saisonnière. Selon la circulaire 080/15/DELM/2020, cette campagne inclura des vaccinations en masse pour les personnes à haut risque et les professionnels de la santé. Vaccination, grossesse et allaitement S'agissant de la vaccination des femmes enceintes et allaitantes, Pr Wafaa Farhat Agoumi souligne « qu'il est préférable d'éviter tout mode de prévention, qu'il soit médical ou par agent biologique », étant donné que le fœtus, qui est en stade du développement prénatal, ou l'embryon qui est en phase embryonnaire (NDLR : qui correspond à la croissance et au développement de l'enfant à naître de ce tout premier stade jusqu'à la 8e semaine de grossesse) « est toujours en phase de développement ». « Il faudrait mieux empêcher toute sorte d'interaction entre les agents infectieux et les futurs bébés », précise-t-elle. S'agissant du risque de transmission du virus vaccinal par le lait maternel, l'experte en pharmacovigilance note qu'il est « difficile de trancher sur cette question étant donné que c'est toujours compliqué de statuer sur l'effet du passage du germe au lait maternel ». Non, il n'est pas prouvé que le vaccin contre la grippe augmente le risque d'attraper la covid-19 Des publications partagées sur internet affirment que le vaccin contre la grippe augmenterait de 36% les risques d'attraper un coronavirus. Est-ce vrai ? Il s'agit, selon Pr Wafaa Farhat Agoumi, d'une infox étant donné qu'il n'y a pas encore d'études scientifiques dans ce sens. « Pour le moment, nous ne pouvons pas déterminer si le vaccin contre la grippe pourrait augmenter ce risque étant donné que le SRAS-CoV-2, le virus qui cause la covid-19, est un nouveau virus qu'on ne maîtrise pas correctement (...) Nous n'avons pas encore été confrontés à cette situation. Nous le saurons cette année, malheureusement, avec, à la fois, la vaccination et l'exposition à la maladie », explique-t-elle. « Nous ne pouvons pas deviner les risques tant que le danger n'a pas été évalué », poursuit-elle. Pour cela, il faudra définir, calculer et interpréter le taux d'incidence, le risque relatif, l'excès de risque, la fraction étiologique du risque chez les exposés et la fraction du risque attribuable dans la population à partir d'un échantillonnage. Est-ce que les pharmaciens vont administrer le vaccin antigrippal ? En Europe, plusieurs pays ont choisi de permettre aux pharmaciens d'administrer le vaccin antigrippal. Au Maroc, la Confédération des syndicats pharmaciens du Maroc a envoyé une lettre au ministère de la Santé pour lui demander d'autoriser les pharmaciens à administrer le vaccin en officine. Une correspondance qui est restée lettre morte. La DG de l'ESISmp rappelle, dans ce cadre, que le débat autour du droit de substitution, qui oppose médecins et pharmaciens depuis des années, a refait surface au début de la crise épidémique. Actuellement, la loi prohibe le remplacement des médicaments prescrits dans les ordonnances médicales et ce, même en cas de disponibilité d'un autre médicament, autorisé par le ministère, et ayant le même PA et la même dose. Elle estime que les pharmaciens sont qualifiés pour assurer l'accompagnement de la campagne de vaccination. Ceci permettrait de décharger les médecins de cette tâche. Elle précise, toutefois, « que ce sont souvent les vendeurs qui sont derrière le comptoir des pharmacies et qui sont généralement formés sur le tas ». « Un vaccin contre la grippe n'est pas difficile à administrer. Les pharmaciens font aussi partie des professionnels de santé. Ils peuvent ainsi remplir cette mission, surtout dans cette période durant laquelle les médecins sont extrêmement surchargés par la pandémie ainsi que d'autres pathologies (...) Il y aura également d'autres maladies infectieuses pendant l'hiver », conclut-elle.