Les avocats algériens avaient entamé, le 30 septembre, une grève générale suivie à « 100 % » pour afficher leur mécontentement contre les pressions politiques dont ils assurent faire l'objet. Les robes noires de la capitale, Alger, avaient déjà cessé leur activité dimanche dernier. Les avocats en Algérie se sont mis en grève générale pour 48 heures, mercredi 30 septembre, un mouvement suivi à 100% selon des sources concordantes, afin de protester contre les pressions politiques dont ils se disent la cible. L'union des barreaux a décidé de cesser toute activité judiciaire en solidarité avec les avocats d'Alger pour exiger « le respect des droits de la défense« . Le barreau de Blida, une préfecture proche de la capitale, avait également décidé de faire grève avant que l'union des barreaux d'Algérie ne se soit réunie lundi. « Les avocats sont tenus de respecter les décisions du barreau national« , a déclaré à l'Agence France-Presse Maître Abdelouahab Chiter, avocat et maître de conférences à la faculté de droit de Béjaïa (est), en précisant que la grève est respectée « à 100% sur tout le territoire« . L'agence de presse officielle APS a fait état du report de tous les procès prévus mercredi. Selon Me Chiter, ce mouvement de protestation se déroule dans « un contexte exceptionnel » marqué par « des arrestations arbitraires » et un projet de révision constitutionnelle. « Le pouvoir en place veut forcer le barreau national à adhérer au projet de nouvelle Constitution » et face à son « refus d'y adhérer, la réponse du pouvoir est de faire pression sur les avocats », a-t-il renchéri. Bâtonnier « humilié » Le mouvement de grève a été déclenché par un incident d'audience au cours duquel le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Alger a été, selon des avocats, « humilié » par un juge. Le bâtonnier Abdelmadjid Sellini a fait un malaise, jeudi 24 septembre, à la suite d'une altercation en plein tribunal après que le juge eut refusé de reporter des plaidoiries et de lever la séance comme le réclamait la défense, selon des avocats et le syndicat de la magistrature. Les plaidoiries ont finalement été repoussées à samedi. Les faits se sont déroulés lors du procès en appel de l'homme d'affaires Mourad Oulmi, accusé de blanchiment d'argent dans un scandale de montage automobile, affaire dans laquelle est notamment poursuivi l'ancien premier ministre, Ahmed Ouyahia. S'en est suivi, dimanche, un rassemblement puis un arrêt du travail des robes noires de la capitale pendant une semaine pour réclamer une « justice indépendante » et « le respect des droits de la défense. » Vêtus de leurs robes noires et portant des masques sanitaires, les manifestants avaient entonné l'hymne national et brandi le drapeau algérien en reprenant certains slogans du « Hirak », le mouvement de protestation antirégime suspendu depuis mars en raison de la crise sanitaire, comme « Etat civil et non militaire » ou encore « le peuple veut une justice indépendante« . Avocats surmenés Entre les innombrables procès des militants du « Hirak » et des anciens oligarques corrompus proches de l'ex-président Bouteflika, les avocats algériens surmenés sont soumis à un rythme de travail incessant et des pressions politiques. Un épuisement partagé par les magistrats, selon Me Bouchachi, pour qui il est « impossible de demander au magistrat de rendre justice » dans ces conditions. « Depuis plus d'un an, la justice est devenue un outil entre les mains du système. C'est très grave ce qui se passe. Il y a une dérive« , s'est indigné ce défenseur des droits humains ajoutant que des centaines de personnes ont été arrêtés, condamnées et incarcérées injustement. Il a, en outre, ajouté regretter que le code pénal amendé récemment donne la possibilité au juge « de forcer un prévenu à être jugé à distance« , dénonçant « une atteinte très grave au principe du procès équitable, une violation de la Constitution« . Pour le président du syndicat de la magistrature, Yessad Mabrouk, l'indépendance de la justice est « la bataille de toute la société algérienne, loin de tout corporatisme« . Pour Me Zoudida Assoul, avocate notamment de Khaled Drareni, le correspondant algérien condamné en appel à deux ans de prison ferme, « les gens pensaient que le régime allait changer avec le départ du président Bouteflika (Abdelaziz, contraint à la démission en avril 2019) mais Bouteflika est parti en laissant certaines figures de l'ancien régime qui lui sont fidèles« . « Le régime actuel applique les mêmes pratiques en pratiquant l'exclusion et en portant atteinte aux libertés« , a ajouté l'avocate et ancienne juge. « En menant des actions contre des opposants, en instrumentalisant la justice, le pouvoir utilise l'appareil judiciaire dans la répression de tous ceux qui se prononcent contre le projet de nouvelle Constitution« , a de son côté expliqué Me Chiter.