Le pays, qui subit de plein fouet les conséquences de l'épidémie et de la crise pétrolière, pourrait connaître une récession de 5,2 % en 2020. Dépréciation du dinar, inflation, entreprises à l'arrêt, craintes de récession... L'économie algérienne subit de plein fouet les conséquences de l'épidémie liée au coronavirus, qui vient s'ajouter à la crise pétrolière. Et si rien n'est mis en œuvre, le recours à l'endettement extérieur deviendra inéluctable, préviennent des économistes. L'Office national des statistiques (ONS) affiche des «chiffres alarmants», relève Mansour Kedidir, professeur associé à l'Ecole supérieure d'économie d'Oran. Il souligne une baisse du PIB de 3,9 % au premier trimestre et un taux de chômage qui pourrait atteindre 15 % en juillet, contre 11,4 % pour l'année 2019. Hors hydrocarbures, le PIB a baissé de 1,5 % au premier trimestre, contre une progression de 3,6 % pour la même période l'année précédente, selon l'ONS. Certains secteurs comme les services et le fret sont à l'arrêt. D'autres ont vu leur activité ralentie, tandis que le secteur de la construction, pourvoyeur de main-d'œuvre, est paralysé depuis des mois. Le ministre des finances, Aymen Benabderrahmane, a évalué à près de 1 milliard d'euros les pertes des entreprises publiques avec la crise sanitaire. Celles du secteur privé n'ont pas encore été chiffrées. Mais de nombreux commerces, notamment les restaurants, les cafés ou les agences de voyages, risquent de déposer le bilan. Ils sont fermés depuis le 19 mars dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Sans réforme, le pays risque d'être «mis sous séquestre» «L'Algérie fait face à une situation économique difficile et inédite en raison de plusieurs facteurs : la crise structurelle héritée de l'ère Bouteflika, la chute des cours des hydrocarbures et enfin la crise du coronavirus», a reconnu le premier ministre, Abdelaziz Djerad. Dépendante de la rente pétrolière, la première économie du Maghreb est très exposée aux fluctuations du prix du baril du fait de la faible diversification de son économie. Selon des prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l'Algérie devrait connaître en 2020 une récession (– 5,2 %) et un déficit budgétaire parmi les plus élevés de la région. Si aucune réforme n'est entreprise, «l'économie algérienne entrera irrémédiablement dans une récession et le recours à l'endettement extérieur sera inévitable», confirme M. Kedidir : «Le pays sera mis sous séquestre. La boîte de Pandore s'ouvrira et tous les démons sortiront de terre : les émeutes, l'irrédentisme et l'extrémisme religieux.» Le président Abdelmadjid Tebboune a déjà exclu de contracter des prêts auprès du FMI et des organismes financiers internationaux, au nom de la «souveraineté nationale». L'Algérie garde un souvenir douloureux du recours au FMI, en 1994, et du plan d'ajustement structurel qui s'était notamment traduit par des fermetures d'entreprises et des privatisations. Le budget de fonctionnement de l'Etat réduit de moitié Mais le gouvernement algérien s'apprête à lancer un plan de relance économique. Début mai, il a décidé de réduire de moitié le budget de fonctionnement de l'Etat. La loi de finances complémentaire 2020 prévoit une baisse des recettes budgétaires à environ 38 milliards d'euros, contre 44 milliards dans la loi initiale. «Le niveau des réserves de change devrait reculer plus fortement que prévu d'ici à la fin 2020, pour atteindre 37,21 milliards d'euros, contre une prévision initiale de 43,44 milliards», estime l'économiste Abderahmane Mebtoul. Des solutions pour éviter la récession existent, selon les experts, mais elles nécessitent des réformes drastiques. M. Kedidir préconise une baisse des taux d'intérêt, la captation de la masse monétaire circulant dans le secteur informel et un abattement de l'impôt en fonction du nombre d'emplois créés. Il recommande aussi le lancement de grands travaux, notamment le reboisement de la bande steppique est-ouest, la mise en exploitation des terres sahariennes ou encore le prolongement du chemin de fer vers le sud. Le tout en faisant appel à une main-d'œuvre locale qualifiée. Tout en jugeant que les hydrocarbures resteront encore pour cinq à dix ans la principale ressource en devises du pays – sous réserve de la mise en place de nouvelles filières concurrentielles –, M. Mebtoul estime que le plan de sortie de crise doit reposer sur une nouvelle gouvernance nationale et locale. Selon l'économiste, cette gouvernance décentralisée pourrait être axée autour de cinq grands pôles économiques régionaux, «en impliquant élus, entreprises, banques, universités et société civile, afin de lutter contre une bureaucratie paralysante».