Disparitions forcées, exécutions sommaires… Les accusations d'exactions sur les populations locales se multiplient contre les soldats du Mali, du Burkina Faso et du Niger engagés contre les djihadistes au Sahel central, et seront à l'agenda du Conseil de sécurité de l'ONU vendredi. «Paix et sécurité en Afrique» : le thème de la réunion organisée par le Conseil de sécurité est large, mais un des principaux sujets attendus «sera les accusations de violations des droits de l'Homme par les armées du Sahel», assure un diplomate à Bamako. La préoccupation s'exprime avec insistance depuis plusieurs mois, en même temps que la dénonciation des agissements djihadistes et des violences intercommunautaires. Début avril, la mission de l'ONU au Mali (Minusma) a dénoncé la «multiplication» des méfaits imputés aux armées nationales. L'ONU a dénombré 101 exécutions extrajudiciaires perpétrées par l'armée malienne entre janvier et mars, et une trentaine d'autres par l'armée nigérienne sur le sol malien. Douze personnes arrêtées pour complicité avec les djihadistes sont mortes dans des cellules de gendarmerie mi-mai dans l'est du Burkina Faso. Des proches et des ONG disent qu'il s'agissait de civils, sommairement abattus. La justice a promis des investigations. Au Niger, ce sont 102 personnes qui auraient été tuées par l'armée dans la région de Tillabéri (ouest), selon la publication d'une liste de personnes disparues qui a circulé en avril. Le ministère de la Défense a dit qu'une enquête serait diligentée, tout en saluant le «professionnalisme» des troupes. À chaque fois, des organisations de protection des droits de la personne publient des listes de noms, des photos, en déplorant la disparition des intéressés après le passage de soldats. En majorité, les disparus sont des peuls, volontiers assimilés à des complices des djihadistes. Les gouvernements sahéliens ont toujours fait bloc derrière leurs armées, qui, souvent sous-équipées et sous-formées, paient un lourd tribut à la lutte contre le djihadisme. La réunion, programmée début mai, avait été reportée à la demande du Niger, membre non permanent du Conseil de sécurité, pour «donner du temps» aux pays sahéliens pour préparer leurs réponses, a expliqué un diplomate africain à New York. Les armées nationales sont mises en cause à un moment charnière pour le Sahel. L'ONU, d'abord, fait face au scepticisme de certains membres du Conseil de sécurité sur l'ampleur de sa mission au Mali (13.000 hommes mi-juin).