Il s'agit d'une grave escalade dans les combats qui opposent, depuis février, la rébellion syrienne, soutenue par la Turquie, aux forces de Bachar Al-Assad, appuyées par la Russie. Au moins 33 soldats turcs ont été tués en Syrie, jeudi 27 février, au cours d'attaques aériennes menées par le régime de Damas dans la région d'Idlib. Une trentaine de militaires turcs ont aussi été blessés dans des frappes aériennes – attribuées au régime de Damas –, qui ont visé cette région du nord-ouest de la Syrie. Ces décès constituent une grave escalade dans les combats qui opposent, depuis le début du mois de février, la rébellion syrienne soutenue par la Turquie aux forces loyalistes de Bachar al Assad appuyées par l'aviation russe. L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a condamné «les frappes aveugles du régime syrien et de son allié russe». Le secrétaire général de l'Alliance, Jens Stoltenberg, s'est entretenu avec le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu. Il a appelé Damas et Moscou à «cesser leur offensive», et «exhorté toutes les parties à une désescalade de cette situation dangereuse, et à éviter que ne s'aggrave davantage la situation humanitaire épouvantable dans la région». Une réunion d'urgence des ambassadeurs des 29 pays membres de l'OTAN doit se tenir vendredi, à la demande de la Turquie, membre de l'Alliance, en vertu de l'article 4 du traité. Cet article peut être invoqué par un allié qui « estime que son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité est menacée », selon un communiqué de l'OTAN. Ankara exhorte la communauté internationale à prendre des mesures pour empêcher les avions du régime syrien et de son allié russe de mener des frappes dans le nord-ouest de la Syrie. « La communauté internationale doit prendre des mesures pour protéger les civils et mettre en place une zone d'exclusion aérienne », a déclaré vendredi le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun. Par ailleurs, la présidence turque a annoncé que l'armée turque avait bombardé dans la nuit de jeudi à vendredi des positions du régime de Bachar Al-Assad, en représailles à la mort des soldats. «Toutes les positions connues du régime [syrien] ont été prises sous le feu de nos unités terrestres et aériennes», a affirmé Fahrettin Altun. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), 16 combattants du régime syrien ont été tués dans cette riposte. De son côté, le ministère de la défense russe a affirmé que les soldats turcs sous le feu de l'armée syrienne se trouvaient parmi des «unités combattantes de groupes terroristes». Il ajoute que la Turquie n'avait pas communiqué la présence de ses troupes dans la zone concernée et qu'elles «n'auraient pas dû s'y trouver». «Les forces aériennes de la Russie n'ont pas été utilisées dans cette zone», poursuit le communiqué. Un nouveau round de pourparlers entre Russes et Turcs visant à trouver une issue à la crise d'Idlib s'était achevé jeudi à Ankara sans annonce d'un résultat concluant. Les lourdes pertes essuyées par Ankara jeudi surviennent après des semaines d'escalade à Idlib entre les forces turques et celles du régime de Bachar Al-Assad, qui se sont affrontées à plusieurs reprises. Ces bombardements meurtriers, qui portent à au moins 53 le nombre de militaires turcs tués à Idlib en février, risquent en outre de creuser un fossé entre Ankara et Moscou, principal soutien du régime syrien. Avec le soutien de l'aviation russe, Damas a déclenché en décembre 2019 une offensive pour reprendre Idlib, dernier bastion rebelle et djihadiste de Syrie. Ces dernières semaines, le régime et son allié russe ont repris plusieurs localités dans cette province frontalière de la Turquie. Cependant, les groupes rebelles, dont certains sont appuyés par Ankara, ont contre-attaqué et repris jeudi la ville stratégique de Saraqeb, selon l'OSDH. Ils coupent ainsi de nouveau l'autoroute M5 reliant la capitale, Damas, à la métropole d'Alep (Nord). Les membres occidentaux du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) ont réclamé un « cessez-le-feu humanitaire », resté lettre morte face au refus de Moscou. Sept civils, dont trois enfants, ont péri jeudi dans des bombardements syriens et russes sur la province d'Idlib, selon l'OSDH. Depuis décembre 2019, plus de 400 civils ont été tués dans l'assaut, selon l'OSDH, et plus de 948 000 personnes, dont plus d'un demi-million d'enfants, ont été déplacées d'après l'Organisation des Nations unies (ONU). Si la Turquie s'intéresse d'aussi près à Idlib, c'est notamment parce qu'elle redoute un nouvel afflux de réfugiés sur son sol, où quelque 3,6 millions de Syriens vivent déjà. Dans le cadre d'un accord conclu en 2016 avec l'Union européenne, le pays s'est engagé à empêcher les passages de migrants vers l'Europe, notamment via la Grèce. Mais vendredi, Ankara a menacé d'ouvrir la porte de l'Europe aux migrants réfugiés en Turquie. «Nous ne retiendrons plus ceux qui veulent se rendre en Europe», a déclaré un haut responsable turc sous couvert d'anonymat. Selon plusieurs médias turcs, des groupes de migrants se dirigeaient vendredi vers les frontières de la Turquie avec les pays européens voisins.