La situation algérienne présente n'en finit pas d'alimenter les débats internes, alors que la transition voulue se heurte à une crise de l'ordre et à un retour de l'ancienne garde, pourtant indésirable. La crise protéiforme de l'ordre politique en Algérie se perpétue. Les manifestations hebdomadaires qui occupent les grandes villes du pays depuis février exigent que la vieille garde. Tandis que la rue réclame l'assainissement du champ étatique et de transformer l'emprise privé des clans en force publique, un nouveau cycle de l'attente se profile, alors que la génération qui occupe le pouvoir depuis 1962 ne jouit plus d'aucune légitimité. Présentée comme le garant du retour de la concorde, l'armée est un acteur majeur du verrouillage de la libération des institutions, notamment en concentrant les prérogatives politiques et économiques. En raison d'une mécanique qui consacre une centralisation de la décision, l'armée contribue à figer toute transformation au cœur de l'Etat, ce que déplore la rue qui désapprouve la tendance des élites à se prémunir de tout contact direct avec le peuple. Les manifestants, frustrés de la coalition dirigeante, ont réussi à déloger le président Abdelaziz Bouteflika en avril après 20 ans au pouvoir, mais leur nombre est passé de centaines de milliers en avril à des dizaines de milliers maintenant. Les autorités ont arrêté de nombreux hauts responsables soupçonnés de corruption, l'une des principales revendications des manifestants, et ont condamné le 25 septembre deux anciens chefs des services de renseignements et le frère du président déchu à de longues peines de prison. Or, derrière ces démarches ostentatoires, matérialisées par des incitations à la participation électorale, la mise en scène d'une tutelle de l'armée est flagrante. Les autorités algériennes ont, par ailleurs, mis davantage de pression sur les manifestants en déployant massivement ses unités et en arrêtant des personnalités de l'opposition. L'un d'entre eux, Karim Tabbou, a été interpellé la semaine dernière, puis remis en liberté mercredi et arrêté de nouveau jeudi, a déclaré son avocat. Les manifestants ont brandi des pancartes réclamant sa libération. Les manifestants s'opposent à une élection annoncée pour mi-décembre et soutenue par l'armée, l'acteur le plus puissant sur la scène politique, affirmant qu'elle ne peut être ni libre ni équitable tant que de nombreux membres du clan de Bouteflika sont maintenus au sommet du pouvoir. Jeudi, les anciens premiers ministres Ali Benflis et Abdelmadjid Tebboune ont annoncé qu'ils se présenteraient au scrutin du 12 décembre. Pour la rue, l'extension du règne de l'ancien régime, c'est non. Le premier, âgé de 75 ans, a obtenu 12,3% de suffrages à l'élection présidentielle de 2014. Il a également été Premier ministre de l'ancien président Bouteflika de 2000 à 2003. Tebboune, 74 ans, a été Premier ministre pendant 81 jours en 2017, mais a été limogé par Bouteflika après qu'un conflit ouvert avec des hommes d'affaires influents eut éclaté. L'armée, très contesté en raison de sa mainmise sur les richesses du pays, considère l'élection comme le seul moyen de sortir de l'impasse. Les Algériens sont polarisés entre ceux qui veulent une élection dans le cadre actuel du pouvoir et ceux qui refusent qu'elle soit tenue dans les conditions actuelle.