L'armée algérienne ou du moins son chef d'état-major, Ahmed Gaid Salah, semble avoir définitivement opté pour une solution à l'algérienne, en refusant l'hypothèse de pouvoir s'asseoir autour de la table, avec des représentants du Hirak et les partis politiques, pour un dialogue sur une éventuelle gestion collégiale d'une période transitoire. Il a depuis le départ privilégié l'hypothèse d'une élection présidentielle, comme issue à la crise qui a éclaté dans le pays suite à la candidature d'un président malade, déchu, pour un cinquième mandat, alors que le Hirak, qui en est à son 28eme vendredi de manifestation et son septième mois, réclame le départ de toute l'oligarchie de l'ancien système, y compris le Général Ahmed Gaid Salah, qui compte parmi les anciens fidèles et soutiens du clan Bouteflika. Ses opérations « mains propres », par lesquelles il a envoyé en tôle deux anciens chefs de gouvernement et plus d'une vingtaine d'anciens ministres et anciens officiers supérieurs de l'armée algérienne, de hauts fonctionnaires, y compris le frère et ancien conseiller de Bouteflika, Said, et la présidente du parti des travailleurs Louisa Hanoune, n'ont pas dissuadé le Hirak de suspendre ses manifestations. Ceux qui tablaient sur l'usure du Hirak se sont gravement trompés car, selon les observateurs, le mouvement, qui s'est poursuivi pendant les grandes vacances d'été, sans discontinuer, a repris des forces. Les Soudanais, bien que l'armée eût, au départ, décidé de prendre le pouvoir, sans partage, a opéré un recul, et ouvert le dialogue avec l'opposition, qui a débouché, au bout de plusieurs semaines de tractations difficiles, rompues à plusieurs reprises, sur un accord pour la gestion d'une période transitoire, avant des élections générales. Les deux parties se sont partagées, à parts égales, les sièges du Conseil devant prendre en charge la gestion des affaires du pays (trois sièges pour l'armée et trois autres pour l'opposition), coiffé par un président qui fait le consensus des deux parties. Le conseil est supplée par un gouvernement. Cette option aura été repoussée par l'armée algérienne, pour éviter de se retrouver, face-à-face et à parts égales, avec le Hirak et les partis politiques, qui risqueraient d'exiger un droit de regard sur la gestion et la stratégie de l'armée ainsi que sur son budget et pourquoi pas… sur l'engagement de l'armée aux côtés du Polisario et dans certaines régions du Maghreb, notamment la mise à la disposition du chef du Polisario de l'avion présidentiel pour ses déplacements en Afrique et dans le monde. Ce sont là les craintes et les sources d'inquiétude de l'armée algérienne qui ne montre apparemment aucune disposition, en dépit de la situation de crise dans le pays, à réviser à la baisse ou à renoncer provisoirement à ses 12 milliards de dollars de budget annuel (année 2019). L'armée, qui a depuis toujours utilisé les présidents comme un paravent, qu'elle changeait au gré des circonstances, ne voudrait pour seul et unique interlocuteur qu'un président, pour prendre en charge les exigences du Hirak, qui réclame le départ de tous les symboles de l'ancien système et la mise en place d'une véritable démocratie qui respecterait la justice, l'égalité, la liberté et les droits de l'homme. Des objectifs impossibles à atteindre, sans une métamorphose complète du système, qui cantonnerait l'armée dans les casernes, qui rouvrirait le dossier de l'assassinat du président Boudiaf, la mort de 200.000 algériens, lors de la guerre contre le terrorisme, et la destination réelle de 800 milliards de dollars en 20 ans de règne de Bouteflika. *journaliste et écrivain Spécialiste de l'Algérie