De nombreux téléspectateurs ont dû remarquer la suspension sur 2M de la programmation de téléfilms marocains. Le réalisateur Hakim Noury déplore cette situation et en explique les graves répercussions sur la vie des acteurs et des téléspectateurs qui ne retrouvent plus leur réalité sur une chaîne marocaine. Aujourd'hui Le Maroc : Vous semblez particulièrement en colère contre la suspension de la programmation de téléfilms marocains sur la deuxième chaîne… Hakim Noury : Ce que je ne comprends pas, ce qui constitue à mes yeux le comble de l'aberration, c'est pourquoi modifier un système qui fonctionnait. Pourquoi arrête-t-on un processus viable ? J'ai téléphoné au secrétariat général pour avoir des éléments de réponse à ce pourquoi. L'on m'a gentiment expliqué que le nouveau directeur général me rappellerait, dès qu'il aurait un peu de temps. Il ne m'a jamais rappelé. Mais, diable, je suis une personne publique et j'ai droit à un peu de considération. Je n'ai absolument rien contre M. Benali, mais tout porte à croire que les personnes qui ont travaillé avec M. Noureddine Saïl, l'ancien directeur de la chaîne, sont désormais persona non grata à 2M. Comment vous avez travaillé avec l'ancien directeur de 2M ? Ecoutez ! Je suis connu pour mon franc-parler et je déteste l'ingratitude. Il faut rendre à César ce qui lui appartient. En 1984, lorsque Noureddine Saïl a été nommé directeur des programmes à la RTM, il a immédiatement fait appel à cinq cinéastes marocains pour doper la production nationale. Et ça a bougé avec des documentaires et des fictions ! Quand la deuxième chaîne a été créée en 1989, de nombreux réalisateurs ont approché la direction. Ils ont été à chaque fois poliment reçus, sans que rien ne soit fait pour initier des productions nationales. Il a fallu attendre la nomination de M. Saïl à la tête de cette chaîne pour assister – pour la première fois – à la mise en place d'une politique de production nationale. Vous louez particulièrement dans cette politique la production de téléfilms marocains ? Deux téléfilms marocains ont été réalisés par mois ! Ce pari, qui pouvait sembler impossible, a été réussi par 2M. Il a profité à tout le monde. A commencer par les techniciens de la deuxième chaîne qui se sont familiarisés avec les conditions d'un tournage professionnel. Les comédiens ont eu du travail. A telle enseigne qu'il était pratiquement impossible d'en appeler un et de le trouver disponible. Et les réalisateurs ont pu aussi s'adresser à un public qu'ils ne pouvaient pas toucher dans les salles de cinéma. L'audimat était au rendez-vous avec les téléfilms marocains. En ce qui me concerne, j'ai réalisé quatre films d'une très large audience. Comment expliquez-vous la large audience des téléfilms marocains ? Le téléspectateur a besoin de reconnaître sa vie courante dans la télévision pour s'y intéresser. Il a soif de réalité. L'engouement des téléspectateurs pour les téléfilms marocains est significatif d'une nécessité de leur donner à voir le monde où ils vivent, les problèmes de société auxquels ils sont confrontés. Les gens zappent les fictions égyptiennes ou mexicaines, parce qu'elles ne les intéressent pas. La nouvelle direction a remplacé la production nationale par des feuilletons égyptiens et mexicains qui n'intéressent que ceux qui les programment. Avez-vous des indices de la désapprobation des téléspectateurs relatifs au blocage de la programmation de téléfilms ? Les Marocains ne râlent pas et c'est dommage ! Mais les gens n'arrêtent pas de m'écrire et de me poser des questions sur le pourquoi de l'annulation des téléfilms marocains. Ils devraient demander des comptes à la direction de la chaîne. Parce que si des personnes règlent des comptes à 2M, c'est bien au détriment des téléspectateurs. Je sais que l'être humain est revanchard et rancunier par nature, mais il y a un seuil de décence à ne pas dépasser pour que des considérations personnelles n'aveuglent pas au point de bloquer une programmation qui marchait. Quel est votre sentiment sur cette situation? Je déplore ce qui se passe à la deuxième chaîne. Je déplore quelque chose de triste dans le domaine de l'audiovisuel. Je le déplore amèrement. D'ailleurs, c'est dramatique pour les acteurs, dont tout le monde connaît la précarité financière. Nombre d'entre eux sont de nouveau au chômage. Et je réitère ma reconnaissance à M. Noureddine Saïl pour le travail qu'il a fait à l'intérieur de cette chaîne. C'est triste de voir ce travail s'effondrer comme un château de cartes.