D'après une étude sur la «Soutenabilité du système de retraite au Maroc» menée récemment par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) en collaboration avec le CEPII, un organisme français spécialisé en le domaine, le dispositif de prévoyance sociale est menacé sauf à s'inspirer de 8 scénarios de sauvetage. En les présentant mercredi à Rabat, Ahmed Lahlimi a pris soin de préciser qu'il ne propose pas de solution, «laquelle doit venir essentiellement des employeurs, des employés et de l'Etat». C'est tout au plus des indications de tendance, a-t-il déclaré en substance. Une chose est sûre : le système des retraites se dégrade à si grande allure qu'il y a urgence à rectifier le tir. Opportunément, le HCP pense que le salut pourrait venir des femmes. Leur arrivée massive sur le marché améliorerait les taux d'activité et donc les indicateurs de couverture et le niveau des cotisations. Cet appel aux femmes pour sauver la maison n'est pas la seule originalité de l'étude du HCP sur les retraites. Outre ses 8 pistes d'approche, elle établit que la solution pourrait résider dans une espèce de patchwork qui mélangerait les différents régimes dans un cadre qui banaliserait leurs différences les plus saillantes. Car «le système de retraite marocain se caractérise par la coexistence de plusieurs régimes différents les uns des autres quant à leur statut juridique, leur mode de gestion, leurs ressources, et leurs modalités de prestations». Cependant ils ont en commun une même population de 3,2 millions de cotisants, soit 30% des travailleurs, ce qui constitue un des plus bas taux au monde. Deuxième handicap : le nombre de ceux qui bénéficient des pensions de retraite augmente plus rapidement que l'effectif de ceux qui y cotisent. En s'accroissant en moyenne de 6,3% au cours de la période 2000-2009, il a conduit à une détérioration continue du rapport démographique des caisses de retraite. «Ce rapport est passé de 15 actifs en moyenne pour un seul retraité en 1980 à 5,8 actifs en 1993 et à 4,6 actifs en 2009». Résultat : l'excédent financier de l'ensemble des caisses qui a régressé de 0,93% du PIB en 2005 à 0,23% en 2009 continue de plonger. Au demeurant, une tendance qui risque de s'aggraver du fait de la transition démographique : les plus de 60 ans atteignant le quart de la population globale à l'horizon 2050. Ce qui pose la grande question du ratio entre actifs et retraités et conduit le HCP «à développer un modèle d'équilibre général à générations imbriquées pour projeter la tendance de la situation actuelle et simuler des scénarios alternatifs…». Le premier scénario montre l'impact, la législation restant en l'état, de l'évolution démographique sur la situation financière du système de retraite marocain et sur la situation macroéconomique. Les effets en seraient que le nombre des actifs affiliés à la CNSS devrait augmenter de 50% d'ici 2050, celui des retraités serait multiplié par 6,6, et ces indicateurs seraient respectivement de 7% et 2,6 fois pour la CMR et de 15,6% et 3,2 fois pour le RCAR. «Dans ce contexte, la dépense totale des retraites devrait représenter 10% du PIB à l'horizon 2050, alors qu'elle ne représente que 3% du PIB en 2010. En revanche, les recettes seraient en baisse, passant respectivement de 3,2% du PIB à 2,6%». Autres pistes de recherche: les scénarios d'équilibrage des régimes qui prônent une augmentation des cotisations ou une réduction des pensions sont quasiment irréalisables. Ils sont difficilement réalisables. De même que sont limités les effets bénéfiques d'une augmentation de l'âge légal de départ à la retraite. Car s'ils sont positifs dans le court terme en ce qu'ils accroissent la population employée, ils ont peu d'effets sur les cotisations. Autre scénario envisagé : la couverture obligatoire pour les nouveaux travailleurs. Elle a pour avantage d'améliorer le taux de couverture à presque 90% et de réduire les dépenses rapportées au PIB. Cependant elle réduit sur le long terme le niveau de l'épargne privée. Le 6ème scénario mise sur une augmentation des taux d'activité. Son effet sur la situation financière du système de retraite marocain serait significatif. Le déficit total du système de retraite représenterait seulement 5,5% du PIB contre 7,4% prévu dans le scénario de base. Toutefois le chômage augmenterait. Viennent enfin les hypothèses de réorganisation du système de retraites. Le premier scénario suppose une fusion des caisses du pôle public CMR et RCAR. Si l'effet est bénéfique sur la situation de chacune des caisses, les conséquences macroéconomiques ne sont pas aussi nettes. Moralité : pour sauver le régime des retraites, il faudra sans doute butiner dans le bouquet, emprunter aux avantages de chacun des scénarios en évitant les inconvénients. Ahmed Lahlimi a dit la disposition du HCP à participer au projet si on le lui demandait.