C'est devenu pratiquement une habitude. Il ne se passe pratiquement plus une séance de questions au Parlement sans que des tensions n'éclatent entre le ministre de l'intérieur et secrétaire général du Mouvement Populaire, Mohand Laenser et les membres du groupe parlementaire du PJD (Parti de la justice et du développement). La tension entre les deux parties est telle qu'on se croirait plutôt à une dispute entre un parti de l'opposition et un membre du gouvernement. Mais pour Abdellah Bouano, député PJD à la première Chambre, la situation actuelle est tout juste le résultat d'une confusion. «Le groupe du PJD n'a pas de problèmes ou de position particulière vis-à-vis d'un membre du gouvernement. Mais cela ne veut pas dire pour autant que nous renonçons à notre travail de contrôle au Parlement», explique-t-il. Et de poursuivre : «Notre appartenance à la majorité parlementaire ne nous empêche pas d'interpeller ou de communiquer nos observations aux membres du gouvernement». Si Bouano minimise la tension avec l'allié du parti au gouvernement, la réalité, notamment au Parlement, est tout autre. Des critiques parfois acerbes sont régulièrement adressées au ministre de l'intérieur. Il y a quelques jours le PJD a programmé plusieurs questions au Parlement concernant notamment le bilan de l'ancien wali de la Région Gharb-Chrarda-Béni Hssein qui fut à un moment de sa carrière membre du Mouvement Populaire. «Nous avons également demandé au ministre de donner des détails sur le travail des commissions d'inspection de l'intérieur qui sont envoyées dans certaines régions sans qu'on en comprenne bien les raisons», affirme M. Bouano. Mais les critiques ne se limitent plus aux députés pjdistes. Le chef de gouvernement et secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane a reproché dans la Chambre des conseillers à Laenser de ne pas avoir pris son avis avant de demander l'ouverture d'une enquête sur les propos du parlementaire PJDiste Abdelaziz Aftati. C'est une première, selon le politologue Abderrahim Al Manar Sellimi. «Le chef de gouvernement a voulu adopter une approche équilibrée en critiquant Aftati tout en reprochant au ministre de l'intérieur sa réaction». M. Sellimi pense que la tension actuelle entre le groupe du parti de la lampe au Parlement et un ministre dans le gouvernement dénote une certaine philosophie de travail suivie par les parlementaires du PJD. «Les députés du parti adoptent une approche digne d'un parti de l'opposition quand il s'agit des ministres des partis alliés, mais lorsqu'il s'agit des ministres de leur propre parti, ils sont plus conciliants», analyse Sellimi. Cependant, le statut du ministère de l'intérieur rend les choses encore plus compliquées. Ce département considéré autrefois comme un portefeuille de souveraineté, est géré aujourd'hui et pour la première fois, par un responsable partisan qui se trouve sous la tutelle du chef de gouvernement. Mais Sellimi affirme que les frictions récurrentes entre le PJD et le ministre de l'intérieur donne l'impression, chez les observateurs mais également chez les citoyens, que Laenser ne travaille pas complétement sous le contrôle de Benkirane. «Je pense que le vrai test pour le gouvernement sera les préparatifs pour les prochaines élections. Les signes actuels montrent qu'on se dirige vers un plus grand clash entre les deux parties qui voudront chacune mettre leurs touches sur les textes qui devront encadrer les prochaines échéances», conclut le politologue.