C'est drôle comme un débat économique peut faire du bien. Cela fait longtemps qu'il n'y a plus de débat économique dans notre pays et, quand une initiative dans ce sens est prise, il ne faut pas bouder son plaisir. Notre confrère La Vie Economique, avec comme hôtes exquis, Nasreddine El Efrit et Mouna Yacoubi, ont renoué avec cette tradition utile. C'est drôle comme un débat économique peut faire du bien. Cela fait longtemps qu'il n'y a plus de débat économique dans notre pays et, quand une initiative dans ce sens est prise, il ne faut pas bouder son plaisir. Notre confrère La Vie Economique, avec comme hôtes exquis, Nasreddine El Efrit et Mouna Yacoubi, ont renoué avec cette tradition utile. Ils ont offert sur un plateau, déjeuner-débat oblige, à un public très averti une conférence animée par Joseph F. Stiglitz, Prix Nobel d'Economie en 2001, et ancien conseiller de Bill Clinton, sur un sujet d'une actualité brûlante : «la grande désillusion : les échecs de la mondialisation.» Il n'y a pas eu de surprise. Dès le départ, on était prévenu et l'on a eu exactement ce que promettait la lettre d'invitation citant J. Stiglitz : «La mondialisation, ça ne marche pas. Ça ne marche pas pour les pauvres du monde. Ça ne marche pas pour l'environnement. Et ça ne marche pas pour la stabilité de l'économie mondiale.» Ce monsieur n'est pourtant pas un altermondialiste excité, ni un gauchiste de base. Ses états de services intellectuels et professionnels plaident pour lui. C'est vous dire que ceux qui représentaient brillamment dans la salle nos libéraux locaux, nos libre-échangistes enthousiastes et nos globalisateurs militants ont eu du mal à avaler la poire du dessert. En gros, et pour parer au plus pressé, avec des tournures assez alambiquées, le conférencier a considéré que la mondialisation est un facteur de déstabilisation économique, sociale et financière notamment des pays du Sud et les accords de libre-échange, en l'état actuel du monde, sont une joyeuse esbroufe. Et de citer, entre autres, l'exemple du Mexique, et son accord avec les Etats-Unis, qui a perdu le contrôle de son agriculture, de son système bancaire… Deux anecdotes croustillantes l'une comme un feuilleté aux champignons à la sauce béchamel ( c'était l'entrée) et l'autre comme un rôti de veau avec une pomme de terre au four et une fricassée provençale d'aubergines et de tomates (le plat principal). La première, nous dit doctement J. Stiglitz, c'est qu'il vaut mieux être une vache en Europe qu'un pauvre vivant dans un pays du Sud. La vache touche 2 dollars de subvention par jour pour vivre, alors que le quidam dispose de moins que ces 2 malheureux dollars pour subvenir à ses besoins de base. La deuxième, c'est une histoire de mouche. Les agriculteurs californiens ont accusé les avocats mexicains, pas ceux du barreau, ceux que l'on mange, de porter une mouche dangereuse. Après des mois de recherche, aucune n'a été trouvée. Il a été décidé, par la suite, de n'autoriser l'importation des avocats du Mexique, par principe de précaution, qu'en hiver parce que, comme chacun le sait, l'hiver est une saison fatale pour les mouches. En fait, cette affaire de mouche, qui s'appelle technocratiquement une barrière non-tarifaire à l'importation, a été inventée par les Californiens avec le soutien de l'Administration pour protéger l'avocat US. Morale de l'histoire : va te rhabiller, je te vends tout, mais je ne t'achète rien. Sur ce, le public - la crème (brûlée !) de Casablanca - a été conquis et le café (Samar, je suppose) a été servi. Une vieille odeur de protectionnisme planait sur la salle qui buvait du petit-lait. Et une sombre inquiétude, forcément digestive, marquait les visages : «À quelle sauce ces Américains vont-ils nous manger avec leur accord?» Mais rassurez-vous, si on a si peu à vendre, on a encore moins pour acheter. Au fait, j'ai oublié: avec la poire du dessert, il y avait une tartelette moulée aux fruits des bois sur pâte brisée avec de la crème chantilly. Un délice. L'Américain a dû en reprendre…