Ariel Sharon a permis à Silvan Shalom de bénéficier de supporters au Comité central du Likoud, lui permettant de faire une carrière fulgurante. Mais ses convictions nationalistes l'amènent à rompre avec son chef et son plan de retrait. L'opération lancée par Ariel Sharon concernant une séparation unilatérale des Palestiniens et le désengagement des 17 colonies de Gaza, ainsi que de trois implantations près de Jénine, doit être comparée à l'accord entre Menahem Begin et Anouar El Sadate, en 1978, pour le désengagement du Sinaï. Le premier accord de principe a été titré « Cadre pour la paix au Proche-Orient », proposant les bases d'un accord global. L' « accord cadre » israélo-égypien, mettait l'accent, de même, sur l'acceptation par Israël d'une solution au problème palestinien, dans tous ses aspects. Il voulait, également, lever l'anxiété des Egyptiens de perdre leur place dominante dans le monde arabe. Il exprimait, enfin, la volonté de Sadate de repousser l'accusation d'un accord séparé. Pour les Israéliens, l' « accord cadre» apparaissait contraire aux positions habituelles de Menahem Begin, d'autant qu'il était conditionné par l'approbation de la Knesset, afin de permettre au chef du gouvernent d'aller vers un accord final. Le 25 septembre 1978, Begin présentait une déclaration passionnée devant la Knesset. Il obtenait une énorme majorité, mais des inconditionnels du chef du Herout n'hésitèrent pas à accuser avec force, Menahem Begin, de « trahison ». D'ailleurs le président égyptien, Anouar El Sadate, allait de son côté se heurter à un mur de refus, de la part des Syriens, des Jordaniens et des Palestiniens, ainsi qu'au rejet de la Ligue arabe qui le proclamera « traître ». Aujourd'hui, Ariel Sharon rencontre un refus de ses ministres contre la politique qu'il prépare en vue de son voyage à Washington vers le 20 février prochain. Sauf Shaül Mofaz et Ehoud Oulmert, tous les autres ministres de la coalition gouvernementale de Sharon, refusent un nouveau tracé de la barrière de sécurité, le plan « détachement » de Sharon ou la ligne de retrait de Gaza. Dès l'interview de Sharon au journal Haaretz, Silvan Shalom marquera sa totale désapprobation. Le ministre des Affaires étrangères était, déjà, relégué à un rang de simple collaborateur par le chef du gouvernement qui s'était bien gardé de l'informer de sa «bombe » sur les colonies de Gaza. D'autant que cette décision allait provoquer, à terme, un changement de coalition avec le départ du Mafdal et de l'Union nationale au profit des travaillistes qui réclamaient, probablement, de grands ministères : les Affaires étrangères, en tête. Silvan Shalom devenu un maillon faible, rejetait le plan Sharon qui, selon lui, mettrait en péril le gouvernement et entraînerait des élections anticipées. Silvan Shalom partage les convictions nationalistes du Comité central du Likoud et ne peut envisager une évacuation massive des colonies, d'autant qu'il est resté opposé à l'idée d'un Etat palestinien indépendant. Il se trouve face à un dilemme difficilement surmontable: pourra-t-il rester à son poste de ministre en allant voter contre le projet du gouvernement Sharon ? S'il se mettait à la tête du groupe des « rebelles » parlementaires du Likoud, Sharon pourra-t-il le laisser à son poste ? C'est pourquoi, Silvan Shalom allait faire un premier pas vers un compromis. Il déclare: « Je ne suis pas opposé, par principe, au retrait. Mais à la condition qu'il soit le résultat d'un accord avec les Palestiniens ». Pour marquer la division de l'équipe de Sharon, il est intéressant de rappeler la déclaration de Shaül Mofaz, ministre de la Défense, qui se range aux côtés de son chef de gouvernement, en qualifiant son plan de retrait « d'historique, capable d'accroître la sécurité du pays et de contribuer à sa prospérité ». D'autre part, Ariel Sharon n'a pas hésité à écarter Silvan Shalom, en envoyant Ehoud Oulmert, ministre de l'Industrie, préparer sa prochaine visite à Washington. Oulmert, après avoir rencontré Colin Powell, déclare : « Je n'ai entendu aucune réserve, aucune opposition de la part des Américains ». La seule chance de Silvan Shalom, dans cette crise irréversible, est que Ariel Sharon ne veuille pas précipiter les choses. Il a besoin, dans la conjoncture actuelle, que Shalom reste provisoirement à son poste en baissant un peu, son action dans l'opposition interne du Likoud. D'autant que l'Administration américaine ne s'oppose pas au plan Sharon, et espère qu'il reste conforme à la «feuille de route»… • Par Robert Assaraf