La recherche de quelqu'un ou de l'ailleurs justifie amplement les heures de chat que les Marocains passent dans les cybers. La réalité ne cesse dans ce sens de peser sur le monde virtuel. Le chat est virtuel. Ce n'est pas vrai, dans la mesure où la réalité ne cesse de miroiter devant les adeptes des sites de chat. Les cybers fonctionnent en grande partie grâce au chat. Selon Anouar Dakka, directeur de Cf. Inter, un cyber à Rabat, 80% de ses clients ne sont intéressés que par le chat. Ces 80% courent généralement après la rencontre amoureuse ou après un pays occidental. L'espoir de faire connaissance avec l'âme sœur ou le pays salvateur justifie les longues heures qu'ils passent devant les ordinateurs des cybers. Ces rencontres sont souvent décevantes. De telle sorte que la recherche devient souvent une fin en soi. Toute l'émotion vient de l'enthousiasme dont on crédite celui ou celle qui n'est encore rencontré. Ghita chate depuis deux ans dans un cyber à Rabat. Plusieurs rencontres décevantes ne l'ont pas encore dissuadée de l'inutilité de chercher quelqu'un sur Internet. «Non, ça m'occupe, et puis j'ai maintenant le virus ! Je suis malheureuse quand je ne chate pas » dit-elle. Et puis Rhita découvre le « Mirc arabe », un site de chat en arabe. « Il y a beaucoup de gens du Golfe, ils sont courtois, et puis, ils m'appellent pendant des heures sur mon portable ». Il est vrai que les Marocains préfèrent la biper. L'autre tendance des chateurs, chateuses a trait à l'émigration. Ils n'espèrent pas rencontrer l'âme sœur, mais sauver leur âme : ils ne pensent qu'à se barrer. Ils s'accrochent de toutes leurs forces à une seule personne, lui envoient des messages, sollicitent les services des bons rédacteurs du cyber. Il faut faire mouche par l'écrit. Rien n'est trop beau pour celui ou celle qui leur fera faire le grand voyage. Et ce grand voyage, Karim, un habitué du même cyber que Ghita, est sur le point de le faire. Il a jeté son dévolu sur une Canadienne qui viendra bientôt le rejoindre au Maroc. Karim est en chat avec elle depuis 6 mois. Il a réussi à la convaincre de son amour. «Je ne lui ai pas caché mon désir de vivre au Québec. Je suis honnête», dit-il. Tellement honnête qu'il ne s'arrête pas sur les détails : sa promise a 15 ans de plus que lui, et sa corpulence est bien au-dessus de la moyenne. Le chat obéit donc à des exigences que le monde virtuel ne connaît pas. N'était l'espoir de la rencontre réelle, rares sont les personnes qui s'y intéresseraient.