Un événement à haute teneur politique a eu lieu le dimanche 18 décembre. De façon surprenante, et à l'heure où tout le monde se focalisait sur les tractations pour la formation du nouveau gouvernement, la mouvance Al Adl Wal Ihssane a annoncé son retrait du mouvement du 20 février. La nouvelle est tombée alors que ce mouvement, qui s'active depuis le 20 février dernier pour demander plus de réformes, organisait, comme à l'accoutumée, des manifestations dans certaines villes marocaines. La mouvance de Cheikh Abdessalam Yassine qui mettait, durant près de dix mois, tout son poids politique pour donner du volume au 20 février, a décidé de faire marche arrière. «Bien que nous demeurions convaincus de la légitimité des revendications du 20 février et du droit des peuples à la protestation pacifique, nous annonçons la cessation de l'adhésion de nos jeunes au mouvement du 20 février», précise Al Adl dans un communiqué publié sur le site Internet de la Jamaâ. L'une des raisons invoquées pour justifier ce retrait, et qui paraît la plus importante selon les observateurs, figure «l'insistance à vouloir imposer un plafond de revendications déterminé sur le mouvement l'empêchant ainsi d'être un vrai facteur de pression militant en faveur d'un changement réel». Al Adl fait allusion dans ce cadre à la plate-forme du 20 février se limitant à revendiquer la mise en place d'une Monarchie parlementaire. Ceci dit, la démarche d'Al Adl en ce moment précis suscite plusieurs points d'interrogation. Que cherche réellement Al Adl ? Pourquoi c'est maintenant qu'elle bat en retraite ? Quel impact sur le gouvernement Benkirane? Qu'en est-il de l'avenir du Mouvement du 20 février? Tout en s'accordant pour dire qu'Al Adl ne cherche nullement à faire des cadeaux aux islamistes du PJD, les analystes affirment que cet événement annonce le début de la fin du 20 février. «Etant donné que c'est Al Adl qui assurait au 20 février la présence d'un grand nombre de manifestants, le retrait des Adlistes annonce la fin de ce mouvement. Certes, le 20 février pourrait continuer à protester dans les prochains jours, mais il finira bientôt par se disloquer», souligne l'islamologue Saïd Elakhal. «La défection d'Al Adl obligera certains membres du 20 février à dialoguer avec le gouvernement Benkirane. Ils n'ont plus le choix s'ils veulent sauver la face», précise-t-il. «Le communiqué d'Al Adl montre clairement que certaines parties au sein du 20 février ont su imposer le respect de la plate-forme du mouvement ne revendiquant que la Monarchie parlementaire. D'où la divergence des points de vue», explique M. Elakhal. Bien qu'il ait reçu un coup dur, le Mouvement du 20 février a, pour sa part, tenu à minimiser l'impact du retrait des islamistes d'Al Adl. «Plusieurs parties avaient quitté le 20 février depuis sa création et pourtant cela n'a pas eu d'impact sur le mouvement. Nous tenons au respect du plafond de nos revendications et de notre plate-forme. Nous ne sommes pas prêts à céder au chantage de n'importe quel organisme politique», affirme Najib Chawki, membre influent du Mouvement du 20 février. «Le mouvement continuera de militer en faveur des réformes et nous refusons de dialoguer avec le gouvernement. Ce ne sont pas les organisations politiques qui feront la différence mais le peuple marocain. D'ailleurs, ces organisations existaient déjà et pourtant n'avaient pas réussi à enclencher cette dynamique sociale», ajoute M. Chawki. Mais, au-delà du discours optimiste de ce membre du 20 février, le retrait d'Al Adl constitue un tournant décisif pour le mouvement.