Mohamed Ziane, coordinateur national du Parti marocain libéral (PML), estime que l'Espagne a voulu tester la vigilance des Marocains en violant son espace aérien. ALM : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que des avions militaires ont violé l'espace aérien marocain? Mohamed Ziane: Je suis resté calme, pour une raison très simple. L'Espagne viole régulièrement notre espace aérien. Ce n'est pas la première fois. Quotidiennement, le Maroc a droit à de telles incursions. La zone frontalière de séparation est exiguë et ne devrait être survolée ni par le Maroc ni par l'Espagne. Les manœuvres militaires espagnoles finissent souvent par des violations de ce type. Manifestement, le Maroc n'a jamais contesté. Je trouve cela malheureux. Concernant la réaction marocaine, comment trouvez-vous le communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères? La réaction marocaine a été très timide. Surtout par rapport à un pays comme l'Espagne, où une frange de sa population exprime régulièrement son hostilité à l'égard du Maroc. Le gouvernement devait faire comprendre aux autorités espagnoles que le Maroc a changé et que ce type de violation et d'intimidation doit cesser une fois pour toutes. De quelle frange de la population espagnole parlez-vous? Je pense à une minorité de grossistes et de nostalgiques qui n'ont pas voulu comprendre que nous sommes au 21ème siècle. Cette même minorité qui bénéficie du soutien financier et politique de l'Europe et qui a réussi à tisser un vaste réseau d'aide au polisario. En effet, des chaînes de télévision publiques espagnoles consacrent de longues heures d'antenne pour vanter les mérites des séparatistes et ramasser des dons, soi-disant humanitaires. Une bonne partie de cette aide est détournée au passage. Tout le monde le sait. Pourtant, les autorités espagnoles se sont excusées pour cet incident. C'est gentil et c'est mignon! Mais ont-ils donné des assurances que la stratégie d'intimidation du Maroc va cesser? Nous ne sommes pas dans une zone frontalière nouvelle ou imprécise. En plus, il y a des accords de coopération et de bon voisinage entre le Maroc et l'Espagne. Si l'avion en question avait absolument besoin de traverser notre espace aérien, il lui suffisait d'en avertir le Maroc. Dans un tel cas, ce dernier ne refuserait jamais, à un appareil en détresse, l'accès à son territoire. Il ne faut donc pas nous raconter des histoires à dormir debout. Pensez-vous que l'avion n'était pas en détresse? Je pense sincèrement que les Espagnols ont voulu, par leur acte, tester notre vigilance, surtout au lendemain d'une fête et lors d'un week-end. En outre, l'avion volait à une basse altitude, il pouvait ainsi prendre des photos de toute la région survolée. Ce n'est donc pas un acte innocent. Selon vous, peut-on mettre en parallèle cette dernière violation de l'espace aérien et l'affaire de l'îlot Leïla? L'intimidation occupe une large place dans la stratégie de l'Espagne à l'égard du Maroc. Il suffit de voir l'alignement des bâtiments militaires espagnols tout au long de la côte nord du Maroc, partant de l'île Ghmara jusqu'aux îles Jaâfarines. Militairement, le Maroc peut-il faire le poids face à l'Espagne? Ne nous faisons pas d'illusions. L'Espagne fait partie de l'Otan. Cette organisation, créée pour contrecarrer l'empire soviétique, se solidarise systématiquement avec ses Etats membres. C'est inscrit dans sa charte. Rappelez-vous ce qui s'est passé contre les Serbes. Bien que je sois culturellement proche des Bosniaques, j'ai trouvé humainement insupportable l'agression des Serbes par l'Otan. Le Maroc risque de subir le même sort. C'est la raison pour laquelle l'action diplomatique doit être plus régulière qu'elle ne l'est aujourd'hui. En parlant de diplomatie, que pensez-vous de la réaction parlementaire? Pour que nous puissions parler d'une véritable diplomatie parlementaire, il faut d'abord avoir des parlementaires. Malheureusement, des députés qui achètent leurs sièges au Parlement ne sont motivés par aucune sensibilité. Notre Parlement doit être composé de grands intellectuels, une intelligentsia marocaine. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Le gouvernement a le Parlement qu'il mérite et vice-versa.