Les usagers de drogues ne sont pas des criminels, mais des patients. Evidente à l'énoncé, cette phrase résume toutes les difficultés de l'approche de l'addiction aux stupéfiants. Devant les progrès ahurissants de l'épidémie, la plupart des Etats privilégient l'approche sécuritaire et c'est justement ce qu'il ne faut pas faire, ont souligné les participants à la conférence organisée mercredi à Rabat au siège du CNDH. A l'appel de l'Association de lutte contre le sida (ALCS) et de ses partenaires, les associations RDR–Maroc et Hasnouna ainsi qu'Onusida, plusieurs experts et praticiens du Maroc et de l'étranger ont débattu de la meilleure solution à apporter au problème de l'exclusion et de la discrimination dont sont victimes les usagers de la drogue. Ils ont ainsi passé en revue dans le cadre de cette conférence intitulée «Pour une nouvelle approche des usagers de drogues fondée sur la santé et les droits humains». Comme elle est inédite cette approche ! On y trouve tout ce qui peut faire référence dans l'évaluation des dégâts causés par les différentes addictions et les moyens de les limiter. Le sujet est assez vaste pour englober des thèmes aussi variés que «la situation de l'usage de drogues» au Maroc, les «droits d'accès à la prévention», le «témoignage d'un usager» et même une allusion au système répressif actuel à travers un exposé sur «Police, justice et usagers de la drogue». Dans l'esprit des organisateurs, cet éclectisme est nécessaire au regard des objectifs de la conférence qui pour le principal est d'agir sur l'environnement afin de faire respecter les droits fondamentaux des usagers. Avec en perspective ces buts finals : inscrire la question des droits humains des usagers sur l'agenda du CNDH et améliorer l'accès au système de soins. En fait, ce droit leur est reconnu au même titre que tous les autres Marocains par l'article 31 de la Constitution du 1er juillet. Et ils seront sans doute de plus en plus nombreux à le réclamer selon les études faites sur les différentes addictions. Dans certaines régions, l'usage de la drogue est si précoce qu'il n'est pas rare de le constater chez des enfants de moins de 9 ans. En effet, plus de 10% des garçons et 8% des filles de moins de 11 ans ont goûté au cannabis. Quelques tranches d'âge plus loin, 8% des hommes et 5% des femmes s'adonnent à la consommation d'alcool à des taux d'addiction divers. Les chiffres sont tout aussi alarmants en ce qui concerne la consommation des psychotropes. Mais, ont assuré les experts lors de la conférence de la nouvelle approche, toutes les villes ne sont pas logées à la même enseigne. Dans l'ordre de gravité des cités les plus sévèrement atteintes, ce sont les agglomérations du Nord qui viennent en tête. Et ce sont Nador, Tétouan et Tanger qui abritent le plus grand nombre d'usagers. Avec cette circonstance aggravante que l'addiction est souvent liée à l'infection par le virus du sida ou celui de l'hépatite C. Selon un document du ministère de la santé publique, le nombre des usagers de la drogue par voie injectable ne cesse d'augmenter. Il serait actuellement de 14.000 selon les dernières estimations. Le même département indique que face à cette situation inquiétante, le ministère a mis en place un plan stratégique national et des programmes de réduction des risques en partenariat avec les associations de la société civile. Mais, ajoute le ministère, «de nombreuses études ont montré qu'aucune politique de réduction des risques auprès des usagers ne peut réussir sans l'amélioration de leurs conditions de vie et sans la lutte contre la discrimination dont ils sont victimes».