Il faisait près de quarante degrés à l'ombre et j'avais opté pour des sandales, shorts et T-shirt. A la fin de notre entretien, quand je me suis levé, la dame m'a regardé de nouveau de haut en bas puis de bas en haut, apparemment surprise par mon apparence inhabituelle dans ce genre de contexte – un bon lieu d'art et de culture. Heureusement que cette dame connaissait déjà mes travaux et qu'elle les trouvait plutôt intéressants. L'être humain est, par définition, assez paresseux. Il a tendance à minimiser ses efforts (ce qui a d'ailleurs, probablement, contribué à développer son intelligence). Alors pour vous juger, les gens ne peuvent pas attendre de vous connaître. Ils n'en ont pas le temps et parfois même pas l'envie. Pas le temps de discuter avec vous pour vous juger et se faire une opinion plus exacte sur vous et vos talents. Alors ils vous jugent selon ce qu'ils peuvent facilement percevoir. Selon vos habits, votre apparence! Le monde est aujourd'hui dirigé plus par les apparences que par la réalité. Les choses ne sont généralement pas respectées pour ce qu'elles sont, mais pour ce qu'elles ont l'air d'être. Au point que «sembler savoir» est aussi important que «effectivement savoir». Ne dit-on pas que l'apparence du succès aide à réussir ? Cette histoire m'a fait penser au fameux dicton nord-américain qui dit : «Dress to impress» et qui signifie «s'habiller pour impressionner». Ce dicton qui nous conseille de bien nous habiller pour laisser de bonnes impressions chez les gens est d'autant plus étonnant que les Américains du nord se moquent généralement des habits et des apparences. D'habitude, chez-eux, seuls l'efficacité et le savoir-faire des gens comptent. Il faudrait qu'ils viennent au Maroc pour comprendre la vraie signification de ce dicton qui est peut-être d'origine marocaine, car chez-nous l'apparence compte plus que tout. J'ai envie de dire que chez-nous, l'habit fait le «fqih.» En choisissant l'art, on choisit de vivre libre et indépendant de la volonté des autres, quels qu'ils soient. Mais, fatalement, on se retrouve en train de faire plaisir, ou du moins d'essayer de ne pas choquer les autres et risquer de perdre les quelques chances d'avancer. Et ce, parfois aux dépens de ses bons principes! Il est donc souvent utile de s'habiller « correctement » pour rencontrer des gens que l'on ne connaît pas encore. Ne serait-ce que pour éviter les mauvais jugements, trop rapides, et peut-être compromettre les potentielles collaborations futures. On peut donc manger et boire pour se faire plaisir, mais il s'agit de s'habiller pour améliorer son image -pas nécessairement pour les gens, pour soi ou pour suivre la mode. Être correctement habillé peut aider l'artiste inconnu à ouvrir quelques portes utiles. Et l'inverse est aussi vrai. Certes, l'habit ne fait pas l'artiste, mais quand l'artiste est inconnu, l'habit améliore son apparence et donc ses chances de réussite.