Depuis quelques temps déjà, Martine Aubry n'est plus cette première secrétaire terne d'un parti qui porte ses divisions comme une auréole de martyr. Sa langue a-t-elle vraiment fourché ou trahit-elle une volonté inconsciente, une posture subliminale ? Lorsqu'elle avait utilisé, dans ses réponses apparemment improvisées à des journalistes, la conjonction «Quand je serai candidate» au lieu de «Si je suis candidate», l'excitation était à son comble. Bien plus sérieuse que la blogosphère toujours prête à s'amuser de tous les dérapages et autres bavures verbales, la confession involontaire de Martine Aubry révèle une attitude bien dissimulée. La petite phrase de Martine Aubry a eu cet énorme impact parce que la première secrétaire du PS sortait d'une séquence politique relativement favorable. Elle venait de réaliser de belles performances aux élections cantonales, considérées à tort ou à raison comme le dernier tour de chauffe avant les présidentielles. La direction du PS, sous sa houlette, venait d'accoucher d'un projet socialiste, lequel même si, selon ses détracteurs, ne contient pas des ruptures tranchantes ou des tournants innovants, a le mérite d'exister. Ce qui est à mettre sur le crédit de Martine Aubry et sa capacité à fournir un travail collectif. Ce qui, pour un parti traversé par de violents courants marins, peut paraître comme une jolie performance. Un constat politique est certain. Depuis quelques temps déjà, Martine Aubry n'est plus cette première secrétaire terne d'un parti qui porte ses divisions comme une auréole de martyr. Elle n'est plus cette icône sans relief qui à chaque apparition donne l'impression de s'excuser d'être là et de ne pas avoir l'étoffe de remplir la grande mission de guider la gauche vers la victoire et l'alternance. Elle était parvenue à camoufler cette impuissance manifeste par une modestie imposée. C'était elle qui n'arrêtait pas de nourrir une étrange stratégie qui consistait à sous-traiter une possible victoire en se cachant derrière le mieux disant politique parmi les possibles candidats socialistes. Le pacte de non-agression qu'elle aurait signé en douce avec Dominique Strauss-Kahn, sa promesse de ne pas se présenter aux primaires si les sondages continuaient à accorder leur bénédiction au patron du FMI, faisaient partie de cet aveu d'une incapacité chronique d'imposer son propre leadership, au désespoir de ses propres amis qui la voulaient plus combative. En présentant le projet socialiste dans lequel on trouve quelques propositions comme la création de 300.000 emplois pour les jeunes, la taxation de profits pétroliers, un encadrement des loyers, la limitation des salaires des patrons des entreprises publiques ou une sortie progressive du nucléaire, Martine Aubry dut recevoir une violente salve de critiques de la part de l'UMP et de la majorité présidentielle. Parmi la longue liste des détracteurs, le plus mordant fut sans aucun doute le numéro un de l'UMP Jean-François Copé qui non seulement accuse les socialistes de sortir un programme qui sent la naphtaline mais s'interroge publiquement sur la légalité des primaires que le PS compte organiser pour départager les prétendants. A examiner de près la nouvelle démarche de Martine Aubry, il n'est pas exclu que la première secrétaire du PS se sente pousser des ailes. Peut-être, pour formaliser son désir de s'investir dans la bataille des primaires, attend-elle que la bulle des sondages qui protége encore DSK commence à subir le début d'une érosion et quelques signes d'essoufflements.